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Valproate et dérivés : des conditions de prescription et de délivrance insuffisamment respectées en 2017

Le respect des conditions de prescription et de délivrance (CPD) des médicaments à base de valproate et dérivés est très insuffisant en 2017, même s'il a progressé depuis 2016 (47 % versus 31 %).

Tels sont les résultats d'une enquête réalisée par le laboratoire Sanofi à la demande de l'Agence du médicament (ANSM) afin d'évaluer l'impact des mesures mises en place depuis 2015 pour réduire les risques liés à l'utilisation pendant la grossesse de ces médicaments antiépileptiques (DEPAKINE, DEPAKINE CHRONO, DEPAKOTE, MICROPAKINE, DEPAMIDE).

Ces mesures de sécurisation reposent sur
la présentation en pharmacie par la patiente d'un formulaire d'accord de soins co-signé avec le médecin spécialiste, associé à une ordonnance de ce spécialiste datant de moins de 1 an.

Sur la base des résultats de cette enquête (détaillés dans l'article ci-dessous), l'ANSM rappelle aux professionnels de santé l'obligation de respecter les CPD concernant les spécialités de valproate et dérivés. Ces mesures doivent permettre de réduire l'exposition foetale à ces substances. 

Une nouvelle enquête est annoncée pour 2018.
David Paitraud 25 octobre 2017 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les risques de malformation et de troubles neuro-développementaux sont importants pour les enfants exposés pendant la grossesse au valproate et dérivés (illustration).

Les risques de malformation et de troubles neuro-développementaux sont importants pour les enfants exposés pendant la grossesse au valproate et dérivés (illustration).


Des conditions de prescription et de délivrance de plus en plus strictes depuis 2015
Depuis 2015, des mesures pour encadrer la prescription et la dispensation des spécialités de valproate et dérivés (Cf. Encadré 1) ont été mises en place par l'Agence de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) [notre article du 27 mai 2015]. 

 
Encadré 1 - Spécialités de valproate et dérivés disponibles en France

Ces mesures ont été décidées suite à la publication des résultats d'une revue de plusieurs études(1-9) ayant mis en évidence des risques importants de malformation et de troubles neuro-développementaux pour les enfants exposés pendant la grossesse (notre article du 11 décembre 2014).

En pratique, elles consistent en :
  • une prescription initiale annuelle réservée, selon les indications de la spécialité, aux spécialistes en neurologie, pédiatrie ou psychiatrie. L'ordonnance de l'un de ces spécialistes datant de moins de 1 an est à présenter à chaque délivrance
  • le recueil préalable de l'accord de soins de la patiente sur un formulaire co-signé avec le médecin spécialiste permet de formaliser les informations délivrées sur les risques associés à la prise de ce traitement. Il doit être présenté au pharmacien à chaque délivrance
 
En février 2017, la remise d'une carte patiente est devenue systématique lors de la prescription d'un de ces médicaments (notre article du 15 février 2017).

En outre, depuis le 1er mars 2017, un pictogramme est apposé sur les conditionnements des spécialités de valproate et dérivés pour avertir les femmes en âge de procréer et les femmes enceintes des dangers encourus (notre article du 6 mars 2017).

Enfin, depuis le 7 juillet 2017, les spécialités DEPAKOTE et DEPAMIDE, seules spécialités à base de valproate indiquées dans le traitement des épisodes maniaques des troubles bipolaires, sont contre-indiquées chez les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer sans contraception efficace (notre article du 6 juillet 2017).
 
Une enquête pour "s'assurer de la bonne application de ces CPD"
A la demande de l'ANSM et en collaboration avec l'Ordre des pharmaciens, le laboratoire Sanofi a réalisé une enquête auprès des pharmaciens d'officine ; l'objectif était de "s'assurer de la bonne application de ces conditions de prescription et de délivrance (CPD)".


L'enquête a été réalisée en 2016 puis en 2017, sur des périodes équivalentes :
- 3 mois en 2016, d'avril à juin ;
- 4 mois en 2017, d'avril à juillet. 
Au total, 222 puis 249 pharmacies métropolitaines ont participé à l'enquête respectivement en 2016 et en 2017. 
 
  • Profil des patientes étudiées
Le recueil des informations a concerné des patientes âgées de 2 à 49 ans (filles, adolescentes et femmes en âge de procréer), se présentant pour la délivrance d'un médicament contenant du valproate ou dérivé.

