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Zoom sur les trois principales infections sexuellement transmissibles bactériennes

Les chlamydioses, les gonococcies et la syphilis sont les trois principales infections sexuellement transmissibles bactériennes. Le point sur leur épidémiologie, leur diagnostic et leur traitement, alors que leur incidence est en nette augmentation.

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Les principaux moyens de prévention restent les préservatifs et les digues dentaires.

Les principaux moyens de prévention restent les préservatifs et les digues dentaires.Nestea06 / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

En France, les incidences des trois principales infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes, dues à Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae ou Treponema pallidum, sont en nette augmentation.

En 2023, les nombres de diagnostics de ces IST, en médecine de ville, ont été estimés, respectivement, à 55 500, 23 000 et 5 800.

Le principal moyen de prévention de ces trois infections est mécanique, passant par l’utilisation de préservatifs et de digues dentaires.

Un dépistage complet des IST est indiqué en présence de symptômes anogénitaux et dans les situations à risque (changement de partenaire, rapport sexuel non protégé, projet de grossesse...), et de façon répétée tous les 3 mois dans les populations à risque. Ce bilan s’appuie sur la sérologie (infection à VIH, hépatite B [en l’absence de vaccination] et C en cas de toxicomanie, syphilis) et la recherche par PCR (Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae).

Les modalités de traitement ont fait l’objet, en 2025, de nouvelles recommandations de la Haute Autorité de santé.

L’incidence des trois principales infections sexuellement transmissible (IST) bactériennes, la syphilis, les infections par Neisseria gonorrhoeae et les infections par Chlamydia trachomatis a, depuis quelques années, régulièrement augmenté en France [1].

Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer ce phénomène telles qu'une moindre utilisation des préservatifs, notamment après la pandémie de Covid-19, la banalisation des rapports orogénitaux, une carence d'éducation à la santé sexuelle, etc.

Le point sur leur épidémiologie, leurs symptômes, leur prévention et leur traitement.

Que sait-on de l’évolution de l’incidence de ces trois IST ?

Infections à Chlamydia trachomatis

Le nombre de personnes diagnostiquées pour une infection à Chlamydia trachomatis est en recrudescence, avec 55 000 nouveaux cas estimés en 2023 dans le secteur privé, en hausse de 10 % par rapport à 2021, essentiellement chez les hommes, selon les données du Système national des données de santé (SNDS) rapportées par Santé publique France (SPF).

Le nombre de cas rapportés par les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd), dans le cadre de la surveillance par le système SurCegidd, était d’environ 19 000 en 2023 (63 % d’hommes cis, 36,7 % de femmes cis et 0,3 % de personnes trans), à un âge médian de 24 ans. La majorité (82 %) avaient eu au moins deux partenaires sexuels au cours des 12 mois ayant précédé le diagnostic. La plupart des chlamydioses étaient asymptomatiques (présence de signes cliniques dans seulement 21 % des cas).

Infections à Neisseria gonorrhoeae 

Les gonococcies, qui peuvent aussi être asymptomatiques, ce qui accroît le risque de transmission non diagnostiquée, sont également en augmentation.

Sur la base des données du SNDS, le nombre de personnes diagnostiquées pour une infection à gonocoque au moins une fois dans l’année en secteur privé a été estimé à environ 23 000 en 2023, en hausse de 55 % par rapport à 2021. Cette augmentation concerne les hommes (+59 %) et les femmes (+46 %), notamment dans la classe d’âge des plus de 50 ans (respectivement +82 % et +75 %).

Le nombre de gonococcies rapporté par les Cegidd, dans le cadre de la surveillance SurCegidd, a été d’environ 10 700 en 2023 (84,1 % d’hommes cis, 15,1 % de femmes cis et 0,7 % de personnes trans), à un âge médian de 28 ans. Près de 9 patients sur dix (88 %) avaient eu au moins deux partenaires sexuels au cours des 12 mois ayant précédé le diagnostic ; des signes cliniques étaient présents dans (seulement) un tiers des cas.

Infections à Treponema pallidum

Selon SPF, le nombre de personnes diagnostiquées pour une syphilis dans le secteur privé était de 5 800 en 2023, en hausse de 20 % par rapport à 2021.

Le nombre de cas de syphilis récentes rapportés par les Cegidd dans le cadre de la surveillance SurCegidd était d’environ 2 500 en 2023.

Les populations les plus touchées sont les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH, 67 % des cas) et les travailleurs du sexe, mais on observe aussi une augmentation de l’incidence dans la population hétérosexuelle, tant chez les hommes que chez les femmes.

La syphilis était diagnostiquée à un stade primaire dans 60 % des cas, secondaire dans 19 % et à un stade latent précoce dans 21 % des cas.

Une séropositivité pour le VIH a été découverte de façon concomitante au diagnostic de syphilis dans 2,3 % des cas.

Quels sont les signes évocateurs de ces trois IST ?

Infections à Clamydiae trachomatis

Chez la femme, l’infection génitale à C. trachomatis est le plus souvent asymptomatique. Lorsqu’ils sont présents, les symptômes sont à type de douleurs lors des mictions et/ou des rapports sexuels, d’écoulements vaginaux jaunâtres ou sanguinolents et de douleurs ou inconfort pelviens.

