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Le syndrome des ovaires polykystiques selon les dernières recommandations internationales

Le syndrome des ovaires polykystiques, endocrinopathie hétérogène et fréquente, est suspecté devant des troubles des règles et une hyperandrogénie. Les recommandations internationales de 2023 insistent sur la nécessité d’une prise en charge globale et pluridisciplinaire.

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Il n’y a pas un SOPK, mais plusieurs, avec des prises en charge et des enjeux différents.

Il n’y a pas un SOPK, mais plusieurs, avec des prises en charge et des enjeux différents.kukurikov / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Le diagnostic du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) repose sur la présence de deux critères parmi les suivants :

  • troubles du cycle ;
  • hyperandrogénie clinique (hirsutisme, acné sévère, alopécie androgénique) ou biologique ;
  • ovaires polykystiques à l’échographie ou élévation de l’hormone antimüllérienne.

Les symptômes sont variables d’une femme à l’autre et plus ou moins intenses.

Ce diagnostic ne peut être posé qu’après élimination des autres causes de troubles du cycle ou des autres causes d’hyperandrogénie (hyperplasie congénitale des surrénales, hyperprolactinémie, syndrome de Cushing, tumeur ovarienne ou surrénalienne, hypogonadisme hypogonadotrope...).

Le diagnostic de SOPK peut être difficile chez l’adolescente, car il faut attendre au moins 8 ans après la ménarche pour que le critère échographique puisse être interprété.

Une fois le diagnostic posé, un trouble de la glycorégulation ainsi que des facteurs de risque cardiovasculaire doivent être recherchés. Il faut également dépister un syndrome d’apnée du sommeil, une anxiété ou une dépression.

La prise en charge est adaptée aux symptômes et à la demande des patientes. Elle est globale et multidisciplinaire.

Les recommandations hygiénodiététiques sont indispensables (en particulier l’activité physique).

Un traitement médicamenteux par metformine (hors AMM) est envisageable dans certains cas en raison de ses effets métaboliques.

La prévention d’une hyperplasie endométriale est importante.

En cas d'hyperandrogénie modérée, une contraception estroprogestative est prescrite en 1re intention.

Si cette contraception s’avère inefficace, on peut adjoindre en cas d'hirsutisme un anti-androgène (spironolactone 50-100 mg/jour).

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), pathologie très fréquente, touche environ 10 % des femmes en âge de procréer et représente la première cause d’infertilité féminine par trouble de l’ovulation.

VIDAL. Le SOPK se caractérise par une augmentation de la production des androgènes par les ovaires et la présence de nombreux follicules ovariens immatures. Quelle est sa physiopathologie ?

Dr Justine Hugon-Rodin. Les causes du SOPK et de ce dérèglement hormonal restent encore méconnues et hypothétiques.

Il existe une part génétique, mais le « gène du SOPK » n’a pas été identifié.

Il est probable aussi que cette maladie dépende de l’exposition aux hormones (notamment les androgènes in utero) et aux perturbateurs endocriniens pendant la vie fœtale. En effet, l’épigénétique aurait également un rôle. L’apparition de la maladie pourrait être liée à plusieurs facteurs environnementaux tels que l’alimentation ou l’activité physique…

Le SOPK peut être associé à un surpoids ou une obésité, mais ce n’est pas systématique (dans environ 70 % des cas) ainsi qu’à des anomalies métaboliques comme un hyperinsulinisme/une insulinorésistance. Mais, encore aujourd’hui, nous n’avons pas le point de départ de la boucle entre l’hyperinsulinémie et l’hyperandrogénie biologique.

Devant quels signes cliniques suspecter un SOPK et quels sont les critères diagnostiques ?

Les critères diagnostiques de Rotterdam (2003) ont été adaptés récemment avec la publication des dernières modifications à l’été 2023 (cf. Encadré 1). Ces recommandations ont été élaborées avec la participation de 4 sociétés savantes* [1].

*American society for reproductive Medicine (ASRM), Endocrine society (ES), European society of endocrinology (ESE), European society of human reproduction and embryology (ESHRE).

Un SOPK doit être suspecté devant un trouble du cycle (cf. Encadré 2), et/ou des signes d’hyperandrogénie clinique tels qu’un hirsutisme (cf. Encadré 3). 

