Endométriose : les douleurs peuvent être sévères et impacter la qualité de vie.Prostock-Studio / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
L'endométriose, maladie inflammatoire chronique œstrogéno-dépendante, touche environ 10 % des femmes en âge de procréer avec un délai diagnostique moyen de 7 ans.
Cette pathologie systémique implique des mécanismes hormonaux, génétiques et inflammatoires. Elle semble être associée à un risque cardiovasculaire accru et à certaines maladies auto-immunes.
On distingue plusieurs formes : superficielle (péritonéale), ovarienne (endométriomes), profonde (infiltrante) et extra-pelvienne (rare). L'adénomyose y est fréquemment associée.
Le diagnostic est orienté par la règle des « 6D » : dysménorrhées, dyspareunie, douleurs à la défécation, douleurs à la miction, douleurs pelviennes chroniques et difficulté à concevoir.
L'échographie endovaginale est l'examen de première intention, complétée si nécessaire par l'IRM pelvienne. Le test salivaire fait encore l’objet d’expérimentation (2025).
Des filières de soins dédiées se développent en France, avec des centres experts pour avis et pour les cas complexes. En particulier, un avis spécialisé est recommandé en cas d'atteinte urinaire/digestive, douleurs persistantes ou endométriomes bilatéraux.
Le but du traitement hormonal (œstroprogestatifs ou progestatifs en première intention) est de réduire les symptômes douloureux. La prescription d’antalgiques est également utile, complétée par des approches non médicamenteuses. La chirurgie est réservée aux échecs thérapeutiques ou complications.
L'endométriose n'implique pas systématiquement une infertilité, mais 30 % des patientes consultent pour ce motif. En cas d’infertilité et d’endométriose, le couple est adressé dans un centre de procréation médicalement assistée (PMA) le plus souvent.
L'endométriose est une maladie inflammatoire chronique définie par la présence de tissu semblable à l'endomètre à l'extérieur de l'utérus. La formation et la croissance de ce tissu endométriosique dépendent des œstrogènes, c'est pourquoi on le trouve principalement chez les femmes en âge de procréer, bien que les conséquences cliniques de l'endométriose et sa prise en charge puissent se prolonger après la ménopause.
VIDAL. Quelle est la fréquence de l’endométriose et quel est le délai diagnostique ?
Dr Justine Hugon-Rodin. La prévalence exacte de l'endométriose est inconnue, elle est estimée autour de 10 % dans la population féminine générale.
Le délai diagnostique, qui est en moyenne de 7 ans, dépend des symptômes et peut atteindre 10 ans notamment pour l’endométriose péritonéale superficielle.
Quels sont les facteurs de risque et les comorbidités ?
Les variations des hormones (stéroïdes sexuels) sont considérées comme les principaux facteurs pathogéniques de l’endométriose en contribuant à l'implantation, à la prolifération et à l'invasion du péritoine pelvien par des cellules endométriales ectopiques.
Des facteurs de risque et des mécanismes génétiques et épigénétiques sont également décrits sans qu’un gène précis soit identifié.
L'endométriose est de plus en plus reconnue comme une affection systémique impliquant des interactions endocrino-immunitaires et l’inflammation.
Il semblerait que l’inflammation générée par l’endométriose soit associée à un risque cardiovasculaire augmenté : infarctus du myocarde, AVC ischémique, mais également hypertension artérielle.
Par ailleurs, des comorbidités auto-immunes peuvent concerner les patientes atteintes d'endométriose. En particulier, on observe une association accrue avec des maladies auto-immunes telles que : la maladie cœliaque, les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), les troubles thyroïdiens et les maladies auto-immunes systémiques. Cependant, la relation entre l'endométriose et les maladies auto-immunes reste encore mal comprise.
Concernant la ménopause, les femmes ayant une endométriose sont ménopausées plus tôt de façon statistiquement significative en raison principalement des chirurgies et notamment des annexectomies éventuellement réalisées.
L’endométriose est également associée à un risque accru (mais globalement faible) de certains sous types de cancers ovariens. Il faut être plus particulièrement vigilant en cas d’endométriomes, en particulier à la ménopause.
Quels sont les différents phénotypes de cette maladie ?
Il existe différentes formes d’endométriose :
- superficielle : lésions à la surface des organes pelviens (surface du péritoine), pas toujours visible à l’imagerie ;
- ovarienne : kystes ovariens appelés endométriomes (forme la plus fréquente) ;
- profonde : lésions sous péritonéales qui peuvent infiltrer les organes environnants, les ligaments utéro-sacrés notamment ou le torus* ;
- extra-pelviennes (rares) avec notamment des atteintes thoraciques.