En 2017, 1 018 fiches patientes ont été analysées, dont une majorité correspondaient à des femmes dont l'âge était compris entre 13 et 49 ans (93 % en 2016, 94 % en 2017).

 
  • Caractéristiques des délivrances
Les spécialités délivrées étaient indiquées dans l'épilepsie dans 53 % des cas en 2017 et 57 % en 2016, et dans les troubles bipolaires dans 47 % et 43 % respectivement en 2017 et en 2016.

En 2017 comme en 2016, il s'agissait d'initiations de traitement pour 5 % des délivrances, et de renouvellements de traitement pour 95 %.

A noter que chez les moins de 13 ans, les délivrances ont concerné uniquement des spécialités indiquées dans l'épilepsie.
 
  • Profil des prescripteurs
Dans les cas d'initiation de traitement, le prescripteur était principalement un spécialiste, psychiatre ou neurologue, en 2017 comme en 2016 ; le médecin généraliste avait pour sa part initié un traitement dans 16 % des cas, contre 5 % en 2016 (Cf. Tableau I).
 
Tableau I - Profil des prescripteurs
Données 2017 (2016) en % Médecin généraliste Psychiatre Neurologue Pédiatre
Prescriptions 45 % (45 %) 30 % (30 %) 20 % (17 %) 4 % (5 %)
Initiations de traitement (50 fiches au total) 16 % (5 %) 41 % (44 %) 33 % (31 %) 8 % (16 %)
Renouvellement 46 % (47 %) 29 % (30 %) 19 % (16 %) _

En cas de renouvellement, la prescription était réalisée en premier lieu par un médecin généraliste

Des CPD mieux respectées, mais encore insuffisamment
L'enquête montre que le niveau global de respect des conditions de prescription et délivrance (CPD), c'est-à-dire la présentation d'un formulaire d'accord de soins et d'une ordonnance d'un spécialiste datant de moins de 1 an, a progressé en 2017, par rapport à 2016.
Il est passé de 31 % en 2016 à 47 % en 2017.  
Cependant, l'ANSM juge ce taux encore insuffisant, puisqu'il concerne moins d'une patiente sur 2.


Les CPD étaient un peu mieux respectées lors de l'initiation du traitement (54 %, versus 45% en 2016) que lors de son renouvellement (47 %, versus 30 % en 2016). 

Présentation du formulaire d'accord de soins : 1 dispensation sur 2
Si on détaille les CPD, on constate que :
  • la présentation de l'ordonnance d'un spécialiste datant de moins d'un an est majoritairement bien respectée : elle est présentée dans 81 % des cas de prescription en 2017 (75 % en 2016) ;
  • en revanche, le formulaire d'accord de soins n'est présenté que pour 50 % des dispensations en 2017 (33 % en 2016). Autrement dit, une patiente sur 2 présente le formulaire d'accord de soins lors de la dispensation.

Un respect dépendant du prescripteur et de l'âge des patientes
Les résultats en termes de respect des CPD sont variables selon le prescripteur.
Ainsi, le meilleur niveau de respect des CPD est observé avec les neurologues ; il est de 67 % en 2017 (50 % en 2016).
Ce taux baisse à 42 % quand le prescripteur est un psychiatre (36 % en 2016) ou un médecin généraliste (22 % en 2016).

Par ailleurs, l'âge de la patiente intervient également : d
ans la catégorie des moins de 12 ans, le respect des CPD était seulement de 28 % (versus 13 % en 2016), alors qu'il concerne 1 cas sur 2 dans la tranche d'âge 13 - 49 ans (49 % en 2017).

Un meilleur respect des CPD pour les spécialités contre l'épilepsie 
L'enquête montre également que
les CPD sont mieux respectées lorsqu'il s'agit de spécialités indiquées dans l'épilepsie (51 % en 2017 versus 31 % en 2016) ; le niveau de respect descend à 43 % pour les spécialités indiquées dans les troubles bipolaires (versus 30 % en 2016) ;

Le respect des CPD est par ailleurs inégal selon la région géographique de délivrance (contrairement à ce qui était observé en 2016) : le taux de respect des CPD apparaît particulièrement faible en Ile de France (39 %)  alors qu'il est élevé dans le Sud-Ouest (59 %). 