Le diagnostic de SOPK est posé si 2 critères sont retrouvés parmi les suivants :

  1. troubles du cycle ;
  2. hyperandrogénie clinique ou biologique ;
  3. ovaires dystrophiques à l’échographie (en sachant que le critère échographique ne peut être utilisé qu’à partir de 8 ans après les premières règles) ou hormone antimüllérienne (AMH) élevée (cf. Encadré 4).

Quel est le bilan à prescrire en première intention ?

Le diagnostic de SOPK étant un diagnostic d’élimination, il ne peut être posé qu’après un bilan hormonal complet qui permet d’exclure les diagnostics différentiels suivants :

  • hyperplasie congénitale des surrénales ;
  • hyperprolactinémie ;
  • dysthyroïdie ;
  • syndrome de Cushing ;
  • tumeurs ovarienne ou surrénalienne sécrétant des androgènes ;
  • hypogonadisme hypogonadotrope.

Le bilan hormonal doit être réalisé, idéalement, vers J5 du cycle.

Si la patiente prend une contraception hormonale, elle doit être arrêtée au moins 3 mois avant les dosages.

Le bilan hormonal comprend :

  • FSH (hormone folliculo-stimulante), LH (hormone lutéinisante), estradiol, prolactine, TSH (thyréostimuline), testostérone, SHBG (Sex Hormone Binding Globulin), delta 4 androstènedione, 17OHP (17-hydroxyprogestérone), AMH (hormone antimüllérienne) ;
  • Un hypercorticisme est recherché en réalisant soit un freinage minute (après le bilan hormonal et non pas le même jour), soit un dosage du cortisol urinaire sur 24 heures.

Quelles précautions quand il s’agit d’une adolescente ?

À l’adolescence, les critères échographiques et le taux d’AMH ne peuvent pas être pris en compte. De nombreuses femmes ont en effet des ovaires riches en follicules au début de leur période d’activité génitale. Ainsi, il faut attendre au moins 8 ans après la ménarche pour que le critère échographique puisse être interprété. Il en est de même pour le taux d’AMH. Pour poser un diagnostic de SOPK à cet âge, on se base donc sur un trouble du cycle et une hyperandrogénie (clinique ou biologique), tout en sachant qu’il faut attendre de 1 à 2 ans après la ménarche pour caractériser les troubles du cycle (cf. Encadré 2).

Même lorsque ce diagnostic ne peut être (encore) confirmé, les symptômes doivent être entendus et pris en charge.

Une fois le diagnostic posé, quelles comorbidités rechercher systématiquement ?

Il est important de rechercher des éléments cliniques en faveur d’un syndrome métabolique : poids, taille (calcul de l’IMC), tour de taille, pression artérielle. On recherche aussi des signes cliniques en faveur d’une insulinorésistance : acanthosis nigricans au niveau des grands plis (aisselle, aine, nuque). En effet, le SOPK est à considérer comme un facteur de risque vasculaire avec une augmentation des risques associés :

  • de dyslipidémie, diabète de type 2, HTA (hypertension artérielle), accident coronarien… ;
  • de pathologies obstétricales telles que le diabète gestationnel ou l'HTA gravidique.

Le bilan métabolique comprend :

  • glycémie à jeun, cholestérol total, LDL-C, HDL-C, triglycérides, HGPO (hyperglycémie provoquée par voie orale) 75 g de glucose (même chez l’adolescente) pour objectiver un trouble de la glycorégulation ;
  • recherche d’une insulinorésistance (conseillée), mais aucune méthode n’est validée. On peut proposer une insulinémie à jeun avec calcul du HOMA (Homeostasis Model Accessment of insuline resistance).

Il est aussi recommandé de dépister :

  • un syndrome d’apnée du sommeil, notamment via des scores comme celui de Berlin ;
  • la présence de troubles anxiodépressifs ou d’une dépression.

Que peut-on expliquer aux patientes sur ce syndrome, notamment sur l’évolution, les complications et le pronostic en termes de fertilité ?

