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Infection par le VIH : garder le réflexe dépistage pour prévenir et mieux traiter

Offre de dépistage diversifiée, traitement préventif préexposition (PrEP), stratégie de traitement précoce universel par antirétroviraux. Plusieurs moyens de réduire drastiquement les infections par le VIH existent, mais restent encore sous-utilisés.

Isabelle Hoppenot
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En France, environ 5 500 nouveaux cas d'infection à VIH par an.

En France, environ 5 500 nouveaux cas d'infection à VIH par an.nndanko / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

En France, de 5 000 à 5 550 nouveaux diagnostics d’infection par le VIH sont rapportés chaque année. Dans 43 % des cas, le diagnostic est posé à un stade tardif, alors qu’il est aujourd’hui largement prouvé qu’un traitement précoce permet d’améliorer le pronostic individuel et de réduire la transmission du virus.

Si le dispositif VIH Test (sans ordonnance) a permis d’accroître le nombre de tests réalisés en laboratoire, les praticiens doivent maintenir leurs efforts de dépistage, en prescrivant et en répétant les tests dans certains groupes de transmission, jeunes hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), mais aussi femmes hétérosexuelles ayant des nouveaux ou multiples partenaires qui, souvent, ne se sentent pas exposées.

Des marges de progrès existent également en accroissant le recours à la prévention préexposition (PrEP) chez les femmes à risque, qui encore fréquemment n’en bénéficient pas.

Chaque année, quelque 5 000 à 5 550 nouveaux diagnostics d’infection par le VIH sont rapportés en France, selon les données colligées par Santé publique France (SPF) [1]. Ces nouvelles découvertes de séropositivité sont en augmentation dans certains groupes de transmission :

  • les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) nés à l’étranger (66 % des nouveaux cas en 2023, en augmentation de 36 % depuis 2021) ;
  • les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger (32 % des nouveaux cas en 2023, en augmentation de 33 % sur la même période) ;
  • les personnes trans (2 % des nouvelles contaminations) selon SPF.

Au total, plus de la moitié des découvertes de séropositivité en 2023 (57 %) concernaient des personnes nées à l’étranger, dont 40 % auraient été contaminées après leur arrivée en France.

L’augmentation récente des nouvelles séropositivités doit être mise en regard de la diminution importante qui avait été observée en 2020, en lien avec l’épidémie de Covid-19 (baisse de l’activité de dépistage, des flux migratoires et probablement des expositions au VIH du fait du confinement). 

L’analyse de l’évolution au cours d’une période plus large, de 2012 à 2023, montre la diminution des séropositivités chez :

  • les usagers de drogues injectables ;
  • les femmes hétérosexuelles nées en France ;
  • les hommes hétérosexuels nés en France ou à l’étranger ;
  • les HSH nés en France.

En revanche, elles sont en forte augmentation chez :

  • les HSH nés à l’étranger ;
  • les personnes trans contaminées par rapports sexuels. 

Leur nombre est resté quasi stable chez les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger. 

Toujours selon les données de SPF, en 2023, 30 % des découvertes de séropositivité chez les adultes étaient des diagnostics précoces et 43 % des diagnostics tardifs, ces derniers étant source de morbidité plus élevée et d’un risque accru de décès lié au sida.

L’épidémie suit une même tendance en Europe (UE/EEE), où le taux de nouveaux diagnostics de VIH s’est élevé de près de 12 % entre 2022 et 2023 [2]. L’intensification des tests de dépistage du VIH et l’augmentation des diagnostics au sein des populations migrantes peuvent expliquer cette hausse. Plus de la moitié des diagnostics d’infection à VIH y sont également posés tardivement. 

Une offre de dépistage diversifiée

Ces données soulignent l’importance qui doit toujours être accordée à la prévention et au dépistage précoce. 

L’offre de dépistage est aujourd’hui très diversifiée : 

  • en laboratoire sur ordonnance ou non, grâce au dispositif VIH Test mis en place début 2022, qui permet aux assurés sociaux majeurs de demander une sérologie sans prescription médicale ni avance de frais. 
  • dans les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l’immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles.
  • grâce aux TROD communautaires, les tests rapides d’orientation diagnostique réalisés par les associations en milieu communautaire. En 2023, environ 51 000 TROD VIH ont ainsi été effectués, dont 0,75 % étaient positifs.
  • via les autotests VIH : 53 800 tests ont été vendus en pharmacie en 2023, en baisse de 16 % par rapport à 2021. 

En 2023, 7,5 millions de sérologies VIH ont été réalisées en laboratoires de ville et hospitaliers. Un chiffre en augmentation de 25 % par rapport à 2021 et de +16 % par rapport à 2022. Quelque 841 000 sérologies VIH ont été effectuées dans le cadre du dispositif VIH Test, ce qui a participé à l’accroissement du recours au dépistage dans les laboratoires. Elles ont concerné des hommes dans 46 % des cas et des femmes dans 54 % ; dans 44 % des cas, les personnes étaient âgées de 25 à 49 ans, la proportion étant identique après 50 ans.

Cependant, la cassure du dépistage lors de l’épidémie de Covid-19 n’a été que partiellement rattrapée.

Des efforts doivent donc être faits, notamment en matière de répétition des tests dans certains groupes de transmission, jeunes HSH, mais aussi femmes hétérosexuelles ayant des nouveaux ou multiples partenaires.  

À cet égard, les médecins de ville, généralistes comme spécialistes (gynécologues, dermatologues) jouent un rôle majeur pour prescrire un test de dépistage de façon répétée chez les patient(e)s potentiellement à risque, mais qui souvent ne se sentent pas exposées.  

