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LUTERAN (chlormadinone), LUTENYL (nomégestrol), et génériques : recommandations pour réduire le risque de méningiome

Suite à un signal de sécurité émis fin 2018/début 2019, l'ANSM* et l'Assurance maladie ont initié une étude épidémiologique commune afin d'évaluer la relation entre la survenue d'un méningiome et les traitements par acétate de nomégestrol (LUTENYL et génériques) ou acétate de chlormadinone (LUTERAN et génériques). 

Les résultats de cette étude EPI-PHARE confirment le sur-risque de survenue de méningiome associé à ces médicaments macroprogestatifs, et mettent en évidence une corrélation entre l'augmentation de ce risque et la dose utilisée, la durée du traitement et l'âge de la patiente.


Sur la base des résultats de cette étude, l'ANSM émet des recommandations préliminaires à l'attention des professionnels de santé et des femmes pour réduire et encadrer ce risque de méningiome, sachant que la commercialisation de ces médicaments est maintenue "au regard de leur intérêt thérapeutique dans certaines indications". 

Ces recommandations d'utilisation et de surveillance du nomégestrol et de la chlormadinone constituent une première étape ; elles feront l'objet d'une phase de concertation à l'automne, notamment avec les professionnels de santé et les patientes.

* Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
David Paitraud 18 juin 2020 Image d'une montre7 minutes icon 3 commentaires
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Un méningiome est une tumeur cérébrale développée à partir de cellules des enveloppes du cerveau et de la moelle épinière appelées les méninges (illustration).

Un méningiome est une tumeur cérébrale développée à partir de cellules des enveloppes du cerveau et de la moelle épinière appelées les méninges (illustration).


Réalisée à partir des données nationales de remboursement de l'Assurance maladie, l'étude épidémiologique du Groupement d'intérêt Scientifique (GIS) EPI-PHARE a concerné 1,8 et 1,5 millions de femmes ayant été traitées respectivement par de l'acétate de nomégestrol ou de l'acétate de chlormadinone entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2018.

L'objectif de ce travail était d'évaluer, sur la base de données en vie réelle, la relation entre la survenue de méningiomes et la prise de médicaments à base d'acétate de nomégestrol (LUTENYL et génériques) ou d'acétate de chlormadinone (LUTERAN et génériques) [cf. Encadré 1]. 

Encadré 1 - Indications thérapeutiques de l'acétate de nomégestrol ou de chlormadinone
LUTERAN et LUTENYL sont des médicaments macroprogestatifs indiqués : L'acétate de nomégestrol, l'acétate de chlormadinone et l'acétate de cyprotérone (ANDROCUR et génériques) sont contre-indiqués en cas de méningiome ou d'antécédent de méningiome. 

Macroprogestifs et méningiome : sur-risque confirmé et nouveaux éléments
Dix-huit mois après le premier signal d'alerte (cf. notre article du 12 février 2019), l'étude EPI-PHARE (ANSM et Assurance maladie) livre les résultats suivants : 

- confirmation d'un sur-risque de méningiome chez les femmes exposées à l'acétate de nomégestrol ou à l'acétate de chlormadinone, 
- mise en évidence d'un phénomène dose et durée dépendant : augmentation importante du risque avec la dose utilisée et la durée du traitement,
- l'âge de la patiente apparaît également comme un facteur de risque de méningiome nécessitant une intervention neurochirurgicale. 
 
  • Un sur-risque corrélé à la dose et à la durée du traitement
Plus précisément, selon les données rapportées par l'étude EPI-PHARE sur le nomégestrol et la chlormadinone, un traitement de plus de 6 mois est associé à un risque multiplié par 3,3 (nomégestrol) et 3,4 (chlormadinone) par rapport au risque de base. 

