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Stratégie diagnostique devant un tremblement en médecine générale

Le tremblement est un motif de consultation fréquent en médecine générale. Une analyse sémiologique simple permet de diagnostiquer facilement un tremblement essentiel. Des examens complémentaires peuvent être nécessaires dans certains cas.

Christian Geny
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Le tremblement essentiel est la forme la plus fréquente de tremblements.

Le tremblement essentiel est la forme la plus fréquente de tremblements.AndreyPopov / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Le diagnostic d’un tremblement repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique.

Un tremblement essentiel doit être évoqué en cas de tremblement postural du membre supérieur. Une maladie de Parkinson ou un tremblement physiologique sont facilement écartés.

La normalité de l’examen neurologique est suffisamment rassurante pour limiter les explorations. Cependant, dans certaines situations, un avis spécialisé et des examens complémentaires peuvent être nécessaires.

Le DatScan est utile en cas de tremblement mixte pour identifier un syndrome parkinsonien.

L’électromyographie de surface permet de préciser la fréquence du tremblement et de confirmer un diagnostic de tremblement orthostatique.

Ce chapitre sera suivi d'un autre sur la prise en charge médicamenteuse et interventionnelle du tremblement essentiel.

Les mouvements anormaux sont un motif fréquent de consultation en médecine générale. Parmi eux, le tremblement, défini comme « un mouvement rythmique autour d’un point d’équilibre », est le plus facile à identifier. Le tremblement essentiel (TE) représente la principale cause de tremblement. Et, bien que n’étant pas en rapport avec une pathologie neuro-évolutive, il peut inquiéter et grandement gêner les patients [1].

Dans cette première partie, le focus est mis sur la stratégie diagnostique, puis sur le TE, et les éventuels examens complémentaires. 

De l’examen clinique…

Le diagnostic d’un tremblement est principalement clinique.

En premier lieu, l’interrogatoire permet de préciser :

  • les antécédents personnels et familiaux ;
  • les traitements médicamenteux ;
  • la consommation de café et d’alcool (et une éventuelle sensibilité du tremblement à la prise d’alcool) ;
  • les circonstances d’apparition (progressive, brutale…) ;
  • son retentissement et ressenti sur la vie quotidienne [1] (cf. Figure 1).

Une observation simple du patient assis permet de définir le tremblement (circonstances de déclenchement, topographie, symétrie) :

  • avant-bras étendus sur les genoux, muscles relâchés : tremblement de repos ?
  • bras en extension position maintenue contre la gravité (manœuvre du serment) : tremblement de posture ?
  • apparition ou persistance du tremblement lors d’une action volontaire (tremblement cinétique, intentionnel) ?
    • manœuvre doigt-nez,
    • écriture de quelques mots,
    • dessiner une spirale (cf. Figure 2),
    • porter un verre à la bouche.

L’examen neurologique recherche :

  • une rigidité et une bradykinésie des membres (syndrome extrapyramidal évocateur d’une maladie de Parkinson [MP]) ;
  • une marche ataxique (atteinte lemniscale ou cérebelleuse ?) ;
  • une abolition des réflexes ostéotendineux (neuropathie ?).

… à l’analyse sémiologique

Au niveau sémiologique, plusieurs types de tremblements peuvent être caractérisés et cette analyse est d’une grande utilité pour orienter ou non le patient vers un neurologue. Une nouvelle classification en deux catégories principales a été proposée en 2018 : tremblement de repos ou d’action [1].

Le tremblement de repos

Le tremblement de repos est un tremblement lent qui s’observe dans différentes circonstances, en particulier au repos en position assise quand le membre supérieur (soutenu) est relâché.

Il est plus prononcé lors d’un effort intellectuel (calcul mental…) ou d’émotions et peut être déclenché dans de telles circonstances.

Il disparaît à l’action lors des mouvements volontaires, notamment quand on demande au patient d’étendre la main et les doigts.

Il disparaît aussi lors du sommeil.

Il concerne le plus souvent les membres supérieurs et la main réalise typiquement des mouvements comme pour « rouler de la mie de pain, compter sa monnaie, ou battre sa coulpe ». Il touche plus rarement les membres inférieurs et le menton.