Le SOPK étant un syndrome défini par une association de symptômes, toutes les patientes ne vont pas avoir le même tableau clinique. De plus, l’intensité des symptômes est très variable d’une patiente à l’autre (de très légers à très sévères). Il n’y a pas un SOPK, mais plusieurs avec des prises en charge et des enjeux différents. Il faut adapter son discours au phénotype de la patiente, à ses symptômes et à sa demande.

On distingue aujourd’hui plusieurs phénotypes de SOPK en fonction des critères diagnostiques présents : hirsutisme (oui/non), trouble de l’ovulation (oui/non), présence de tous les critères (oui/non) (cycles longs, hyperandrogénie et aspect échographique). On ajoute à ces phénotypes, la présence éventuelle d’un surpoids, d’une obésité et/ou d’une insulinorésistance.

Il faut expliquer aux patientes qu’il n’y a pas de traitement curatif, mais que les symptômes peuvent être pris en charge, et les complications bénéficier d’une prévention sur les plans métabolique et endométriale notamment.

Concernant la fertilité, on peut globalement rassurer les patientes. La majorité d’entre elles auront des grossesses spontanées, en particulier celles qui ont des cycles réguliers ou peu perturbés. S’il y a une infertilité, il existe des traitements efficaces d’induction de l’ovulation.

Quelles sont les grandes lignes de la prise en charge thérapeutique ?

Le traitement du SOPK doit s’adapter au phénotype/symptômes, aux besoins de la patiente, à son âge et à la nécessité ou non d’une contraception. La prise en charge est globale et pluridisciplinaire.

Prévenir une hyperplasie endométriale

Il est important d’informer sur les risques d’hyperplasie endométriale en cas d’anovulation et de la prévenir pour des cycles de plus de 3 mois avec :

  • un traitement par progestérone 10 jours tous les 3 mois pour obtenir une hémorragie de privation (4 cures de 10 jours/mois/an) ;
  • ou une contraception hormonale. Toutes les contraceptions sont possibles dans le respect des contre-indications de chacune.

Prévenir les complications métaboliques et limiter les troubles anxiodépressifs

Les mesures hygiénodiététiques visent à prévenir le risque métabolique et cardiovasculaire. Elles sont d’autant plus importantes qu’il existe un surpoids ou une insulinorésistance ou un syndrome métabolique.

En première intention, doivent être proposés :

  • une prise en charge diététique (alimentation équilibrée à index glycémique bas en limitant les graisses saturées et l'alimentation industrielle) ;
  • une bonne hygiène de vie (arrêt du tabac) et une activité physique (à encourager même si c’est peu). En théorie, au minimum 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée / semaine (ex : marche, vélo…) ;
  • un accompagnement adapté si besoin notamment pour gérer au mieux le stress, l’anxiété, les troubles du sommeil…

La surveillance clinicobiologique est à renouveler tous les 1 à 3 ans selon les facteurs de risque et le profil des patientes. Il est recommandé de répéter dans le temps l’HGPO 75 g, et, si ce n’est pas possible, de faire une glycémie à jeun +/- un HbA1C (hémoglobine glyquée) (dont les résultats sont toutefois moins fiables).

La metformine (hors AMM) peut être proposée dans le SOPK chez la femme adulte avec un IMC ≥ 25 kg/m² en raison de ses effets métaboliques (amélioration de la résistance à l’insuline et du profil lipidique) [1] en association à des règles hygiénodiététiques.

La metformine peut aussi être envisagée chez l’adolescente pour régulariser les cycles et chez les adultes ayant un IMC < 25 kg/m² avec un niveau de preuve plus faible dans ces deux cas de figure [1].

Sa prescription est indissociable d’une intervention sur le mode de vie.

En cas d’hirsutisme et/ou d’acné

En cas d’hyperandrogénie modérée, une contraception estroprogestative est prescrite en première intention [1].

Si l’hirsutisme est invalidant, une épilation définitive est possible en parallèle d’une adaptation du traitement médicamenteux.

En cas d’amélioration insuffisante avec une contraception estroprogestative, la spironolactone 50 à 100 mg par jour peut être proposée [1]. La spironolactone a une AMM dans le traitement de l'hirsutisme, seule ou en association avec d'autres médicaments chez l'adulte. En général, on l'associe à une contraception hormonale qui permet de potentialiser un peu son effet, d’éviter les troubles du cycle (que la spironolactone peut occasionner) et d’avoir une action contraceptive (la spironolactone pouvant être tératogène).