Ce coefficient multiplicateur passe à : 

- 7 à partir d'une dose cumulée correspondant à 3,5 ans d'utilisation de l'acétate de chlormadinone,
- 12,5 à partir d'une dose cumulée correspondant à 5 ans de traitement pour l'acétate de nomégestrol.
 
  • Une sévérité accentuée par l'âge de la patiente
L'étude épidémiologique suggère également une relation entre l'âge de la patiente et la sévérité du méningiome, impliquant une prise en charge plus lourde ; en effet, le risque de méningiome conduisant à une chirurgie intracrânienne est 3 fois plus élevé pour les femmes de 35 à 44 ans que pour celles de 25 à 34 ans.

Maintien des AMM mais utilisation encadrée
Tenant compte des résultats de l'étude épidémiologique présentés le 8 juin 2020, les experts du comité scientifique dédié aux macroprogestatifs et au risque de méningiome ont émis des recommandations préliminaires d'utilisation de ces médicaments et de surveillance du risque. 

En revanche, l'autorisation de commercialisation en France des spécialités de chlormadinone et de nomégestrol n'est pas remise en question, en raison de leur intérêt thérapeutique dans certaines indications. Le bénéfice-risque doit néanmoins être évalué de manière individuelle, pour chaque patiente.

 
  • Recommandations préliminaires aux professionnels de santé : consignes d'utilisation et de surveillance
Les experts du comité scientifique demandent aux professionnels de santé : 
- d'informer leurs patientes sous chlormadinone ou nomégestrol du risque de méningiome, et des signes évocateurs (maux de tête fréquents, troubles visuels, du langage ou auditif, vertiges, troubles de la mémoire, etc.) ;
- de réévaluer la pertinence d'un traitement par acétate de nomégestrol ou acétate de chlormadinone en tenant compte du bénéfice-risque individuel ;
- de limiter la durée d'utilisation de ces médicaments ainsi que leurs posologies aux doses minimales efficaces (effet dose cumulée) ;
- de ne pas substituer les macroprogestatifs entre eux (acétate de nomégestrol, acétate de chlormadinone et acétate de cyprotérone) en cas de méningiome ou d'antécédent de méningiome.

En termes de surveillance, le protocole doit intégrer la réalisation d'une IRM cérébrale en cas de symptômes évocateurs d'un méningiome.
Il est par ailleurs recommandé de proposer une imagerie cérébrale par IRM aux femmes de plus de 35 ans en cas de traitement prolongé (à partir de 5 ans) : 

- femmes de plus de 35 ans chez qui la durée prévisionnelle de traitement est de 5 ans ou plus ; 
- femmes de plus de 35 ans qui ont déjà été traitées plus de 5 ans. 
 
  • En cas de méningiome : pas de traitement
L'existence d'un méningiome identifié soit avant le traitement, soit pendant, n'est pas compatible avec un traitement par acétate de chlormadinone ou acétate de nomégestrol (contre-indication). Le diagnostic d'un méningiome en cours de traitement doit conduire à interrompre ce traitement.
 
  • Recommandations préliminaires aux patientes : consulter le médecin
Les patientes actuellement traitées par acétate de nomégestrol (LUTENYL et génériques) ou acétate de chlormadinone (LUTERAN et génériques) sont invitées à consulter leur médecin :
- femmes de plus de 35 ans traitées par acétate de nomégestrol ou acétate de chlormadinone depuis plus de 5 ans : proposition d'une imagerie cérébrale (IRM) ;
- femmes traitées ou ayant été traitées par acétate de nomégestrol ou acétate de chlormadinone présentant des symptômes évocateurs d'un méningiome (maux de tête fréquents, troubles de vision, du langage ou de l'audition, vertiges, troubles de la mémoire, etc.) : consultation médicale en vue de la prescription d'une imagerie cérébrale (IRM).