Le tremblement de repos est très évocateur de la MP (cf. notre article du 6 février 2024). Il se rencontre plus rarement dans les syndromes parkinsoniens. Il peut se voir aussi en cas de TE à un stade tardif.

Le tremblement de repos réémergent correspond à la réapparition après quelques secondes du tremblement de repos parkinsonien au cours de la manœuvre du serment lorsque le patient ne maintient pas une extension complète de la main.

Le tremblement d’action

Ce type de tremblement survient en cas d'action que ce soit pour maintenir une posture ou pour réaliser un mouvement volontaire.

On distingue : 

  • le tremblement postural qui apparaît quand un membre est maintenu contre la gravité :
    • lorsqu'il s'observe lors de la manœuvre du serment, il doit faire évoquer principalement un TE qui touche le plus souvent les membres supérieurs (bras et mains). Initialement postural, le TE peut s'aggraver avec l'apparition d’un tremblement lors du mouvement.
    • un tremblement postural peut aussi correspondre à une exagération du tremblement physiologique (fréquence rapide, faible amplitude). Ce dernier peut être majoré dans certaines situations ou pathologies (anxiété, hyperthyroïdie, sevrage) ou à la suite d’une prise médicamenteuse (cf. Encadré).
    • le tremblement en condition orthostatique est un tremblement postural qui survient en position debout et peut se voir dans la maladie de Parkinson.
      Il faut le distinguer du tremblement orthostatique [2], trouble exceptionnel et méconnu, qui ne se traduit pas par un tremblement, mais plutôt par une sensation d’instabilité et de troubles de l’équilibre et de la marche apparaissant lorsque la personne reste en position statique. Il est dû à un tremblement isolé des muscles porteurs. Il disparaît lorsque la personne peut s’appuyer sur un support ou faire quelques pas. Ce trouble est le plus souvent primaire (aucune cause retrouvée). Il est plus rarement accompagné d’autres signes neurologiques (« on parle de tremblement orthostatique plus ») ou le témoin d’une affection neurodégénérative débutante (tremblement orthostatique secondaire).
Encadré - Liste des médicaments trémorigènes [3]

Bêta-agonistes, théophylline, antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs calciques, valproate de sodium, lithium, ciclosporine, neuroleptiques, amiodarone, acétate de flécaïnide, corticoïdes.

  • le tremblement cinétique correspond à un tremblement survenant au cours d’un mouvement volontaire comme la manœuvre doigt-index. On distingue : 
    • le tremblement cinétique simple qui est présent pendant tout le mouvement,
    • le tremblement intentionnel qui apparaît ou augmente en fin de course lors de la manœuvre doigt-index quand le doigt s’approche du nez (de la cible). Il est évocateur d’un dysfonctionnement cérébelleux.
  • le tremblement spécifique d’une seule tâche (comme l’écriture) est rare. Il peut être le témoin d’une dystonie ;
  • le tremblement isométrique survient quand la personne fait une contraction musculaire très intense et soutenue (serrement du poing, port d’une charge lourde…). Il n’a pas de valeur pathologique lorsque l’effort est significatif.

Le tremblement fonctionnel

Le tremblement d’un trouble neurologique fonctionnel est typiquement d’apparition brutale. Il est difficile à catégoriser et souvent variable en fréquence et en amplitude. À l’examen, il existe une inconsistance, une distractibilité et un effet d'entraînement (cf. notre article du 9 juillet 2024).

L’essentiel sur le tremblement le plus fréquent

Le TE est le mouvement anormal le plus fréquent dans la population générale. Sa prévalence en France est importante, mais reste incertaine en raison de l'absence d'études épidémiologiques spécifiques françaises et de la confusion possible avec les tremblements physiologique ou médicamenteux. La prévalence du TE est estimée à 1 % en population générale et 4 à 6 % chez les plus de 70 ans [3].

Avant 20 ans et après 50 ans

Le TE peut débuter avant l'âge de 20 ans (âge moyen 9,7 ± 5,6 ans) et persister toute la vie, ou apparaître plus tardivement après 50 ans. Le terme peu flatteur de « tremblement sénile » utilisé quand le TE apparaît tardivement ne doit plus être utilisé. L’appellation tremblement lié à l'âge (age-related tremor) proposé par Deuschl (2015) est plus adaptée [4]. Ainsi, quand un TE est observé chez le sujet âgé, il peut être familial ou lié à l'âge.

