
Tremblement essentiel : l’instauration des traitements s'effectue par étapes/paliers successifs.gustavofrazao / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Le traitement médicamenteux du tremblement essentiel - en première intention propranolol et primidone - peut être initié par le médecin généraliste en tenant compte des contre-indications et en précisant au malade « l’efficacité limitée » de ces molécules.
En cas d’inefficacité des médicaments, de gêne significative, ou d’examen neurologique anormal, le patient doit être dirigé vers un neurologue qui pourra proposer une neurostimulation intracérébrale ou une thalamotomie à crâne fermé par rayons X (gamma knife) ou par ultrasons (FUS).
Ce chapitre complète un article précédemment publié sur « la stratégie diagnostique devant un tremblement en médecine générale ».
Les malades atteints d’un tremblement essentiel (TE) peuvent éprouver une gêne importante sur les plans fonctionnel, esthétique ou social. L’intensité de cette gêne varie selon les individus. Lorsqu’elle est marquée, elle peut fortement entraver les activités quotidiennes telles que manger, s’habiller ou faire sa toilette. Depuis plusieurs décennies, les neurologues tentent d’enrichir l’arsenal médicamenteux dans ce domaine, mais sans réel succès.
Les traitements pharmacologiques
Avant toute prescription, il est recommandé, autant que faire se peut, de diminuer ou d’arrêter les médicaments trémorigènes (les plus souvent en cause étant les neuroleptiques, bronchodilatateurs bêta-2 agonistes, antidépresseurs imipraminiques [amitriptyline, clomipramine…], antiépileptiques [valproate], lithium, amiodarone…).
En première ligne selon l’AAN
De nombreuses molécules ont été testées dans le TE. Cependant, les études contrôlées avec un effectif adapté sont rares et il n’existe pas de données sur le bénéfice au long cours.
La réponse au traitement est variable et dose dépendante. De plus, l’efficacité de ces médicaments reste relative et ne fait généralement pas disparaître le tremblement.
Un tiers des patients vont arrêter leur traitement [1]. D’où l’importance de discuter avec eux des prescriptions médicamenteuses et du rapport bénéfice/risque, ce qui peut aussi participer à une meilleure observance.
L'American Academy of Neurology (AAN) a établi des guidelines il y a une dizaine d’années qui n’ont guère évolué [2, 3].
Deux médicaments ont démontré une efficacité dans des essais contrôlés en double aveugle contre placebo et sont indiqués en première intention : un bêtabloquant non sélectif, le propranolol, et un barbiturique, la primidone (hors AMM).
Le propranolol est démarré à petites doses (10 mg 3 fois par jour [3]). Les contre-indications classiques des bêtabloquants peuvent en limiter l’usage.
La primidone est parfois mal tolérée chez le sujet âgé. Les comprimés sont fortement dosés et le traitement doit être commencé progressivement le soir par la dose la plus faible possible (1/4 de comprimé) en informant les patients du risque de sédation qui peut être observé dès le premier comprimé [3].
Soulignons que les agonistes dopaminergiques n’ont pas d’intérêt dans le TE.
En seconde intention
Les autres médicaments ont un niveau de preuve plus faible :
- deux bêtabloquants :
- une benzodiazépine (alprazolam hors AMM [4]) avec une utilisation très limitée par le risque de dépendance ;
- deux antiépileptiques :
- topiramate hors AMM [3],
- gabapentine hors AMM [3].
La toxine botulique dans certains cas très particuliers
L’utilisation de la toxine botulique chez les patients avec un TE est plutôt rare (alors qu’elle est très utile en cas de dystonie). Les injections ne doivent être pratiquées que par des praticiens expérimentés et chez des patients ne répondant pas aux traitements médicamenteux. En effet, plusieurs groupes musculaires sont concernés par l’activité tremblante et il est nécessaire de sélectionner les muscles cibles qui sont le plus impliqués dans la gêne fonctionnelle. Les doses sont faibles et les muscles extenseurs des doigts ne doivent pas être injectés sous peine de déficit moteur gênant.
Des travaux récents ont rapporté une efficacité de la toxine botulique sur le tremblement essentiel des membres supérieurs à court terme. Une étude française contrôlée publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) a démontré une efficacité dans le tremblement céphalique isolé versus placebo [5].
Des approches non pharmacologiques et non invasives en cours de développement…
Des appareils permettant de fournir une stimulation électrique transcutanée au niveau de l’avant-bras ou du poignet sont en cours de développement. Un de ces appareils a été récemment approuvé par la Food and drug administration (FDA) [6]. Il réduit l’amplitude du tremblement en stimulant les nerfs médian et cubital à une intensité inférieure au seuil moteur afin d’éviter les contractions musculaires efférentes.
La vibrothérapie à l’aide d’un appareil portatif est aussi à l'étude. Plusieurs mécanismes sont proposés pour tenter d'expliquer comment l’activité du système nerveux pourrait être modulée avec cette thérapie [6].
Ces technologies, en cours de développement, ne sont pas disponibles en France.
Par ailleurs, chez les patients gênés lors des repas, une cuillère « intelligente antitremblement », dont le manche est équipé de capteurs et de moteurs visant à contrecarrer le tremblement, est disponible [6]. Aucune donnée n'a été publiée sur cet objet (comme les cuillères lestées et les ustensiles avec contrepoids lesté).