Chez l’homme, l’infection peut se manifester par des picotements ou brûlures en urinant, ou par des écoulements blanchâtres (urètre, rectum). Une conjonctivite est possible.

Infections à Neisseria gonorrhoeae

L’infection est généralement bruyante chez les hommes, avec des signes urétraux dans 90 % des cas (écoulement facilement visible avec douleurs à la miction). L’anorectite peut être symptomatique, alors que l’atteinte au niveau pharyngée est souvent asymptomatique.

Chez la femme, l’infection est moins bruyante, mais elle peut se manifester par une cervicite purulente. En cas de symptômes, il faut toujours coupler la recherche de Chlamydia et de gonocoque.

Infections à Treponema pallidum

La syphilis évolue en deux stades (la syphilis tertiaire a quasiment disparu en France hexagonale).

Après inoculation, en une semaine à 2-3 mois, apparaît une ulcération génitale/anale/orale : le chancre, induré, indolore et à fond propre, qui doit faire évoquer le diagnostic. L’évolution spontanée se fait vers la guérison en quelques semaines ou mois, qui sera suivie d’une éruption cutanée touchant les paumes des mains et plantes des pieds, souvent plus évocatrice bien que parfois fugace. Cette manifestation est aussi de résolution spontanée. Face à une éruption de ce type, il faut donc bien interroger les patients sur leur activité sexuelle.

Vient ensuite une phase de latence, qui peut durer de 10 à 20 ans, avant le stade très rarement observé aujourd’hui de syphilis tertiaire.

La neurosyphilis est aujourd’hui la principale « vraie » complication, avec paralysie faciale, vascularite méningée (mais se manifestant parfois par une simple baisse de l’audition), nécessitant une prise en charge en milieu hospitalier dès suspicion.

En cas d’infection pendant la grossesse, une transmission au fœtus est possible (syphilis congénitale), à l'origine d'environ 40 % de morts fœtales in utero.

Quand, comment et où dépister ?

Un dépistage complet des IST est notamment indiqué :

  • en présence de symptômes gynécologiques ou urinaires ;
  • à chaque changement de partenaire avant d'arrêter le préservatif ;
  • après un rapport sexuel non protégé ;
  • avant de commencer une grossesse ;
  • et tous les 3 mois dans la population à risque.

Ce dépistage repose sur la sérologie (VIH, hépatite B [en l’absence de vaccination] et C en cas de toxicomanie, syphilis) et la recherche par PCR de C. trachomatis et N. gonorrhoeae.

Le diagnostic des infections à C. trachomatis et N. gonorrhoeae

Il se fait par amplification génique par PCR à partir de différents échantillons : urines pour les hommes, autoprélèvement vaginal pour les femmes et urines/gorge/anus pour les HSH.

Il existe plusieurs sérotypes de Chlamydiae, les plus fréquents étant ceux de D à K, mais le sérotype L, à l’origine de la lymphogranulomatose vénérienne (LGV), est en recrudescence depuis 2005. La LGV se manifeste classiquement par une anorectite avec des ganglions satellites chez un patient HSH. En cas d’anorectite avec PCR Chlamydiae positive, il faut un traitement prolongé de 21 jours et demander un avis d’expert pour typage.

S’il existe des signes de gonococcie active (urétrite purulente), on y associe une mise en culture sur écoulement, à visée de veille sanitaire.

Le diagnostic de la syphilis

Il s’appuie sur la sérologie (il faut juste indiquer « sérologie syphilis » sur l’ordonnance). Le laboratoire effectue d’abord un test qualitatif (test tréponémique) qui, s’il est négatif, indique que la personne n’a jamais eu de syphilis. Si le test est positif, il réalise alors des tests quantitatifs (VDRL [Venereal Disease Research Laboratory] ou RPR [Rapid Plasma Reagin]).

À côté, du dépistage prescrit sur ordonnance, un accès direct aux dépistages de 4 IST en plus du VIH (VHB, syphilis, N. gonorrhoeae, C. trachomatis) est possible sans ordonnance et sans rendez-vous, dans tous les laboratoires de biologie médicale depuis septembre 2024, dans le cadre du dispositif « Mon test IST ». La prise en charge par l'Assurance maladie est de 100 % pour les moins de 26 ans et de 60 % après cet âge.

Le dépistage des IST peut aussi être réalisé, gratuitement et anonymement, dans les Cegidd.

Depuis le 1er juillet 2025, les jeunes femmes de 18 à 25 ans inclus peuvent commander et recevoir, à domicile, un kit de dépistage par autoprélèvement vaginal des infections à C. trachomatis et à gonocoque. La commande peut être faite sur le site mon-test-ist.ameli.fr.

Cette offre, prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie, sans avance de frais, devrait être étendue aux hommes de la même tranche d'âge au cours du second semestre 2025 avec un autoprélèvement urinaire.

Quelles sont les modalités de prévention de ces trois IST bactériennes ? 

