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Exposition paternelle au valproate et troubles neurodéveloppementaux chez l'enfant : ce que nous apprend la récente étude EPI-PHARE

Une nouvelle étude française EPI-PHARE montre l'augmentation du risque de troubles neurodéveloppementaux, et en particulier de troubles du développement intellectuel, chez des enfants nés de père traité par valproate pendant 4 mois avant la conception.

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Dans le groupe valproate, 583 enfants (12,2 %) présentaient au moins un TND.

Dans le groupe valproate, 583 enfants (12,2 %) présentaient au moins un TND.BeritK / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Le GIS EPI-PHARE a mené une vaste étude pharmaco-épidémiologique pour mesurer l'augmentation du risque de troubles neurodéveloppementaux (TND) chez les enfants nés de père traité par valproate avant la conception, en comparaison à des enfants nés de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam. 

Les résultats montrent :

  • une augmentation globale de 24 % du risque de TND dans la population d'enfants nés de père traité par valproate, comparativement à l'autre groupe ;
  • une augmentation du risque particulièrement marquée pour les troubles du développement intellectuel (TDI), plus que doublé dans le groupe valproate par rapport au groupe comparatif.

Malgré quelques limites, ces résultats issus d'une étude de méthodologie robuste justifient l'intérêt de restreindre l'exposition au valproate chez les hommes et les adolescents pendant la spermatogenèse, c'est-à-dire pendant les 4 mois précédant la conception.

En France, des mesures sont applicables depuis janvier 2025 en population masculine traitée par valproate ou dérivés.

Le Groupement d'intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE [1, 2, 3] a publié les résultats d'une nouvelle étude pharmaco-épidémiologique dont l'objectif était de mesurer le risque de troubles du neurodéveloppement (TND) chez les enfants dont le père a été traité au valproate ou ses dérivés (DÉPAKINEDÉPAKOTEDÉPAMIDEMICROPAKINE et génériques) pendant la spermatogenèse, c'est-à-dire au cours de la période de 4 mois avant la conception.

D'une manière générale, ces nouvelles données confirment les résultats publiés en 2023 (cf. notre article du 8 août 2023) suggérant qu'une exposition du père au valproate au cours des 3 mois avant la conception est associée à une augmentation du risque de TND chez l'enfant.

La plus grande étude réalisée jusqu'à présent

L'étude a été réalisée en population française (données issues du registre EPI-MERES - cf. Encadré) sur 2,8 millions d'enfants nés en France entre 2010 et 2015, c'est-à-dire avant la mise en place des premières mesures visant à prévenir le risque de TND associé au valproate.

Les auteurs soulignent qu'il s'agit « de la plus vaste étude menée à ce jour sur ce sujet » puisqu'elle porte sur plus de 8 fois plus d'enfants que dans l'étude suédoise (Tomson et al) et 5 fois plus d'enfants que dans l'étude danoise (Christensen et al).

Les enfants ont été suivis pendant une période supérieure à 11 ans. 

Encadré - Le registre EPI-MERES

Le registre EPI-MERES est constitué de l’ensemble des grossesses identifiées dans le Système national des données de santé (SNDS) depuis 2010, et des enfants qui en sont issus.

Les informations du SNDS permettent de renseigner en détail les caractéristiques des mères et des pères (indicateurs socio-économiques, pathologies, consommations médicamenteuses, recours aux soins), le déroulement des grossesses (durée, complications éventuelles, issue) et le suivi des enfants à partir de la naissance (pathologies, consommations médicamenteuses, recours aux soins).

Un risque supérieur dans le groupe valproate versus d'autres anti-épileptiques

Dans l'étude EPI-PHARE, l’incidence des TND a été comparée entre les enfants nés de père traité au valproate (qualifiés d'« enfants exposés ») et ceux dont le père avait eu une dispensation de lamotrigine ou lévétiracétam pendant la spermatogenèse, soit : 

  • 4 773 enfants dans le groupe valproate pendant la spermatogenèse (c'est-à-dire dont le père avait eu au moins un remboursement d'acide valproïque) ;
  • 3 115 enfants dans le groupe par lamotrigine ou lévétiracétam.

Dans le groupe valproate, au moins un trouble neurodéveloppemental a été identifié chez 583 enfants (12,2 %) : 

  • troubles de la communication (TCo) : 294 ;
  • troubles des apprentissages : 160 ; 
  • troubles déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) : 149 ;
  • troubles du spectre de l'autisme (TSA) : 77 ;
  • troubles du développement intellectuel (TDI) : 42.

Les résultats montrent une incidence des TND significativement plus élevée parmi les enfants exposés (groupe valproate) que parmi les enfants de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam ; plus précisément, l'augmentation globale de risque de TND s'élève à 24 % chez les enfants de père traité par valproate au moment de la conception, comparativement à ceux dont le père était traité par lamotrigine ou lévétiracétam.

Des résultats particulièrement probants pour les troubles du développement intellectuel

Après analyse des résultats en fonction de chaque TND, le risque de TDI est plus que doublé pour les enfants dans le groupe valproate par rapport à ceux de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam (HR = 2,12 [1,02 à 4,30]), soit un risque accru de TDI de 3,5 cas supplémentaires pour 1 000 enfants nés d’un père traité par valproate au moment de la conception en comparaison à ceux nés de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam.

Pour les autres types de TND, le risque apparaît également plus élevé parmi les enfants du groupe valproate mais « avec des écarts moins marqués que pour les troubles du développement intellectuel » notent les auteurs. Pour les TDAH, les TSA et les TCo, cette augmentation de risque jugée plus modérée s'élève entre 20 et 25 %.

Les auteurs reconnaissent les limites de l'étude...

L'étude française permet de mieux apprécier le lien entre la prise de valproate pendant la spermatogenèse et le risque de TND chez l'enfant, alors qu'on dispose de peu d'étude sur le sujet et que les résultats jusqu'à présent disponibles étaient discordants. 

Si l'étude française est robuste, elle présente néanmoins des limites susceptibles de biaiser l'interprétation des résultats, que les auteurs eux-mêmes soulignent. Ces limites sont en rapport avec : 

  • l'identification des TND, en particulier les moins sévères ;
  • la forte diminution de l'utilisation du valproate (au profit des autres antiépileptiques) à la suite des mesures de minimisation des risques initiées en 2015 ;
  • l'évolution de l'incidence des diagnostics de TND, en particulier une hausse des diagnostics de TDAH et des TSA et au contraire, une baisse des diagnostics de TSA ;
  • la non prise en compte des caractéristiques de l'épilepsie paternelle, faute d'informations cliniques dans le SNDS ;
  • la non prise en compte des caractéristiques de l'environnement de vie des enfants, faute d'informations dans le SNDS.

Une justification des mesures de minimisation du risque mises en place en France

Pour les auteurs, les résultats de cette étude « renforcent de façon notable les arguments en faveur des mesures de précaution mises en œuvre en France depuis début 2025 » visant à limiter l'exposition des hommes et des adolescents au valproate en période préconceptionnelle (cf. nos articles du 18 décembre 2024 et du 1er juillet 2025) : 

  • prescription initiale réservée à un pédiatre, un neurologue ou un psychiatre ;
  • cosignature d'une attestation annuelle d'information partagée par le patient et par le prescripteur à présenter obligatoirement en pharmacie pour autoriser la délivrance du traitement. Cette attestation est valable 1 an ;
  • renouvellement de la prescription initiale possible par tout médecin.

Sur recommandation du comité de pharmacovigilance européen (Prac), un document d'information et une carte sont désormais inclus dans les boîtes de médicament contenant du valproate ou un dérivé. 

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