Enfin, en ce qui concerne les thérapies non conventionnelles (comme l'acupuncture ou la méditation), il n’y a pas non plus, à notre connaissance, de publications internationales faisant référence dans le TE. Notre équipe mène actuellement une étude sur l’impact de la méditation sur le tremblement parkinsonien avec des résultats pour l’instant discutables.
Les thérapeutiques interventionnelles
Historiquement, la thalamotomie a été un des premiers traitements efficaces sur le tremblement parkinsonien dans les années soixante. C’est le Pr Benabid (Grenoble) qui a mis au point la technique de stimulation intracérébrale du noyau Vim du thalamus. Elle consiste à placer de manière très précise une électrode au niveau de ce noyau et de modifier son fonctionnement grâce à une pile implantée en sous claviculaire (cf. notre article du 29 février 2024). La stimulation cérébrale profonde (SCP) a été ensuite largement utilisée avec succès dans le monde entier.
La stimulation cérébrale profonde
Dans le TE, les résultats de la SCP sont parfois spectaculaires avec une réduction de l’amplitude du tremblement de 60 à 80 %. La SCP est aussi utilisée dans des tremblements lésionnels comme celui de la sclérose en plaques. On privilégie le côté le plus atteint, car une stimulation bilatérale expose à l’apparition d’une dysarthrie.
Au cours des dernières décennies, des progrès ont été faits concernant le type d’électrode, le choix d’autres cibles et l’utilisation de piles rechargeables. Cependant, le suivi au long cours montre une diminution de l’efficacité chez certains patients. De plus, cette technique impose un geste chirurgical avec craniotomie, qui rebute nombre de patients, et qui est contre-indiqué en cas de traitement anticoagulant ou de troubles cognitifs [7].
La radiochirurgie stéréotaxique
De nouvelles procédures, telles que la radiochirurgie stéréotaxique par rayons X (gamma knife), ont été développées. Elles permettent d’effectuer une thalamotomie radio-induite à crâne fermé en ambulatoire. Cette technique, moins lourde que la SCP, est actuellement pratiquée en France dans des centres spécialisés (CHU de Marseille, Lille et Paris). Son efficacité est retardée (de 3 à 6 mois) et les effets indésirables sont régressifs. Les anticoagulants ne contre-indiquent pas cette procédure.
La thalamotomie par ultrasons
La thalamotomie par ultrasons guidée par IRM est une approche novatrice récemment disponible en France qui a fait l'objet de nombreuses publications avec des résultats intéressants plus rapides qu’avec la radiochirurgie. Selon la Haute Autorité de santé (HAS) (novembre 2024) : « Il s’agit d’une option potentiellement efficace pour les patients atteints de TE résistant aux médicaments et présentant une contre-indication à la SCP » [8]. Les données sont encore insuffisantes pour la proposer en première intention.
Des interventions neurochirurgicales de mieux en mieux codifiées
Si la génétique du TE reste toujours mystérieuse, et que de nouveaux médicaments tardent à venir, l’éventail des interventions neurochirurgicales s’est élargi. En l’absence d’études comparatives, le choix entre ces interventions dépend des disponibilités limitées des appareils, de l’existence de contre-indications et des contraintes liées à chaque technique.
La diffusion de ces différentes procédures permettra certainement de mieux préciser les indications, les bénéfices attendus et la pertinence des approches bilatérales.
[1] Louis ED, Rios E, Henchcliffe C. How are we doing with the treatment of essential tremor (ET)?: Persistence of patients with ET on medication: data from 528 patients in three settings. Eur J Neurol., 2010 May 13;17:882-884. doi: 10.1111/j.1468-1331.2009.02926.x
[2] Zesiewicz TA, Elble R, Louis ED et al. Practice parameter: therapies for essential tremor: report of the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of Neurology. Neurology, 2005 Jun 28;64:2008-20. doi:10.1212/01. WNL.0000163769.28552.CD
[3] Zesiewicz TA, Elble RJ, Louis ED et al. Evidence-based guideline update: treatment of essential tremor: report of the Quality Standards subcommittee of the American Academy of Neurology. Neurology, 2011 Nov 8;77:1752-5. doi:10.1212/WNL.0b013e318236f0fd
[4] Shanker V. Essential tremor: diagnosis and management. BMJ, 2019 Aug 5;366:l4485. doi: 10.1136/bmj.l4485
[5] Marques A, Pereira B, Simonetta-Moreau M et al. Trial of Botulinum Toxin for Isolated or Essential Head Tremor. N Engl J Med., 2023 Nov 9;389:1753-1765. doi: 10.1056/NEJMoa2304192
[6] Adabi K, Ondo WG. Shaking Up Essential Tremor: Peripheral Devices and Mechanical Strategies to Reduce Tremor. Tremor Other Hyperkinet Mov (N Y), 2024 Nov 11:14:55. doi: 10.5334/tohm.930
[7] Aubignat M, Tir M., Lefranc M. Comment prendre en charge un tremblement pharmaco-résistant handicapant ? Prat Neurol., décembre 2024;15:238-245. doi : 10.1016/j.praneu.2024.10.003
[8] Tremblement essentiel : la HAS propose un cadre pour la thalamotomie par ultrasons focalisés guidés par IRM (HAS, novembre 2024)
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