#Socio-professionnel

Écoprescription des antibiotiques : des outils pour accompagner les professionnels

La notion d'écoresponsabilité en infectiologie implique d'évaluer l'empreinte des antibiotiques sur l'environnement. Les premiers travaux de l'Omédit Normandie permettent d'identifier les lignes directrices pour guider les professionnels dans la démarche d'écoprescription.

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Interview de Valérie Pierre, pharmacien, et Mathilde Réveillon-Istin, infectiologue.

Interview de Valérie Pierre, pharmacien, et Mathilde Réveillon-Istin, infectiologue.Petmal / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images et le studio graphique de VIDAL

Résumé

- Podcast - L'impact environnemental des actes de soins, dont la prescription des médicaments, est aujourd'hui bien identifié. Pourtant, la notion d'écoresponsabilité reste confidentielle dans la pratique médicale et pharmaceutique, faute d'outils pour aider les professionnels de santé à se l'approprier. Après avoir défini de façon générale les trois piliers de l'écoprescription, l'Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l'innovation thérapeutique (Omédit) Normandie poursuit ses travaux de recherche en les orientant plus particulièrement sur les antibiotiques. Les premiers résultats ont abouti à l'élaboration de pratiques d'écoprescription en infectiologie faciles à mettre en œuvre et disponibles en ligne. En parallèle, l'Omédit Normandie prépare une série d'actions pour sensibiliser et former à l'écoprescription. 

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TRANSCRIPTION

VIDAL News. Parole d'experts. David Paitraud reçoit Valérie Pierre, pharmacien, et Mathilde Réveillon-Istin, infectiologue, au sein des hôpitaux du Sud-Manche.

L'Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l'innovation thérapeutique (Omédit) Normandie et le groupe de travail écoconception des soins en maladies infectieuses ont défini des pratiques d’écoprescription d’antibiotiques. Ces pratiques ont été présentées à l’occasion de la Journée régionale « des soins écoresponsables » du 13 mars 2025. Une plaquette d’écoprescription en antibiothérapie est disponible sur le site internet de l'Omédit.

David Paitraud. C’est quoi une écoprescription ?

Mathilde Réveillon-Istin. Nous parlons d’écoprescription, ou plutôt de soin écoresponsable, pour définir un acte de soin qui, à qualité et sécurité égale pour le patient, engendre un impact moindre sur l’environnement. Cela englobe la pertinence des soins effectués, la sobriété de prescription, la déprescription et les alternatives non médicamenteuses.

En France, le système de santé représente 8 % de l’empreinte nationale de gaz à effet de serre dont 29 % sont liées aux prescriptions de médicaments.

Écoconcevoir un soin consiste à choisir, à qualité de soins égale pour le patient, les traitements les moins nocifs pour l’environnement.

En Normandie, le groupe de travail dédié à la transition écologique en santé piloté par l’Omédit a ainsi établi trois piliers de l’écoprescription :

  • mieux prescrire ;
  • moins prescrire ;
  • tenir compte de l’empreinte environnementale dans sa prescription (empreinte carbone et toxicité sur les écosystèmes).

Des exemples concrets illustrant ces principes sont disponibles sur le site de l'Omédit Normandie sur la fiche écoprescription [1].

Comment avez-vous évalué l’impact environnemental des antibiotiques ?

Mathilde Réveillon-Istin. Nous avons mené une étude portant sur l’empreinte environnementale des antibiotiques utilisés dans les infections les plus courantes en France : urinaires et respiratoires.

L’impact environnemental a été calculé par la société Ecovamed par réalisation d’une analyse de cycle de vie du berceau à la porte de la pharmacie, en étudiant uniquement le critère carbone. Elle est conforme à la méthodologie retenue par le gouvernement français pour le calcul de l’empreinte carbone des médicaments. Les résultats sont exprimés en gramme de CO2 équivalent par DDJ (gCO2eq/DDJ). La DDJ correspond à la dose définie journalière, soit la dose prise par un adulte de poids moyen par jour de traitement. 

Nous avons en parallèle regardé la toxicité sur l’eau, en analysant les indices suédois « persistance, bioaccumulation et toxicité (PBT) » et les concentrations prédites sans effets toxiques sur l’environnement et sur la survenue d’antibiorésistance (PNEC), issues d’un guide récent de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Nous remercions la Fondation pour la recherche et l’innovation en pharmacie hospitalière (Synprefh) et l’agence régionale de santé (ARS) Normandie qui ont permis le financement de ce projet et la société Ecovamed qui nous a accompagnés tout au long de ce projet. 

Peut-on dire que « bon usage des antibiotiques pour lutter contre l’antibiorésistance » et « écoprescription » sont un même combat ?

Valérie Pierre. Oui, l’antibiorésistance est une parfaite illustration du concept One Health ou « Une seule santé » qui signifie que la santé des hommes, des animaux et de l’environnement est étroitement liée et interdépendante (N.D.L.R. : cf. notre podcast du 27 juin 2024 et notre article du 21 novembre 2024). Pour maîtriser l’antibiorésistance, il convient donc de prendre en compte la santé humaine, animale et l’environnement, à l’échelle locale et mondiale.