Un traitement par acétate de cyprotérone, en association avec de l’estradiol, et après réalisation d’une IRM cérébrale pour vérifier l’absence de méningiome, peut être discuté sous réserve d’une surveillance régulière et des indications précises [2].

Encadré 1 - Quelles nouveautés dans les recommandations internationales de 2023 ? [1]

Les principales nouveautés sont :

  • l’utilisation du dosage de l’AMH chez la femme adulte en alternative à l’échographie pelvienne pour poser le diagnostic ;
  • la nécessité d’un dépistage systématique :
    • de l’intolérance aux hydrates de carbone,
    • d’une dépression et/ou d’une anxiété ;
  • une prise en charge globale et pluridisciplinaire, à adapter à la situation de chaque patiente, avec un plan de suivi sur le long terme ;
  • des modifications concernant les indications des traitements insulinosensibilisateurs et d’induction de l’ovulation.

 

Encadré 2 - SOPK : les troubles du cycle [1]

Les troubles du cycle SOPK sont définis par :

  • des cycles < 21 jours ou > 45 jours entre 1 et 3 ans après la ménarche (habituellement, on considère comme possiblement physiologique un trouble du cycle dans les 2 ans qui suivent la ménarche) ;
  • des cycles < 21 jours ou > 35 jours ou < 8 cycles/ an entre 3 ans après la ménarche et la périménopause ;
  • un cycle de plus de 90 jours un an après la ménarche ;
  • une aménorrhée primaire au-delà de l’âge de 15 ans ou à partir de 3 ans après la thélarche.

La recherche du caractère ovulatoire d’un cycle n’a pas d’intérêt pour poser le diagnostic. On le recherche en situation d’infertilité en dosant par exemple la progestéronémie en 2e partie de cycle.

 

Encadré 3 - SOPK : les signes cliniques et biologiques d’hyperandrogénie [1]

L’hyperandrogénie clinique est définie par :

  • un hirsutisme : présence de poils durs et pigmentés développés dans des zones dites androgénodépendantes, telles que le visage, le thorax, la ligne blanche... Il est estimé grâce au score de Ferriman et Gallwey. Ce score est obtenu par l'addition d'une cotation de 0 à 4 attribuée selon la pilosité constatée dans 9 zones du corps sensibles aux androgènes ;
  • une acné sévère, inflammatoire, à topographie masculine qui doit concerner deux zones du corps pour être retenue ;
  • une alopécie androgénique peut être évaluée par le score de Ludwig.

Pour l’hyperandrogénie biologique, il est recommandé d’utiliser le dosage de testostéronémie totale et/ou de calculer le FAI (index d’androgènes libres) permettant d’estimer la testostérone libre. Si la testostérone n’est pas élevée, on peut doser la delta 4 androstènedione et la SDHEA (sulfate de déhydroépiandrostérone), mais elles ne sont pas spécifiques.

 

Encadré 4 - SOPK : les signes échographiques ou le dosage de l’AMH

Dans le SOPK, il y a un excès de petits follicules bloqués dans leur croissance qui donnent un aspect multifolliculaire aux ovaires. L’échographie privilégie la voie endovaginale.

Un ovaire est considéré comme polykystique si :

  • son volume est augmenté (≥ 10 mL ou une surface ≥ 5,5 cm²) ;
  • il comporte un nombre élevé (> 20) de follicules d’une taille de 2 à 9 mm.

Depuis la révision des critères en 2023 [1], il est possible de prendre en compte le dosage de l’hormone antimüllérienne (AMH) à la place des critères échographiques. Cependant, il n’y a pas de valeur seuil retenue dans les recommandations et c’est la valeur supérieure de chaque laboratoire d’analyse qui est utilisée en pratique.

Ces critères peuvent être pris en compte uniquement si l’évaluation échographique est réalisée au moins 8 ans après la ménarche, car de nombreuses femmes ont des ovaires riches en follicules au début de leur période d’activité génitale.

Sources

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