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Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) : des supports pour les prescrire mieux et moins

La HAS publie des recommandations de bon usage relatives aux inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), afin de réserver la prescription de ces médicaments aux situations cliniquement justifiées.

David Paitraud 20 octobre 2022 Image d'une montre7 minutes icon 8 commentaires
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En instauration ou en renouvellement, un IPP n’est pas toujours approprié.

En instauration ou en renouvellement, un IPP n’est pas toujours approprié.

Résumé

Dans un contexte d’usage massif et de mésusage important des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), la Haute Autorité de santé (HAS) a élaboré deux supports pour accompagner les professionnels de santé dans la prescription de ces médicaments  : 

  • une fiche de bon usage présentant les principales recommandations en fonction des indications ;
  • une vidéo courte reprenant les messages essentiels pour une prescription à bon escient des IPP. 

Trois messages essentiels ressortent des recommandations de la HAS : 

  • la prescription d'un IPP n’est pas toujours appropriée, en instauration comme en renouvellement ; 
  • en prévention d'un ulcère gastroduodénal (UGD) chez un patient traité par un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), n’associer un IPP qu’en présence de facteurs de risque de complications digestives ;
  • le traitement initial du reflux gastro-œsophagien (RGO) est de 4 semaines et sa prolongation est rarement justifiée, en particulier chez les sujets âgés polymédiqués.

Un logigramme d'aide à la déprescription d'un IPP dans le RGO de l'adulte est par ailleurs proposé dans ces recommandations. 
 

Commercialisés depuis 1987 en France, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) agissent en réduisant l'acidité gastrique ; ils sont indiqués dans les pathologies du reflux et de la maladie ulcéreuse. 

En France, cinq molécules sont commercialisées : 

En 2019, 16 millions de patients étaient traités par IPP en France, faisant des IPP une des classes pharmacologiques les plus prescrites, alors que ces usages n'étaient pas fondés dans plus de la moitié des situations. 

Dans ce contexte d'usage massif et de mésusage des IPP, la Haute Autorité de santé (HAS) souhaite accompagner les médecins au moyen de deux supports d'aide à la prescription de ces médicaments [1] : 

  • une fiche (actualisée) de bon usage des IPP [2] ;
  • une courte vidéo (47') de synthèse [3].

Ces outils à destination des prescripteurs, mais également des dispensateurs, visent les objectifs suivants : 

  • une prescription moins systématique des IPP ;
  • une prescription justifiée cliniquement, et conforme à l'autorisation de mise sur le marché (AMM).

Ce travail fait suite à la réévaluation des IPP réalisée en 2020 [4] par la Commission de la transparence (CT), en réponse à la saisine de la Direction de la Sécurité sociale (DSS). Dans son rapport, la CT avait émis les conclusions suivantes : 

  • l'intérêt des IPP dans la stratégie thérapeutique des ulcères gastroduodénaux et du reflux gastro-œsophagien (RGO) dans le cadre des AMM, chez l'adulte comme chez l'enfant, est majeur et confirmé malgré des usages hors AMM (en prévention des lésions gastroduodénales dues aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez des patients non considérés à risque, et chez des patients recevant un antiagrégant plaquettaire ou un anticoagulant au long cours pour un événement de nature cardio ou neurovasculaire) ; 
  • la CT n'est pas favorable à une limitation de la durée de remboursement des IPP ;
  • mais elle encourage la mise en œuvre des actions pour mieux utiliser ces médicaments, notamment par l'actualisation de la fiche de bon usage.

Trois messages pour une utilisation appropriée des IPP

En instauration ou en renouvellement, pas de prescription systématique de l'IPP

Le recours aux IPP n'est pas toujours pertinent, en instauration ou en renouvellement de traitement. À travers ce message, la HAS souhaite limiter la prescription systématique des IPP. Outre un intérêt non justifié dans les situations hors AMM (cf. Encadré 1), la CT rappelle dans son rapport d'évaluation sur les IPP [4] que « le principal risque important et établi associé à l'usage prolongé des IPP, avec un bon niveau de preuve, est la survenue d'infections intestinales »

Encadré 1 - Situations cliniques hors AMM ne justifiant pas la prescription d'un IPP [4]
  • Dyspepsie sans symptômes de reflux ou sans RGO documenté (douleur et inconfort chronique au niveau de l’épigastre avec brûlures épigastriques, satiété précoce, pesanteur épigastrique postprandiale, ballonement, nausées, éructations voire vomissements) ;
  • Prévention des complications des AINS chez les patients à bas risque de ces complications ;
  • Prévention des complications sur la muqueuse digestive des antiagrégants plaquettaires ou des anticoagulants chez les patients à bas risque de ces complications ;
  • Lésions gastro-duodénales au cours de la cirrhose ;
  • Pancréatite aiguë ;
  • Prophylaxie des ulcères de stress chez les patients hospitalisés en soins intensifs sans facteur de risque d’ulcère ou d’hé́morragie.

En association avec les AINS et en cardiologie : uniquement chez les patients à risque

Le second message concerne l'utilisation des IPP en prévention des lésions gastroduodénales, notamment de l’ulcère gastroduodénal (UGD), en cas de traitement par AINS. 

Selon la HAS, les IPP sont prescrits inutilement dans 80 % de ces situations, chez des patients non à risque de complications gastroduodénales.