Les deux présentations de TE ont une physiopathologie et un pronostic différents : le tremblement lié à l’âge se caractérise par un pronostic plus sévère que le tremblement familial avec une aggravation lors de l’avancée en âge, et l’apparition de troubles cognitifs corrélés à la sévérité du tremblement.

Un trouble sous-diagnostiqué

Plusieurs travaux ont montré que le TE était souvent méconnu. Dans une cohorte allemande, moins d’un tiers des participants (27 %) atteints de TE avaient consulté leur médecin pour ce motif. Pourtant, de 60 à 73 % des personnes avaient une gêne fonctionnelle [5].

Physiopathologie : des pistes à l’étude

Malgré une forte composante familiale (de 30 à 50 % des cas), aucun gène n'a été mis en évidence dans le TE. De nombreuses familles atteintes de TE ne suivent pas un modèle de transmission mendélienne, même en considérant une pénétrance incomplète, ce qui suggère que la TE a une base (génétique) multiforme. Cinq loci ont été identifiés dans une étude récente [6].

On considère actuellement que le TE est la conséquence d'un dysfonctionnement d'un réseau neuronal impliquant plusieurs structures du tronc cérébral (olive inférieure, locus coeruleus, noyau rouge), le thalamus et le cervelet. Cependant, en dépit de l’identification des structures cérébrales impliquées, la cause reste encore mal connue.

Ce trouble pouvant apparaître dès l’adolescence, et rester isolé pendant de nombreuses décennies, il est très différent des affections neurodégénératives cérébrales. Les rares études neuropathologiques, dont on dispose, ont permis de distinguer une « variante à corps de Lewy » avec présence de corps de Lewy dans le locus coeruleus et une « variante cérébelleuse » avec perte de cellules de Purkinje et présence de gonflements des axones (torpedoes) et d'élargissement des boutons terminaux [5].

Un diagnostic qui s’impose

Le diagnostic est facile en cas de forme typique qui respecte les critères diagnostiques du TE (Movement Disorders Society Consensus) [3].

Il s’agit d’un tremblement :

  • postural et/ou cinétique ;
  • largement symétrique ;
  • visible et persistant ;
  • affectant les mains ou les avant-bras, la voix ou la tête ;
  • sans posture anormale ;
  • sans autre signe neurologique ;
  • évoluant depuis au moins 3 ans.

À noter que l'effet bénéfique classique de l'ingestion d'alcool décrit est en fait rarement observé chez la personne âgée qui a le plus souvent une faible consommation.

Des localisations particulières

Lorsque les muscles du cou sont affectés, le tremblement entraîne un déplacement vertical ou horizontal de la tête parfois ignoré du patient. Ce tremblement céphalique peut rester isolé pendant plusieurs années. Il doit être distingué du tremblement de la mâchoire qui oriente plutôt vers une MP.

L'atteinte de la musculature axiale, plus fréquente chez la femme, peut provoquer une trémulation caractéristique de la voix (voix chevrotante) en cas d’atteinte des muscles laryngés. Cependant, un tremblement vocal isolé doit faire évoquer une dystonie.

« TE plus » et diagnostics différentiels

Le diagnostic de TE ne doit pas être porté en cas :

  • d’exposition récente ou actuelle à des médicaments trémorigènes ou de sevrage médicamenteux (cf. Encadré) ;
  • de traumatisme crânien récent (< 3 mois) ;
  • d’anxiété majeure ;
  • d'autres causes de tremblement physiologique exagéré (par exemple : hyperthyroïdie).

Il est également nécessaire de rechercher une autre cause que le TE en cas d’installation brutale du tremblement, ou d’évolution rapide, ou encore de la mise en évidence d'autres signes neurologiques. À noter que l'on peut toutefois observer une roue dentée ou une discrète rigidité (signes qui ne suffisent pas à affirmer le diagnostic de MP, rappelons-le). En cas de doute, le neurologue demandera un DatScan (cf. Paragraphe infra « Quels examens complémentaires ? »).

Si des signes extrapyramidaux ou une dystonie sont présents, on parle alors de « TE plus » (formes atypiques de TE).

