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Pseudopolyarthrite rhizomélique et maladie de Horton : quoi de neuf ?

Pseudopolyarthrite rhizomélique et maladie de Horton : une recherche foisonnante, des traitements innovants pour des pathologies sournoises avec un impact cardio-vasculaire et psychologique important.

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Les anti-IL6-R ont fait évoluer la prise en charge en cas de rechute/corticodépendance.

Les anti-IL6-R ont fait évoluer la prise en charge en cas de rechute/corticodépendance.

Résumé

La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) est un rhumatisme inflammatoire touchant l’adulte de plus 50 ans caractérisé par un enraidissement douloureux des racines des membres (rhizomélique), des signes généraux et un syndrome inflammatoire biologique. Certaines PPR peuvent être induites (inhibiteurs de checkpoints immunitaires) ou s’associer à une maladie de Horton.

La corticothérapie reste le traitement de référence et généralement la PPR guérit définitivement après 12 à 18 mois de traitement. Mais il existe un risque important de corticodépendance et de rechutes pour lesquelles les anti-IL6-R ont révolutionné la prise en charge.

La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) est une maladie chronique invalidante qui touche les personnes de plus de 50 ans (pic après 70 ans), avec une prédominance féminine ; elle est fréquente dans le nord de l’Europe (en particulier la Suède). Elle se traduit par des arthromyalgies inflammatoires bilatérales et symétriques, scapulaires et pelviennes, des signes généraux (fatigue, perte d’appétit, amaigrissement, légère fièvre) et un syndrome inflammatoire biologique (vitesse de sédimentation [VS] et protéine C-Réactive [CRP] élevées). Le diagnostic est difficile et peut être retardé. Les répercussions de la maladie et des traitements sont importantes au quotidien avec un impact notable sur la qualité de vie des patients. La PPR évolue par poussées successives, mais n'entraîne pas de destruction articulaire, contrairement à la polyarthrite rhumatoïde (pseudopolyarthrite) [1].

Des critères diagnostiques de la PPR ont été proposés par l’EULAR*/ACR* [2] (cfEncadré).

La sensibilité de ces critères diagnostiques est de 68 %, la spécificité de 78 % (sans échographie) et respectivement de 66 % et 81 % (avec échographie).

Encadré - Critères diagnostiques de la PPR proposés par l’EULAR*/ACR* [1]

Trois critères sont obligatoires :

  • un âge > 50 ans ;
  • des douleurs bilatérales des épaules ;
  • une VS et/ou une CRP anormales.

ET sont requis également un score d’au moins 4 points parmi 4 critères (sans échographie) ou d’au moins 5 points parmi 6 critères (avec échographie au niveau des ceintures scapulaires et pelviennes, non présentés) :

  • dérouillage matinal > 45 minutes (2 points) ;
  • douleur de hanche ou limitation articulaire (1 point) ;
  • absence d'autres articulations atteintes (1 point) ;
  • absence de facteurs rhumatoïdes et d'anticorps anti-CCP (2 points).

* EULAR : European Alliance of Associations for Rheumatology ; ACR : American College of Rheumatology.

Les radiographies articulaires sont normales. L’inflammation articulaire (synovite) et périarticulaire (bursites, ténosynovites) est confirmée par l’échographie (ou l’IRM). Le scanner à émission de positrons (PET scan) peut révéler une inflammation de la tubérosité ischiatique et des bourses interépineuses.

Un scanner thoraco-abdomino-pelvien ou un PET scan permettent d’écarter un néoplasme et/ou de faire le point en cas de non-réponse au traitement.

Les principaux diagnostics différentiels sont la polyarthrite rhumatoïde, les polymyosites, la fibromyalgie, le RS3PE syndrome (remitting seronegative symmetrical synovitis with pitting edema - polyarthrite aiguë œdémateuse bénigne du sujet âgé) et les pathologies malignes.

PPR et maladie de Horton : une association systématique ?

La PPR peut être associée à une maladie de Horton (artérite à cellules géantes [ACG], encore appelée artérite temporale ou artérite giganto-cellulaire). Cette vascularite rare, sévère, localisée aux gros vaisseaux (artères carotides externes, ophtalmiques, vertébrales) se traduit par des céphalées, des douleurs à la mastication, des paresthésies linguales, du cuir chevelu et des signes visuels (diplopie, baisse de la vue). Elle peut toucher les gros vaisseaux extracrâniens et la localisation aortique de l’ACG est probablement sous-estimée.

Le diagnostic est urgent (écho-doppler artériel, angioscanner, angio-IRM et/ou PET scan…), du fait du risque de complications ophtalmologiques ischémiques (cécité par ischémie du nerf optique) ou vasculaires (aortite avec dilatation, anévrysme, dissection aortique, insuffisance aortique...). La biopsie de l’artère temporale (BAT) permet de rechercher des signes anatomopathologiques spécifiques d’ACG (mais ne doit pas retarder la mise en route du traitement).

Une PPR est associée à une ACG dans un cas sur deux. La PPR peut précéder l’ACG, l’accompagner ou lui succéder. Ainsi, une ACG doit être systématiquement évoquée et recherchée devant la découverte d’une PPR. Chez un patient présentant une PPR isolée, il n’est pas habituel de faire une BAT. La distinction entre PPR et ACG peut être difficile et repose surtout sur la présence de céphalées.

