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Augmentation des décès par surdosage en méthadone et nécessité de disposer de naloxone prête à l'emploi

Suite à la publication des résultats de l'enquête d'addictovigilance DRAMES montrant une augmentation des décès liés au surdosage par méthadone en 2020, l'ANSM rappelle la nécessité de fournir systématiquement un kit de naloxone prête à l'emploi aux patients concernés. 

David Paitraud 10 novembre 2022 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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La méthadone, un médicament de substitution aux opiacés.

La méthadone, un médicament de substitution aux opiacés.

Résumé

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié sur son site les résultats de l'enquête DRAMES (Décès en Relation avec l'Abus de Médicaments Et de Substances) portant sur les données d'addictovigilance recueillies en 2020. 

Les données indiquent une augmentation des hospitalisations et des décès liés à un surdosage en méthadone : 3,4 décès pour 1 000 usagers en 2020 contre 2,8 décès pour 1 000 usagers en 2019.

Ce nouveau bilan conduit l'ANSM à rappeler les différentes mesures en place pour limiter les décès par surdosage en méthadone : 

  • respecter les modalités de prescription et de délivrance des spécialités METHADONE AP-HP sirop ou gélule ;
  • s'assurer que les patients, les usagers de drogue et leur entourage connaissent les risques d'overdose et de décès liés à la méthadone ;
  • prescrire et délivrer même sans ordonnance systématiquement aux patients usagers de méthadone un kit de naloxone prête à l'emploi, à utiliser en urgence en cas d'overdose. 

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié les résultats de l'enquête DRAMES (Décès en Relation avec l'Abus de Médicaments Et de Substances) portant sur les données 2020 d'addictovigilance [1, 2]. 

Cette enquête annuelle, mise en place depuis 2002, est confiée au centre d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance - Addictovigilance CEIP-A de Grenoble.

Elle permet d'analyser les données françaises des décès mettant en cause une substance psychoactive (licite ou illicite) : 

  • recueil et analyse des cas de décès liés à l'usage abusif de substances psychoactives ;
  • identification des substances impliquées ;
  • évaluation de leur dangerosité ;
  • estimation de l'évolution du nombre de décès.

Données générales : causes des décès et profil des victimes

En 2020, sur 619 notifications de décès retenues dans l'enquête, 567 décès sont directement liés aux produits consommés (contre 503 en 2019), et 52 indirectement liés (cf. Encadré 1).

Pour les décès indirectement liés, les chutes d'un lieu élevé représentent la première cause et le cannabis est la substance la plus souvent impliquée. 

Encadré 1 - Décès liés à un usage abusif de drogue : causes directes et indirectes

Le surdosage des drogues peut être une cause directe ou indirecte de décès.

Dans l'enquête DRAMES, les décès retenus comme liés à la drogue répondent à la définition de l'EMCDDA (Observatoire européen des drogues et des toxicomanies) :

  • Psychose due à la drogue : la drogue est une cause indirecte, mais la relation entre le décès et la consommation de drogue est établie : chute, noyade, défenestration ;
  • Pharmacodépendance ;
  • Abus de drogue chez une personne non dépendante ;
  • Empoisonnement accidentel causé par la prise d'opioïdes.

Les décès non ou insuffisamment documentés par un dosage sanguin ne sont pas retenus. 

L'analyse des données permet également d'établir le profil des personnes victimes d'un usage abusif entraînant le décès : 

  • moyenne d'âge 38,2 ans ;
  • sexe masculin prédominant (80 %) ;
  • lieu de survenue : 64 % des décès à domicile, 11,8 % sur la voie publique ;
  • antécédent médical : 65 % d'antécédents d'abus ou de dépendance, 38 % de pathologies associées, 39 % d'éthylisme. Chez 72 %, l'abus est intermittent ou permanent, et 37 % des personnes étaient en cours de traitement de substitution.