Le bon usage des antibiotiques, mené entre autres par les centres régionaux en antibiothérapie, comme en Normandie avec Normantibio, vise à limiter la consommation d’antibiotiques à l’échelle humaine, ce qui rejoint les piliers « moins prescrire » et « mieux prescrire ».

Les plans éco-antibio, eux, visent à limiter les consommations d’antibiotiques chez les animaux.

L’approche d'écoprescription vise, elle, à prendre en compte l’impact des antibiotiques sur l’environnement. La mesure de l’impact environnemental des antibiotiques est un point de départ indispensable pour la mise en place d’actions et d’évaluation de leur efficacité. L’objectif est de pouvoir en faire un critère de choix pour les prescripteurs et pour les achats de produits de santé.

Comment fait-on pour privilégier des antibiotiques ayant un bilan carbone moindre à qualité de soins équivalente ?

Valérie Pierre. Notre étude est une étude préliminaire de mesure d’empreinte environnementale de différents antibiotiques à visée urinaire et respiratoire. Nous avons pu définir quelques principes généraux d’écoprescription en infectiologie. Toutefois des travaux complémentaires sont nécessaires afin d’aller plus loin, notamment dans la prise en compte des critères environnementaux pour la rédaction des recommandations.

Notre étude a tout de même permis de dégager les principes suivants :

  • privilégier une fabrication européenne, qui est plus vertueuse d’un point de vue environnemental avec une empreinte carbone diminuée de 28 % en moyenne si la production a lieu en Europe versus en Asie ;
  • privilégier la voie orale pour les antibiotiques ayant une bonne biodisponibilité. Par exemple, l’empreinte carbone de la lévofloxacine intraveineuse est 13 fois supérieure à celle de la lévofloxacine par voie orale ;
  • choisir les dosages les plus importants quand ils sont disponibles. Par exemple, à posologie équivalente, l'utilisation d'un flacon de céfotaxime 2 g plutôt que de 4 flacons de 500 mg est deux fois moins impactant d’un point de vue environnemental ;
  • si la voie intraveineuse (IV) est nécessaire, il est préférable de réaliser, dans un premier temps, une injection intraveineuse directe (IVD) plutôt qu’une perfusion ;
  • choisir une administration en continue plutôt que des administrations itératives, qui nécessitent plus de dispositifs médicaux.

En ce qui concerne le choix d’une molécule plutôt qu’une autre, il est plus difficile de se prononcer à ce stade. Nous avons montré que les molécules à plus faibles DDJ ont une empreinte carbone plus faible. Nous avons toutefois besoin d’avancer sur l’évaluation de la toxicité sur l’eau et la persistance dans l'environnement qui sont plus difficiles à évaluer. Et il convient également de prendre en compte l’impact sur le microbiote intestinal. 

Est-ce qu'il existe un score spécifique aux antibiotiques ?

Valérie Pierre. Il faudrait évoluer vers la construction d’un écoscore spécifique aux antibiotiques. Celui-ci n'existe pas encore. Pour cela, l’investissement des sociétés savantes est nécessaire. La constitution toute récente du Groupe infectiologie écologie (Grine) qui est un groupe de travail qui émane de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) est très porteuse d’espoir pour avancer dans ce type de projets.

David Paitraud. Cette démarche d’écoprescription est très récente, encore confidentielle. Et pourtant, l’objectif est bien que les professionnels de santé s’en imprègnent.

Comment accompagner le déploiement de cette démarche d’écoprescription en pratique professionnelle ? Avec quels outils ?

Mathilde Réveillon-Istin. À ce stade, l’enjeu est de sensibiliser l'ensemble des professionnels de santé à l’impact de nos soins, au concept d’écosoins et au rôle que nous avons à jouer en tant que prescripteur et pharmacien.

À la suite des premiers résultats de ce travail, nous avons, avec le centre régional en antibiothérapie normand Normantibio, réalisé une plaquette d’écoprescription en infectiologie, reprenant ces grands principes avec quelques exemples concrets.

À l’échelle de notre établissement, les hôpitaux du Sud-Manche, nous allons et avons communiqué sur les soins écoresponsables (formations aux internes, communication en commission médicale d'établissement [CME] et via l’intranet de notre établissement).

Nous travaillons également à la sensibilisation des infirmières (IDE) pour la réalisation des perfusions d’antibiotiques et avons des projets en lien avec la ville pour les perfusions d’antibiotiques réalisées à domicile.

Le paramétrage de notre logiciel de prescription est également un levier majeur, afin de privilégier les IVD, les administrations continues, les relais per os grâce aux interventions pharmaceutiques.

Nous avons communiqué à l’échelle régionale, notamment lors de la réunion régionale consacrée aux écosoins.

Nous allons prochainement communiquer lors de congrès nationaux de pharmacie hospitalière et d’infectiologie pour partager cette démarche et permettre ainsi, nous l'espérons, d’aller plus loin.

Interview : David Paitraud, pharmacien

Montage : Robin Benatti & David Paitraud

Remerciements : Valérie Pierre, pharmacien, et Mathilde Réveillon-Istin, infectiologue, au sein des hôpitaux du Sud-Manche.

Sources

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