En cas de non respect des CPD : le pharmaciens délivrent malgré tout 
En cas de non-respect des CPD, seul 1 pharmacien sur 4 a contacté le médecin prescripteur. Là encore, on peut différencier les situations d'initiation de traitement et de renouvellement ; les pharmaciens contactent davantage le prescripteur en cas de problème lors d'une initiation (60 %) qu'en cas de renouvellement (23 %). 

Dans la majorité des cas, la dispensation du traitement a quand même été réalisée, notamment pour éviter une interruption brutale de traitement (60 % des motifs de dispensation).
Dans 20 % des cas, le pharmacien avait obtenu la confirmation de la prescription par le médecin contacté.


Enfin, dans la majorité des cas, les pharmaciens se sont assurés que la patiente connaissait et comprenait les risques du traitement (88 %), et connaissait son obligation de consulter un spécialiste habilité au moins une fois par an (86 %). 

La carte patiente, mise en place en février 2017, a été remise dans 56 % des cas (64 % en cas d'initiation et 55 % en cas de renouvellement).

Prochaine évaluation en 2018
Cette enquête est un état des lieux quant au respect des CPD des spécialités de valproate et dérivés en 2016 et en 2017. 
Bien que ces mesures soient mieux respectées, le taux d'application apparaît encore insuffisant et des efforts restent à faire.
L'ANSM rappelle que la mise en oeuvre de ces CPD par les professionnels de santé est obligatoire
Une nouvelle enquête est prévue en 2018.

Pour aller plus loin
Médicaments contenant du valproate : le niveau d'application des conditions de prescription et de délivrance est insuffisant - Communiqué (20 octobre 2017)
Evaluation auprès des pharmaciens d'officine des mesures de minimisation du risque consistant en des nouvelles conditions de prescription et de délivrance (CPD) du valproate : enquête réalisée par Sanofi Aventis France (Avril-Juillet 2017) - Synthèse ANSM (20 octobre 2017)

Formulaire d'accord de soins pour  DEPAKINE, DEPAKINE CHRONO, MICROPAKINE ET GENERIQUES A BASE DE VALPROATE DE SODIUM (sur le site de l'ANSM)
Formulaire d'accord de soins pour DEPAKOTE et DEPAMIDE dans l'EPISODE MANIAQUE DU TROUBLE BIPOLAIRE (sur le site de l'ANSM)

Les études
  1. Meador K, Reynolds MW, Crean S, et al. Pregnancy outcomes in women with epilepsy: a systematic review and meta-analysis of published pregnancy registries and cohorts. Epilepsy Res 2008;81(1):1-13
  2. Meador KJ, Penovich P, Baker GA, et al. Antiepileptic drug use in women of childbearing age. Epilepsy Behav 2009;15(3):339-43
  3. Bromley RL, Mawer G, Clayton-Smith J, et al. Autism spectrum disorders following in utero exposure to antiepileptic drugs. Neurology 2008;71(23):1923-4
  4. Cummings C, Stewart M, Stevenson M, et al. Neurodevelopment of children exposed in utero to lamotrigine, sodium valproate and carbamazepine. Arch Dis Child 2011 July;96(7):643-7
  5. Thomas SV, Ajaykumar B, Sindhu K, et al. Motor and mental development of infants exposed to antiepileptic drugs in utero. Epilepsy Behav 2008 Jul;13(1):229-36
  6. Christensen J, Grønborg TK, Sørensen MJ, et al. Prenatal valproate exposure and risk of autism spectrum disorders and childhood autism. JAMA 2013 Apr 24;309(16):1696-1703.
  7. Cohen MJ, Meador KJ, Browning N, et al. Fetal antiepileptic drug exposure: Adaptive and emotional/behavioral functioning at age 6years. Epilepsy Behav 2013;29(2):308-15
  8. Cohen MJ, Meador KJ, Browning N, et al. Fetal antiepileptic drug exposure: motor, adaptive, and emotional/behavioral functioning at age 3 years. Epilepsy Behav 2011 Oct;22(2):240-6
  9. Meador KJ, Baker GA, Browning N, et al. Fetal antiepileptic drug exposure and cognitive outcomes at age 6 years (NEAD study): a prospective observational study. Lancet Neurol 2013;12(3):244-52

Sur VIDAL.fr
Valproate et dérivés : une carte patiente à remettre systématiquement (15 février 2017)
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Valproate et grossesse : un risque de malformations congénitales majeures 2 à 4 fois supérieur (24 avril 2017) Grossesse : les boîtes de médicaments à risque arborent le pictogramme "femmes enceintes" (16 octobre 2017)

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