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Antiépileptiques (hors valproate) et grossesse : propositions des experts pour réduire le risque d'exposition in utero

L'Agence du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié les propositions du CSST (Comité scientifique spécialisé temporaire) relatives à l'utilisation des médicaments antiépileptiques (hors valproate) chez la femme enceinte
Selon une étude dont les résultats ont été rendus public en avril dernier, 5 substances antiépileptiques présentent un risque élevé 
de malformation par rapport à la fréquence observée dans la population générale, après exposition in utero : le topiramate, le phénobarbital, la primidone, la carbamazépine et la (fos)phénytoïne.

Pour minimiser la survenue de ces effets tératogènes ou fœtotoxiques, les experts recommandent de développer 3 axes d'action : 
  • Axe information : renforcement de l'information des patientes avec la mise en place d'un carnet de suivi des patientes épileptiques, dès l'âge de 10 ans, 
  • Axe prescription médicale : évaluation régulière de la nécessité d'utiliser des antiépileptiques, par la mise en place d'une consultation annuelle obligatoire,
  • Axe dispensation : renforcement de la sécurité des antiépileptiques en soumettant leur délivrance à de nouvelles mesures, notamment pour ceux à risque malformatif augmenté confirmé.

Les experts recommandent également une harmonisation des pictogrammes de grossesse sur les boîtes, et la création d'un registre de surveillance des effets tératogènes et fœtotoxiques des antiépileptiques.  
Il revient maintenant à l'ANSM d'étudier ces propositions avant la mise en place effective de ces mesures.
David Paitraud 10 juillet 2019 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les mesures proposées par le CSST pour réduire le risque d'exposition in utero aux antiépileptiques comportent 3 axes respectivement dédiés à l’information des patients, la prescription et la dispensation (illustration).

Les mesures proposées par le CSST pour réduire le risque d'exposition in utero aux antiépileptiques comportent 3 axes respectivement dédiés à l’information des patients, la prescription et la dispensation (illustration).


Les experts du CSST (Comité scientifique spécialisé temporaire) ont remis à l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) leurs propositions de mesures visant à réduire le risque d'exposition in utero aux antiépileptiques (hors valproate, pour lequel des mesures sont déjà en place). 

Ce travail fait suite à un rapport de l'ANSM publié en avril 2019, faisant un état des lieux des niveaux de risque de malformation congénitale associé aux antiépileptiques autres que le valproate (notre article du 26 avril 2019 et Encadré 1).

 
Encadré 1 - Antiépileptiques et risques associés
Risque malformatif
  • Sur l'ensemble des antiépileptiques disponibles, le valproate est celui qui présente le risque malformatif le plus élevé (fréquence multipliée par 4 à 5). 
  • Pour le topiramate (EPITOMAX et génériques), le phénobarbital (GARDENAL) et la primidone (MYSOLINE), la fréquence est multipliée par 3. 
  • Pour la carbamazépine (TEGRETOL et génériques) et la (fos) phénytoïne (DI-HYDAN, DILANTIN, PRODILANTIN, DIPHANTOINE), cette fréquence est multipliée par 2 à 3.
  • Pour la lamotrigine (LAMICTAL et génériques), le lévétiracétam (KEPPRA et génériques, LEVIDCEN) et l'oxcarbazépine (TRILEPTAL et génériques), la fréquence globale de malformation ne semble pas augmentée.
  • Enfin, un risque malformatif potentiel est suggéré pour la prégabaline (LYRICA et génériques) et la gabapentine (NEURONTIN). D'autres risques sont suspectés pour le zonisamide (ZONEGRAN et génériques), le felbamate (TALOXA - médicament hospitalier) et la vigabatrine (SABRIL). 
Risque de troubles neurodéveloppementaux
  • Si le risque de troubles neurodéveloppementaux est avéré pour le valproate, les données restent limitées pour les autres antiépileptiques. Ce risque n'est pas exclu et doit être pris en considération pour le topiramate, la carbamazépine, le phénobarbital, la primidone et la (fos)phénytoïne.  