Comme le souligne le Pr Gilles Pialoux, chef du service de maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Tenon (Paris), « on ne connaît pas exactement les chiffres de l’épidémie cachée (estimés à 25 000/ 30 000 cas), mais l’objectif est de détecter les personnes positives en travaillant sur les occasions manquées, afin de réduire les dépistages à un stade tardif et couper les chaînes de transmission. Les praticiens doivent avoir le réflexe “dépistage”, qui doit être “banalisé” ». 

Quelle prévention peut-on adopter ?

Pour prévenir l'infection par le VIH, il existe aujourd'hui quatre moyens.

Le préservatif

L’outil majeur de la prévention de l’infection par le VIH reste le préservatif, méthode simple qui protège également du risque d’autres infections sexuellement transmissibles, mais qui est difficile à appliquer de façon systématique. Notamment, de nombreuses femmes ne peuvent l’imposer à leur partenaire.

La PrEP

L’arrivée, en 2017, de la prévention préexposition au VIH ou PrEP (association ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine (TRUVADA et ses génériques), déjà commercialisée dans le traitement curatif de l’infection à VIH/sida, a changé la donne.

Elle est indiquée (et remboursée à 100 % dans cette indication) pour réduire le risque d’infection par le VIH-1 chez les adultes à haut risque de contamination :

  • les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ou des personnes transgenres avec des personnes transgenres ayant des rapports anaux non protégés avec des partenaires différents, ou ayant eu une infection sexuellement transmissible au cours de l’année, ou ayant pris un traitement post-exposition au cours de l’année, ou utilisant des drogues lors des rapports sexuels ;
  • les personnes jugées au cas par cas à haut risque d'acquisition du VIH par voie sexuelle.

Pour le Pr Gilles Pialoux, « le recours à la PrEP, dont l’efficacité est de 96 %, reste insuffisant chez les HSH jeunes, chez les plus de 65 ans et chez les femmes, qui représentent 33 % des nouveaux diagnostics de séropositivité, mais seulement 4,7 % des initiations de PrEP. Les premières études, en particulier l’essai IPERGAY, n’avaient pas étudié ce traitement chez les femmes, mais les données cumulées depuis ont permis de démontrer son efficacité, confirmée récemment dans des essais ayant évalué une forme injectable sur une population féminine (cabotégravir ou lénacapavir) ».

En fonction de l’exposition, ce traitement préventif peut être prescrit de façon discontinue ou temporaire. 

Le traitement dit « postexposition »

Le traitement dit « postexposition » est un traitement d’urgence donné à une personne séronégative après une situation à risque élevé de contamination par le VIH. Il est d’autant plus efficace qu’il est débuté rapidement après l’exposition, idéalement dans les 4 heures et au plus tard dans les 48 heures.

La stratégie TasP

Enfin, la stratégie TasP (Treatment as Prevention), qui se fonde sur le traitement systématique de toutes les personnes séropositives dès le diagnostic, participe pleinement de la prévention de l'infection par le VIH. En effet, il est désormais prouvé que lorsqu’elle induit une charge virale indétectable, la personne traitée n'est plus contaminante.

Une logique de traitement universel

Les recommandations de 2024 de la Haute Autorité de santé, du Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) et de l’Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites virales et les maladies infectieuses émergentes (ANRS) ont permis de clarifier la stratégie de prise en charge des personnes nouvellement diagnostiquées [3]. 

L’objectif de l’initiation rapide d’un traitement antirétroviral (ARV) est double : 

  • pour les patients, il permet de réduire la morbidité et la mortalité associées au VIH, de prévenir la transmission du VIH et d’améliorer ou de maintenir la qualité de vie ;
  • au niveau collectif, il permet de prévenir la transmission sexuelle, sanguine, et mère-enfant.

Les recommandations stipulent « qu’un traitement ARV doit être débuté rapidement et maintenu chez toutes les personnes vivant avec le VIH, sauf dans certaines situations particulières où le traitement doit être différé (tuberculose ou cryptococcose neuroméningées) ou peut être différé (infection à VIH-2, personnes “contrôleurs naturels” du VIH-1, personnes requérant un délai pour être prêtes à débuter le traitement) ». 

Elles précisent « qu’en règle générale, et en dehors de situations nécessitant un traitement immédiat ou différé, le traitement est débuté après l’obtention des premiers résultats du bilan initial, dans les 14 jours suivant l’annonce du diagnostic de l’infection à VIH ».

Il est ainsi essentiel d’adresser au plus vite à un centre spécialisé les patients nouvellement diagnostiqués. 

Les modalités du premier traitement ARV, dont le choix est individualisé, se sont simplifiées. Il fait appel à une combinaison de deux ou trois ARV (bithérapie ou trithérapie) pour VIH-1, trois pour VIH-2, en privilégiant une association fixe à comprimé unique quotidien.

Dans la majorité des cas, il vise à obtenir un contrôle de la réplication virale en 6 mois maximum. Passé ce délai, le traitement peut encore être simplifié en recourant à une injection tous les deux mois ou à un traitement 4 jours sur 7.  

« Le traitement ARV est un outil clé pour l’objectif d’élimination de la transmission du VIH d’ici 2030. Un objectif qui pourrait être mis à mal par l’arrêt de financement des projets jusque-là assurés par le Pepfar (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), dont les conséquences se font déjà sentir dans différents pays avec in fine un très probable impact dans les années à venir en Europe », conclut le Pr Gilles Pialoux. 

D’après un entretien avec le Pr Gilles Pialoux, chef du service de maladies infectieuses et tropicales, hôpital Tenon, Paris et www.vih.org  

Sources

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