Une adénomyose, qui est caractérisée par la présence de tissu endométrial dans le muscle utérin (myomètre), diffuse ou focale, est fréquemment associée.
Il n’y a pas de corrélation entre le phénotype et les symptômes.
*Partie postérieure de l'utérus à la jonction du col et du corps utérin où se rejoignent les deux ligaments utéro-sacrés.
Devant quels signes cliniques suspecter une endométriose ? Quid de l’utilité des scores diagnostiques ?
L'endométriose peut être suspectée devant un cortège très varié de symptômes qui peuvent toucher l’ensemble des organes du pelvis [1]. Il est classique d’en résumer les principaux par la règle des « 6D » : dysménorrhées (symptôme le plus fréquent), dyspareunie, douleurs à la défécation, douleurs à la miction, douleurs pelviennes chroniques et également une difficulté à concevoir (infertilité).
Toute dysménorrhée doit faire rechercher les autres symptômes.
Plusieurs scores diagnostiques ont été développés ou sont en cours de développement, mais aucun n’est validé. Ces scores reposent globalement sur la règle des 6D et la recherche de comorbidités comme une pathologie auto-immune. L’anamnèse et l’écoute de la patiente sont centrales.
Devant des symptômes pelviens douloureux, le score de convergence PP est utilisé pour évaluer la sensibilisation pelvienne, qui peut être associée à l’endométriose [2].
D’autres symptômes accompagnent possiblement les douleurs. Les femmes ayant une endométriose peuvent décrire une altération de leur qualité de vie, une fatigue chronique, de l’anxiété et un syndrome dépressif.
Globalement, devant toute dysménorrhée se répétant sur plusieurs cycles et altérant la qualité de vie de la patiente, un interrogatoire, un examen clinique et une imagerie pelvienne doivent être réalisées pour rechercher une cause, notamment une endométriose. Une stratégie thérapeutique doit également être proposée pour soulager la femme.
Quels examens complémentaires de première ligne ?
L’échographie endovaginale est recommandée en examen de première intention pour le diagnostic des lésions endométriosiques annexielles ou profondes (Grade A) [3]. L’échographie endovaginale ne permet cependant pas d’exclure la présence d’endométriose superficielle (Grade B). Si l’échographie endovaginale n’est pas réalisable, l’IRM pelvienne est recommandée en première intention (Grade A).
En cas d’échographie endovaginale négative ou douteuse après échec du traitement médical, l’IRM pelvienne à visée diagnostique est recommandée en seconde intention pour le diagnostic d’endométriose [3].
Dans tous les cas, devant des douleurs pelviennes, une imagerie est importante à réaliser pour éliminer d’autres pathologies ainsi que des lésions d’endométriose nécessitant une prise en charge thérapeutique rapide (compression urétérale, endométriome volumineux…).
Quelle place pour le test salivaire ?
Le test pour le diagnostic de l'endométriose s'appuie sur le séquençage de nouvelle génération et l’intelligence artificielle. Il permettrait d’identifier la maladie à partir d’un simple échantillon de salive et pourrait ainsi réduire le délai du diagnostic. Les résultats finaux de l’étude de validation de ce dispositif ont été publiés dans le NEJM Evidence du 28 octobre 2025 (cf. notre article du 12 novembre 2025).
En 2025, ce test salivaire est disponible uniquement dans le cadre d’un essai clinique (recherche) avec prise en charge, pour 25 000 patientes, selon les modalités d’un forfait innovation pour une durée de 3 ans (à partir de février 2025) (cf. notre article du 13 février 2025). Au sein de la stratégie actuelle, cet examen se situerait en troisième intention, après la clinique, l'imagerie de première et de deuxième intentions, et préalablement à toute cœlioscopie. À l’issue de l’essai clinique, la Haute Autorité de santé (HAS) évaluera l'intérêt d'un remboursement pérenne et élargi de ce test salivaire.
À partir de quel moment demander un avis spécialisé ? Quid des centres experts « endométriose » ?
Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose (février 2022) visant à mieux prendre en charge la maladie sur les territoires, des filières de soins réservées à l’endométriose se mettent en place en France en collaboration avec les agences régionales de santé. Une dizaine d’entre elles sont déjà en exercice (cf. Encadré).
De manière générale, un avis d’expert est le plus souvent nécessaire chez une patiente ayant :
- une atteinte urinaire ou digestive ;
- des douleurs persistantes (résistantes aux traitements hormonaux ou antalgiques) ;
- des endométriomes bilatéraux.
Il ne faut pas hésiter à solliciter les centres experts et à demander un avis ponctuel. La patiente sera ensuite orientée si nécessaire.
Quel est le traitement médical chez une femme sans désir de grossesse ?