En 2020, le nombre de décès par surdosage en méthadone a augmenté

L'analyse des notifications enregistrées en 2020 montre une augmentation du nombre de décès survenus suite à un surdosage en méthadone (cf. Figure ci-dessous) :

  • 3,4 décès pour 1 000 usagers (soit 230 décès sur 66 886 usagers) dans l’enquête DRAMES de 2020 ;
  • contre 2,8 décès pour 1000 usagers dans celle de 2019. 

Ces cas de surdosages sont liés à un ou plusieurs facteurs :

  • augmentation de l’usage détourné de la méthadone ;
  • méconnaissance de la puissance pharmacologique de la méthadone ;
  • méconnaissance de ses nombreuses interactions avec d’autres médicaments ;
  • recours insuffisant à la naloxone, antidote pour le traitement d’urgence des surdosages.

L'incidence des décès pour la méthadone est 7 fois plus élevée qu'avec la buprénorphine, autre médicament de substitution aux opiacés (cf. VIDAL Reco « Dépendance aux opiacés : traitement de substitution »).

Année 2020, une année de confinement sanitaire

L'année 2020 a été particulière puisqu'elle correspond à la première année de confinement sanitaire mis en place dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Deux confinements ont été organisés : de mars à mai, puis de novembre à décembre.

Parmi les faits marquants relatifs à l'année 2020, les auteurs notent l'impact des différentes périodes de confinement/déconfinement sur la répartition mensuelle globale des décès et possiblement sur les décès liés à l'héroïne (cf. Figure ci-dessous).

En mai 2020 par exemple, mois du premier déconfinement, on observe une hausse très nette des décès liés à la méthadone, mais également à l'héroïne.

D'une manière générale, outre la méthadone, l'année 2020 est marquée par une augmentation des décès liés à l'héroïne et à la cocaïne, et des décès par opoïdes licites (par ordre décroissant : morphine, tramadol, oxycodone).

Disposer systématiquement d'un kit de naloxone pour agir vite

En réponse à l'enquête DRAMES 2020 et à ses conclusions concernant la méthadone, l'ANSM rappelle que les règles d'encadrement strictes de prescription et de dispensation des spécialités METHADONE AP-HP sirop et METHADONE AP-HP gélule, indiquées dans comme traitement de substitution aux opiacés. Ces médicaments sont des stupéfiants et doivent être prescrits sur ordonnance sécurisée. Leur prescription est restreinte [1] : 

  • pour METHADONE sirop : médecins exerçant dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), médecins hospitaliers à l'occasion d'une hospitalisation, d'une consultation ou en milieu pénitentiaire ;
  • pour METHADONE gélule : médecins exerçant dans les CSAPA, médecins exerçant dans les services hospitaliers spécialisés dans les soins aux toxicomanes.

Elle rappelle également « l’intérêt pour le patient d’avoir systématiquement avec lui un kit de naloxone prête à l’emploi ». 
La naloxone est l'antidote pour bloquer les effets d'un surdosage à un opioïde, dont la méthadone. Elle doit être utilisée en urgence en cas de surdosage symptomatique ou de suspicion de surdosage (cf. Encadré 2).

En France, deux spécialités à base de naloxone sont disponibles en pharmacie de ville : 

L'utilisation de naloxone ne se substitue pas aux soins d'urgence dispensés par une structure médicale.

Encadré 2 - Que faire en cas de surdosage ou de risque de surdosage ?
Si une personne (enfant ou adulte) a ingéré de la méthadone qui ne lui était pas destinée, et en cas de suspicion de surdosage :
  • Contactez immédiatement un service d’urgence : 15 (SAMU), 18 (pompiers) ou 112 (toutes urgences : médicales, incendie, sécurité) ;
  • Administrez-lui de la naloxone et maintenez-la éveillée jusqu’à l’arrivée des secours :
    • à partir de 14 ans, vous pouvez utiliser de la naloxone en solution pour pulvérisation nasale ;
    • chez l’adulte, la naloxone en solution injectable par voie intramusculaire est aussi autorisée.

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