En cas d'indisponibilité des traitements : réévaluer leur intérêt à titre individuel
Plusieurs traitements progestatifs sont actuellement sous tensions d'approvisionnement, voire en situation de rupture de stock. 
Dans son communiqué en date du 17 juin 2020, l'ANSM indique par ailleurs que "certains médicaments  ne seront prochainement et définitivement plus commercialisés en France à la suite de décisions prises par les laboratoires qui les fabriquent (SURGESTONE, commercialisé par le laboratoire Serb [notre article du 17 juin 2020], et LUTERAN, commercialisé par le laboratoire Sanofi [date non précisée]).

Dans ce contexte et au regard des résultats de l'étude épidémiologique, l'ANSM invite les  professionnels de santé et les patientes "à engager une réflexion commune quant à l'opportunité d'initier ou de poursuivre un traitement par ces médicaments".

Prochain rendez-vous à l'automne pour une phase de concertation : vers un dispositif sur le modèle de la cyprotérone ?
La surveillance et l'encadrement de l'utilisation des spécialités d'acétate de chlormadinone ou de nomégestrol vont se poursuivre. Un prochain rendez-vous est fixé en novembre, au cours duquel les recommandations préliminaires émises seront discutées entre les différentes parties concernées, notamment les représentants des professionnels de santé et des patientes.

Cette phase de concertation devrait aboutir à une validation des recommandations, voire à leur renforcement sur le modèle des spécialités d'acétate de cyprotérone, pour lesquels le dispositif de prévention du risque de méningiome prévoit (notre article du 13 juin 2019) : 
  • la remise d'une fiche d'information aux patientes lors de la prescription de ce médicament, 
  • la signature d'une attestation annuelle d'information
  • la présentation de l'attestation annuelle d'information co-signée par la patiente et le prescripteur pour autoriser la délivrance en pharmacie.
  • une IRM cérébrale systématique avant d'initier un traitement (cf. Encadré 2).

Encadré 2 - Surveillance des patients sous acétate de cyprotérone
  • Patients qui débutent un traitement : IRM cérébrale systématique. 
  • Patients en cours de traitement :
    • envisager un contrôle par IRM si la poursuite du traitement est décidée,
    • tant que le traitement est maintenu, prescrire une IRM au plus tard 5 ans après la première IRM, puis tous les 2 ans si l'IRM précédente est normale.
  • Patients qui ont été traités : consulter un médecin pour la réalisation d'un examen clinique et, selon avis médical, la prescription d'une IRM.
 
Parmi les sujets de la réunion de concertation, figure celui sur l'intérêt d'une IRM cérébrale à l'initiation du traitement pour toutes les patientes. Cette recommandation, initialement adoptée lors de la séance du 8 juin 2020, a fait ultérieurement l'objet d'avis divergents.
En effet, la pertinence de cet examen à l'initiation du traitement, chez des femmes amenées à être traitées sur de courtes durées, a été remise en question par certains experts.


Pour aller plus loin
Lutényl/Lutéran et génériques : recommandations préliminaires suite à la confirmation du sur-risque de méningiome - Point d'Information (ANSM, 17 juin 2020)
Relevé de décision - CST "macroprogestatifs et risque de méningiomes" (sur le site de l'ANSM, 17 juin 2020)

Sur VIDAL.fr
ANDROCUR et génériques (acétate de cyprotérone) : dispositif renforcé pour prévenir le risque de méningiome (13 juin 2019)

 

Commentaires

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cmlf Il y a 3 ans 0 commentaire associé
Bonjour, âgée de 57 ans j ai été sous Lutélyn de 2007 à 2012 jusqu' à ce qu on le retire les ovaires (kystes à répétition) J'ai démissionné en 2013 de prof des écoles apres 11 ans, depuis je fais un travail manuel - toujours de grosses difficultés à mémoriser et surtout à faire quoi que ce soit d administratif Sous anti tnf pour spa, et levothyroxine 75 et pso, dois je demander à faire une IRM pour vérifier qu il n y a pas d'angiome? de tumeur? MERCI cordialement
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