Un traitement hormonal destiné à diminuer (voire à supprimer) les règles est prescrit. Les traitements hormonaux de première intention sont les contraceptifs œstroprogestatifs en discontinu, ou en continu si nécessaire, ou des progestatifs (par voie orale ou système intra-utérin). Ce traitement est principalement symptomatique et non curatif, même si certaines lésions peuvent régresser. Il a pour objectif d’améliorer les symptômes douloureux. Il peut aussi permettre de stabiliser les lésions, voire de diminuer leurs volumes. Selon les délais de rendez-vous, le traitement hormonal peut être débuté avant l’imagerie.
Les traitements antalgiques médicamenteux sont utiles avec, en 1re ligne, les anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Les principales thérapies non médicamenteuses sont la kinésithérapie, l’ostéopathie, et la stimulation électrique transcutanée (TENS). Il est également possible de proposer aux patientes douloureuses : l’activité physique adaptée, les thérapies cognitivocomportementales, l’acupuncture, le yoga…
Dans quels cas une chirurgie peut-elle être indiquée ?
Une chirurgie peut être indiquée en cas d’échec des traitements médicamenteux ou complémentaires avec persistance de symptômes invalidants ou s’il existe une endométriose avec retentissement sur le système urinaire ou digestif par exemple.
Quelles stratégies en cas de désir de grossesse ?
L’endométriose n’est pas synonyme d’infertilité. On estime que 30 % des femmes atteintes d’endométriose consulteront pour infertilité. Par ailleurs, la prévalence de l'endométriose est de l’ordre de 30-50 % chez les femmes infertiles.
En cas d’endométriose ovarienne notamment bilatérale, sans désir de grossesse, il est recommandé de discuter avec les patientes de la balance bénéfices risques d’une préservation de la fertilité (conservation ovocytaire). Chez les femmes ayant une endométriose non ovarienne, l’indication d’une préservation de la fertilité est plus discutable.
En cas de désir de grossesse avec infertilité (rapports sexuels réguliers non protégés depuis au moins 6 mois), le couple est orienté vers un centre de procréation médicalement assistée (PMA) pour réaliser un bilan du couple à la recherche d’autres causes d’infertilité (étiologie mixte) et adapter la prise en charge (insémination intra utérine, fécondation in vitro).
L’endométriose peut-elle donner lieu à une ALD ?
L’endométriose peut donner lieu à une ALD dite « hors liste », l’ALD 31 qui nécessite des soins prolongés et coûteux. La demande est faite par le médecin traitant.
L’ALD permet une exonération du ticket modérateur. Pour être éligible, il faut cocher trois critères bien spécifiques :
- souffrir d’une pathologie chronique invalidante ;
- avoir un traitement prévu pendant au moins 6 mois ;
- avoir des soins médicaux prévus (hospitalisation, analyse de sang ou urine, kinésithérapie, etc.).
Quelles ressources proposer aux patientes ? Quelles associations de patientes recommander ?
Les deux associations de patientes, agréées par le ministère de la Santé, sont endomind et endofrance. Elles sont représentées sur tout le territoire et peuvent être une aide grâce à leurs bénévoles et leurs actions locales.
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Les filières de soins réservées à l’endométriose fonctionnent sur le modèle d’une association. Elles incluent tous les niveaux de prise en charge, depuis la médecine scolaire et les médecins de ville qui suivent régulièrement les patientes, jusqu’aux centres experts. Chaque soignant adhérent signe une charte d’adhésion à la filière. Les missions des filières sont d’informer et de sensibiliser le grand public, d'identifier et de former les professionnels de santé, d'orienter les patientes selon la gradation des soins et de promouvoir la recherche. Les centres experts prennent en charge les cas complexes (des réunions de concertation pluridisciplinaire sont organisées) et l'infertilité en collaboration avec des centres d''assistance médicale à la procréation (AMP). Ils mènent aussi des actions de formation pour les soignants, ainsi que des projets de recherche. Les modalités d'adressage dépendent des centres experts (formulaire en ligne par exemple). Chaque centre a ses propres modalités de contact et de fonctionnement. Les professionnels de santé, et en particulier les médecins, peuvent ainsi contacter la filière de leur région pour orienter leurs patientes et avoir des informations sur le parcours de soins. |
[1] Recommandations ESHRE 2022 : guideline endometriosis. Information for women with endometriosis.
[2] Fritel X et al. Clinical practice guidelines for pelvic pain associated with endometriosis. A consensus-based approach by CNGOF & Convergences PP. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie, novembre 2025 ; 53 : 11 : 536-547. doi.org/10.1016/j.gofs.2025.06.003
[3] Recommandation : Actualisation de la place des différents examens d’imagerie pour le diagnostic d’endométriose (HAS, 15 mai 2025)
- VIDAL Interview par VIDAL
11 minutes
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