Renforcement de l'information : un carnet de suivi remis dès l'enfance
Une des premières mesures proposées par les experts vise le renforcement de l'information des patientes, dès l'enfance. Il s'agirait de mettre en place un carnet de suivi pour toutes les patientes épileptiques à partir de 10 ans, quel que soit le traitement.
L'objectif de ce carnet serait d'assurer :
  • l'information systématique sur les niveaux de risques de malformation et neurodéveloppementaux en cas de prise chez la femme enceinte, selon les antiépileptiques ; 
  • le suivi médical de la patiente : consultations, traitements, calendrier des crises, contraception, résultats d'examens biologiques ou médicaux, etc..

Antiépileptiques à risque avéré : réévaluation du traitement et nouvelles conditions de délivrance
Pour les 5 antiépileptiques dont l'augmentation du risque malformatif est avérée sans dose-effet établie (carbamazépine, (fos)phénytoïne, topiramate, phénobarbital et primidone), les experts recommandent des mesures complémentaires applicables dès l'âge de 10 ans : 
  • consultation annuelle obligatoire avec un spécialiste de l'épilepsie (neurologue, neuropédiatre ou pédiatre) : le spécialiste évalue la nécessité d'un recours à ces médicaments ;
  • cosignature d'un document d'information par la patiente (ou son représentant légal) et par le spécialiste de l'épilepsie consulté ;
  • délivrance du traitement conditionnée à la mention sur l'ordonnance de la date de signature du document d'information. Pour la carbamazépine, la phénytoïne et le topiramate qui peuvent être prescrits dans d'autres indications, cette mention devra également apparaître sur l'ordonnance et conditionnera la délivrance.

En association à ces recommandations, des dispositions sont émises pour assurer la continuité du traitement si toutes les conditions de délivrance ne sont pas réunies :
  • délivrance de la quantité minimale de traitement antiépileptique si l'ordonnance ne mentionne pas la signature du document d'information, afin de ne pas exposer les patientes aux risques liés à une interruption de traitement ;
  • possibilité de s'affranchir de la signature du document d'information par les patientes lorsqu'il existe des raisons indiquant qu'il n'y a aucun risque de grossesse. Seul le médecin signe alors ce document en précisant les raisons pour lesquelles la patiente ne le signe pas et mentionne sur l'ordonnance « document d'information non requis »

Un registre national surveillance des grossesses sous antiépileptiques
Les experts recommandent par ailleurs à la France de se doter d'un registre national de surveillance des grossesses sous antiépileptiques. 
L'objectif de ce registre sera de surveiller les effets tératogènes et fœtotoxiques de ces traitements, et de récupérer de nouvelles données, notamment concernant les risques de troubles neurodéveloppementaux. 

Autres mesures : pictogrammes et avis spécialisé
Par mesure de précaution, les experts recommandent de prendre un avis spécialisé pour tout projet de grossesse chez une patiente traitée par des médicaments antiépileptiques à risque malformatif potentiel ou pour lesquels la fréquence globale de malformation ne semble pas augmentée.

Enfin, il est demandé à l'ANSM : 
  • une adaptation et une harmonisation des pictogrammes "grossesse" sur les boîtes d'antiépileptiques, 
  • une mise à jour régulière du rapport sur les risques liés aux antiépileptiques et des documents d'information à l'intention des patientes. 

L'ANSM doit maintenant étudier ces propositions avant de valider leur mise en place éventuelle au niveau national. 
 
Pour aller plus loin 
Publication de l'avis du comité d'experts sur le renforcement des mesures de réduction des risques liés à l'exposition aux antiépileptiques au cours de la grossesse - Point d'Information (ANSM, 2 juillet 2019)
Relevé d'avis du CSST - Recommandations (ANSM, mai 2019)
CSST : Renforcement des mesures de réduction des risques liés à l'exposition in utero aux antiépileptiques (vidéo de la séance du 14 mai 2019) (ANSM) 

Sur VIDAL.fr
Antiépileptiques et grossesse : 5 molécules associées à un risque élevé de malformation congénitale s'ajoutent au valproate (26 avril 2019)

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