Or, cette coprescription à visée protectrice n'est justifiée qu'en présence de facteurs de risque de complications digestives (cf. Encadré 2).

Encadré 2 - Situations où la coprescription d’AINS et d'IPP en prévention est justifiée
  • Âge supérieur ou égal à 65 ans ;
  • Antécédent d'ulcère gastrique ou duodénal. Dans ce cas, une infection à Helicobacter pylori doit être recherchée et traitée ;
  • Association à un antiagrégant plaquettaire (AAP), notamment l'aspirine à faible dose et le clopidogrel et/ou un corticoïde et/ou un anticoagulant (ces associations doivent être évitées).

Lorsque la prescription d'un IPP avec un AINS est justifiée, le traitement par IPP doit être interrompu en même temps que le traitement par AINS. 

Outre la coprescription des IPP avec les AINS, la HAS précise que « les IPP sont également inutiles pour prévenir les complications digestives des AAP/anticoagulants (sans AINS) chez les patients ayant un faible risque de complication (pas d'antécédents d'UGD ou d'hémorragie digestive haute notamment) ».

RGO : traitement de 4 semaines, et rarement plus

Enfin, le troisième message de la HAS concerne le reflux gastro-œsophagien (RGO). Dans ce cadre, les recommandations sont les suivantes :

  • le traitement initial par IPP est de 4 semaines, uniquement en cas de pyrosis, de brûlures gastriques postprandiales ou de régurgitations acides ;
  • la poursuite du traitement est rarement justifiée, notamment chez les sujets âgés polymédiqués. Dans cette population fragile, l'utilisation prolongée des IPP expose à un risque iatrogénique lié à la polymérisation, en particulier chez les sujets âgés. La prescription d'un IPP doit être réévaluée régulièrement sur divers critères (efficacité, qualité de vie, recherche des effets indésirables, interactions médicamenteuses).

En revanche, l'intérêt des IPP n'est pas justifié par des données cliniques solides chez l'adulte dans les situations suivantes : 

  • en cas de pyrosis fonctionnel ;
  • pour le soulagement de manifestations extradigestives isolées, telles que symptômes ORL, toux chronique, asthme ou douleurs thoraciques d'origine non cardiaque (si un RGO n'est pas documenté, les IPP ne doivent pas être prescrits comme traitement d'épreuve ou test thérapeutique).

Lorsque la prescription est justifiée, les doses d'IPP en traitement symptomatique initial du RGO (sans œsophagite) de l'adulte sont les suivantes : 

  • demi-dose pour ésoméprazole, lansoprazole, pantoprazole, rabéprazole ; 
  • pleine dose pour oméprazole.

Dans le cas particulier du nourrisson, les recommandations sont les suivantes : 

  • la grande majorité des nourrissons ayant des régurgitations présente un RGO non pathologique qui ne relève pas d'un traitement par IPP, selon les données cliniques ;
  • la prescription d'un IPP doit être réservée aux nourrissons âgés de plus de 1 mois et aux enfants ayant un RGO persistant et gênant, s'accompagnant de complications ou survenant sur un terrain particulier, si possible après avis spécialisé. Si les vomissements sont récurrents, une recherche étiologique est nécessaire. 

La déprescription des IPP : une mission d'exercice coordonné

La HAS propose un logigramme d'aide à la déprescription d'un IPP dans le cadre du RGO chez l'adulte (cf. Figure). 

Pour la HAS, l'identification d'une utilisation non justifiée des IPP concerne les prescripteurs, ainsi que les dispensateurs, d'autant plus que certains IPP sont disponibles en vente sans ordonnance. « Le conseil pharmaceutique est important pour prendre en compte les interactions médicamenteuses, les effets indésirables, la justification d'un traitement prolongé en l'absence d'avis médical », précise la HAS à l'attention des pharmaciens. Une coordination entre le prescripteur et le pharmacien est indispensable.

Figure - Arrêter un traitement : quand et comment déprescrire un IPP dans le RGO chez l’adulte ? (d'après [2])

Commentaires

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Martingard Il y a un an 2 commentaires associés

J'ai pris quotidiennement innexium 40 pendant 2 ans, presrit par le gastro entérologue pour RGO et cela m' aprovoqué une grave carence martiale par mal absorption du fer au niveau du duodénum (Hématies dégradées et ferritine à 7). dès l' arrêt de l' IPP, retour à la normale de mon hémogramme et de ma ferritine . Bien que peu décrit, j' ai finalement trouvé de la littérature sur le sujet en tapant sur internet "IPP et carence martiale" .Quand je l' ai dit à mon généraliste, il s'est moqué de moi car je ne suis que chirurgien-dentiste . Bon à savoir, non ?

Modérateur Médecine générale Il y a un an 1 commentaire associé

Bonjour

Nous avons récemment publié une actualité sur la prise prolongée d'IPP : www.vidal.fr

La carence martiale fait partie des effets secondaires potentiels d'une prise prolongée de cette famille de médicaments, mais elle reste controversée : http://www.fmcgastro.org/wp-content/uploads/2018/03/177_188_Macaigne.pdf

Votre histoire personnelle est intéressante, vous devriez déclarer cet effet indésirable potentiel sur le site https://signalement.social-sante.gouv.fr 

R.H Médecine générale Il y a un an 0 commentaire associé
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