De la nécessité d’une expertise neurologique

L'existence d'un « TE plus » ou de troubles neurologiques associés au TE (tels que des troubles cognitifs ou de l’équilibre, des signes extrapyramidaux nets) justifie une expertise neurologique qui peut alors orienter vers une MP, une maladie à corps de Lewy, une atrophie multisystématisée, une dégénérescence corticobasale, ou un rare FXTAS (syndrome tremblement-ataxie lié à une prémutation de l'X fragile).

Devant l’existence de formes de TE frontières avec la MP ou des pathologies rares (dystonies, atrophies spinocérébelleuses), un collège d’experts a proposé une nouvelle classification selon deux axes. Un premier axe en fonction du tableau clinique, de l’histoire naturelle et des caractéristiques du tremblement, et un second, selon l’étiologie. Cette classification est utilisée par les neurologues experts [3].

Quels examens complémentaires ?

Lorsque l'examen neurologique ne révèle aucune anomalie, les examens complémentaires sont rarement utiles pour poser un diagnostic de TE.

Ils peuvent être nécessaires dans les cas suivants :

  • si une hyperthyroïdie est suspectée, il faut doser la TSH plasmatique ;
  • la constatation d’un tremblement de repos présent chez 2 % des patients ayant un TE doit faire éliminer par le spécialiste une MP avec une scintigraphie cérébrale (DatScan). Cet examen utilisant un neurotraceur du transporteur de la dopamine est normal en cas de TE. Un déficit de fixation striatale est en faveur d'une MP ou d'un syndrome parkinsonien ;
  • un tremblement postural unilatéral doit faire éliminer un processus lésionnel avec un scanner cérébral ou une IRM ;
  • une diminution des réflexes ostéotendineux ou des troubles de l'équilibre doivent faire éliminer par une électrophorèse des protéines une gammapathie monoclonale responsable d’une neuropathie périphérique.

Accélérométrie et électromyographie de surface

L'enregistrement du tremblement par accélérométrie ou électromyographie de surface est rarement nécessaire. Il peut être proposé par le neurologue dans certaines situations (tremblement mixte, tremblement psychogène, tremblement orthostatique).

Les accéléromètres sont des petits dispositifs que l’on pose sur l’avant-bras ou la main. Ils mesurent les mouvements sur plusieurs axes au cours de différentes tâches. Ils précisent aussi la fréquence du tremblement :

  • lent de 4 à 6 Hz au repos dans la MP ;
  • de 3 à 12 Hz pendant le maintien d’une posture dans le TE.

Ces capteurs sont présents dans les smartphones. Et des applications gratuites permettent de déterminer la fréquence du tremblement et de faire la distinction, en moins d’une minute, entre un TE et un tremblement parkinsonien (cf. Figure 3). Cependant, ces capteurs/applications sur smartphone n’ont pas fait l’objet d'une validation scientifique et ne sont pas des dispositifs médicaux. Ils ne remplacent ainsi en aucun cas une expertise médicale et ne peuvent pas encore être considérés comme des outils diagnostiques. Il est toutefois probable que de tels dispositifs puissent être disponibles prochainement pour monitorer les mouvements anormaux des patients neurologiques.

L’électromyographie de surface est une méthode non invasive qui permet de mesurer l’activité électrique du muscle à l’aide d’électrodes adhésives cutanées (cf. Figure 4).

Elle objective notamment la fréquence du tremblement et sa topographie. Elle permet de confirmer le diagnostic de tremblement orthostatique en mettant en évidence un tremblement entre 12 et 18 Hz dans les muscles des membres inférieurs en position debout [2].

Figure 1 - Autoquestionnaire de la gêne lié au tremblement (ETEA pour Essential tremor embarrassement assessment [1])

Figure 2 - Dessin d'une spirale d'Archimède réalisé par une personne souffrant de TE (à bras levé sans appui du poignet ni du coude).  

Figure 3 - Mesure de la fréquence du tremblement en posant le smartphone sur le dos de la main pendant 30 secondes :

  • Tremblement essentiel : pic à 8 Hz

  • Tremblement parkinsonien : pic à 5Hz

Figure 4 - Enregistrement électromyographique de surface de plusieurs muscles d’un patient avec un TE. Le rythme est régulier et synchrone dans tous les muscles testés.

Sources

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