La prévention de ces trois infections est mécanique. Elle passe par l’utilisation de protections (préservatifs, digues dentaires et protection des objets sexuels partagés) qui est très efficace.

La prophylaxie postexposition par doxycycline (dans les 72 heures après un rapport à risque), qui est par exemple proposée aux États-Unis (où il n’y a pas de problème de résistance à cet antibiotique), pour prévenir les infections à gonocoques a fait l’objet de débats en France, pays à l’inverse très touché par les résistances bactériennes. Ce débat a été tranché en début d’année par la Haute Autorité de santé (HAS), qui ne recommande pas la doxycycline en prévention postexposition des IST bactériennes (TPE-Doxy), exception faite d’une petite tranche de la population très à risque d’IST [2].

Quels sont les traitements préconisés ?

Les modalités de traitement s’appuient sur les recommandations récentes de la HAS.

Infections à Chlamydia trachomatis

Le traitement des infections urogénitales non compliquées, des infections anorectales (sauf LGV) et oropharyngées à C. trachomatis se fonde en première intention sur la doxycycline 100 mg x 2 par jour pendant 7 jours, chez l’homme et la femme non enceinte [3].

Les mesures associées (photoprotection, prise pendant le repas avec un grand verre d’eau et ne pas s’allonger pendant 1 h après la prise) doivent être précisées au patient. En cas de contre-indication à l’utilisation de la doxycycline, l’azithromycine 1 g dose unique est préconisée.

Le signalement au(x) partenaire(s) au cours des 6 mois précédents, par le cas index doit être systématique. Le partenaire doit faire l’objet d’une évaluation médicale et réaliser un test d’amplification génique, qui doit conduire à un traitement en cas de positivité. Si le dernier rapport sexuel potentiellement contaminant remonte à moins de 14 jours, un traitement est proposé quel que soit le résultat de la PCR.

Infections à Neisseria gonorrhoeae

Il est nécessaire de traiter toutes les personnes qu’elles soient symptomatiques ou non. En effet, le traitement vise à accélérer la guérison, réduire le risque de complication inflammatoire et aussi de transmission aux partenaires [4].

Un traitement antibiotique est ainsi indiqué :

  • en cas de culture positive pour N. gonorrhoeae chez un sujet symptomatique ou non ;
  • en cas de positivité d’un test par amplification des acides nucléiques (TAAN) pour N. gonorrhoeae chez un sujet symptomatique ou non ;
  • chez un partenaire sexuel d’un sujet infecté.

Dans les infections urétrales, cervicales et/ou rectales non compliquées, ainsi que dans la majorité des formes pharyngées (sauf cas particuliers spécifiés dans les recommandations), le traitement fait appel à la ceftriaxone en monothérapie à la dose unique de 1 g par voie intramusculaire.

L’azithromycine ne doit plus être utilisée (sauf exception) en raison des taux élevés de résistance en France (environ 70 %).

Les rares infections invasives à N. gonorrhoeae nécessitent une prise en charge hospitalière.

La gestion des cas contacts est détaillée dans les recommandations (page 19 de la synthèse [4]).

Les rapports sexuels doivent être évités ou protégés par préservatif (ou digue dentaire) pendant une durée minimale de 7 jours après le traitement par ceftriaxone.

Un traitement contre C. trachomatis est systématiquement associé (doxycycline 100 mg x 2/jour pendant 7 jours).

Infections à Treponema pallidum

Dans les syphilis précoces (syphilis primaires, secondaires et latentes évoluant depuis moins d’un an), le traitement se fonde sur la benzathine pénicilline G (BPG), à la posologie de 2,4 M UI en intramusculaire (en une ou deux injections, en deux sites) [5].

Pour les syphilis tardives (évoluant depuis plus d’un an ou d’ancienneté inconnue), la BPG, à la posologie de 2,4 M UI en IM est administrée à raison de trois injections à une semaine d’intervalle.

En cas d’allergie aux pénicillines, un traitement par doxycycline 2 x 100 mg/j par voie orale est préconisé, pendant 14 jours dans les formes précoces et pendant 28 jours dans les formes tardives. Chez la femme enceinte, un avis allergologique est demandé pour une éventuelle induction de tolérance.

La définition temporelle des partenaires à risque nécessitant un dépistage et éventuellement un traitement de la syphilis n’est pas consensuelle dans la littérature. La HAS propose en cas de :

  • syphilis primaire : 3 derniers mois + la durée des symptômes ;
  • syphilis secondaire : de 6 mois à 2 ans ;
  • syphilis latente précoce : de 1 à 2 ans.

Il existe deux stratégies de prise en charge des partenaires de patients atteints de syphilis : la surveillance clinique et sérologique rapprochée ou le traitement systématique avant même la séroconversion.

Un test sérologique doit être systématiquement réalisé le jour du traitement, idéalement dans le même laboratoire d’analyses (même technique, même interprétation), afin d’avoir un taux de référence sur lequel se fonde le suivi de la guérison.

D’après un entretien avec le Dr Romain Salle, praticien attaché, Centre de santé sexuelle, hôpital Hôtel-Dieu, Paris.

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