PPR : une étiologie encore mystérieuse

L’origine de la PPR semble multifactorielle, avec une constellation de facteurs interactifs, génétiques (HLA DR4 comme dans la polyarthrite rhumatoïde) et environnementaux (Covid-19, rayonnement ultraviolet ?). Quelques études suggèrent le rôle de la vaccination antigrippale ou anti-Covid-19.

L’inflammation est liée à l’IL6 (taux élevés d’IL6 R solubles circulants si la maladie est active, sévère ou en rechute).

Une augmentation de la micro-vascularisation musculaire (activation vasculaire endothéliale dépendante du VEGF [Vascular Endothelial Growth Factor]) a été notée.

Des PPR ont été rapportées avec les inhibiteurs de checkpoints immunitaires (points de contrôle du système immunitaire) utilisés pour certains cancers : poumon, vessie, ORL, rein, mélanome…

PPR et ACG : les corticoïdes restent la référence

La prise en charge de la PPR/ACG n’est pas simple. Un travail international multidisciplinaire, propose cinq principes et six recommandations [3], en particulier :

  • un bilan précis de l’activité-sévérité de la maladie, des comorbibités, des facteurs prédictifs de rechutes (sexe féminin, arthrites périphériques, inflammation marquée…) ;
  • un suivi rapproché (1-4 semaines au début) jusqu’à la rémission, puis à intervalles réguliers (3-6 mois) chez les patients en rémission stable, puis suivi individualisé ;
  • une prévention du risque ischémique et cardio-vasculaire.                                                                                          

Le traitement de la PPR repose sur une corticothérapie orale, jusqu’à la rémission c’est-à-dire la disparition des signes cliniques et la normalisation de la biologie (la CRP diminue très rapidement, la VS en 2-3 semaines).

La dose initiale de prednisone orale est de 12,5-20 mg/jour [1]. L’amélioration est souvent rapide, voire spectaculaire pour les douleurs (48 heures), un peu plus lente (2-4 semaines) pour la biologie.

Puis, une fois la dose minimale efficace déterminée, l’objectif est une décroissance progressive de la corticothérapie sur 6 mois (effets indésirables, comorbidités).

La surveillance clinique et biologique (VS et CRP) est prolongée. Généralement, la PPR guérit définitivement (après 12-18 mois de faibles doses de cortisone), mais il existe un risque important de corticodépendance et de rechutes (cliniques et biologiques) à l’arrêt du traitement ou en cas d’arrêt trop précoce de la corticothérapie.

La prise en charge de l’ACG est une urgence médicale. La prednisone orale est proposée à des doses plus fortes (0,7-1 mg/kg/jour) et le traitement est plus prolongé. Une atteinte ophtalmologique nécessite une hospitalisation pour des bolus IV de méthylprednisolone (500-1 000 mg/jour, 3 jours), avec relais par la prednisone orale 1 mg/kg/jour [4].

Cette corticothérapie prolongée nécessite une hygiène de vie (régime équilibré, peu salé, faible en sucres et graisses, riche en calcium…), une supplémentation en vitamine D, potassium, une prévention du risque infectieux (vaccinations)…

Le « fardeau » de la maladie et du traitement est lourd (anxiété, prise de corticoïdes, hygiène de vie stricte…).

Intérêt des traitements qui épargnent la corticothérapie

Dans la PPR, d’autres traitements sont parfois associés à la cortisone lorsque les doses ne peuvent pas être diminuées en dessous d’un certain seuil (corticodépendance), pour économiser les doses cumulées de corticoïdes (toxicité, comorbidités), en cas de corticorésistance ou de rechutes.

Le méthotrexate (7,5-10 mg/semaine) (hors AMM) et l’azathioprine (100-150 mg/jour) (hors AMM) ont été proposés comme traitement d’épargne cortisonique, en cas de corticodépendance ou en traitement alternatif en cas de corticorésistance.

Les anti-TNF-alpha n’ont pas d’indication.

Mais ce sont les anticorps antirécepteur de l’interleukine-6 (anti-IL6-R) : le tocilizumab - ROACTEMRA : 162 mg (injection sous-cutanée) par semaine (AMM dans la maladie de Horton dans les situations de recherche d'une épargne cortisonique) ou 8 mg/kg (intraveineux) mensuels (hors AMM) ou le sarilumab - KEVZARA : 200 mg (injection sous-cutanée) tous les 15 jours (hors AMM) qui ont fait évoluer la stratégie thérapeutique [3]. Les études françaises SAPHYR et SEMAPHORE [5, 6] ont permis de confirmer la place de ces traitements.

Dans l’ACG, en cas de rechutes multiples avec corticodépendance (≥ 7,5 mg/jour de prednisone) et/ou mauvaise tolérance de la corticothérapie, le tocilizumab (12 mois) ou le méthotrexate (12-24 mois) à visée d’épargne cortisonique sont proposés [4].

Le suivi clinique et biologique effectué par le médecin spécialiste et par le médecin généraliste doit être prolongé. La télémédecine pourrait jouer un rôle intéressant.

Les recherches sont nombreuses et se poursuivent, en particulier pour mieux comprendre ces pathologies et proposer d’autres thérapeutiques.

 

Sources

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