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Troubles du comportement alimentaire : confirmation du diagnostic et prise en charge

Après exclusion d’un danger vital immédiat, qui nécessite une hospitalisation, le praticien de premier recours, médecin généraliste ou psychiatre libéral, peut confirmer le diagnostic de troubles du comportement alimentaire et structurer une prise en charge pluridisciplinaire.

Isabelle Hoppenot
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Anorexie mentale : un taux de mortalité jusqu’à 10 % dans certaines études avec un suivi prolongé.

Anorexie mentale : un taux de mortalité jusqu’à 10 % dans certaines études avec un suivi prolongé.KatarzynaBialasiewicz / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

En cas de repérage de signes orientant vers un trouble du comportement alimentaire (TCA) (cf. notre article du 9 octobre 2025 « Troubles du comportement alimentaire : dépister tôt » - Partie 1), et après avoir recherché des critères de gravité nécessitant une hospitalisation en urgence, le praticien de premier recours, médecin généraliste ou psychiatre, doit établir un programme de soins pluridisciplinaire à l’aide de plusieurs figures professionnelles, comme un psychiatre spécialisé ou un.e. diététicien.ne. 

Après confirmation du diagnostic, en se fondant sur les critères du DSM-5, il est important d’informer le patient sur son trouble et rechercher une alliance thérapeutique.

Une relation de qualité avec l’entourage est souvent précieuse pour aider le patient.

Lorsque les éléments cliniques orientant vers un trouble du comportement alimentaire (TCA), le praticien de premier recours doit avant tout rechercher des signes de gravité immédiate imposant une hospitalisation.

Quels sont les critères d’hospitalisation ?

Dans ses recommandations sur la prise en charge de l’anorexie mentale, qui datent de 2010, la Haute Autorité de santé (HAS) dresse la liste des critères imposant une hospitalisation en urgence [1] :

  • des critères anamnestiques :
    • perte de poids rapide de plus de 2 kg/semaine,
    • un refus de manger ou de boire,
    • des lipothymies ou malaises d’allure orthostatique,
    • une fatigabilité, voire un épuisement évoqué par le patient ;
  • des critères cliniques :
    • indice de masse corporelle (IMC) :
      • < 14 kg/m2 au-delà de 17 ans,
      • < 13,2 kg/m2 à 15 et 16 ans,
      • < 12,7 kg/m2 à 13 et 14 ans),
    • ralentissement idéique et verbal,
    • confusion,
    • syndrome occlusif,
    • bradycardie extrême :
      • < 40 pulsations/min quel que soit le moment de la journée,
      • tachycardie, pression artérielle systolique basse (< 80 mmHg),
      • hypo ou hyperthermie ;
  • des critères paracliniques :
    • acétonurie,
    • hypoglycémie < 0,6 g/L,
    • troubles hydroélectrolytiques ou métaboliques sévères (en particulier hypokaliémie),
    • élévation de la créatinine,
    • cytolyse,
    • leuconeutropénie et thrombopénie ;
  • des critères psychiatriques :
    • au premier plan : le risque suicidaire : tentative de suicide réalisée ou avortée, plan suicidaire précis, automutilations répétées.

« L’anorexie mentale est la maladie psychiatrique qui engendre le taux de mortalité le plus élevé, jusqu’à 10 % dans les études comportant un suivi de plus de 10 ans », précise la HAS. En fonction du danger encouru, le patient sera adressé dans un centre d’accueil d’urgences psychiatriques (en cas, par exemple, de risque suicidaire), ou dans un service d’accueil des urgences (si l’urgence est de corriger les désordres métaboliques pouvant mettre en jeu le pronostic vital) [2].

Quels sont les critères diagnostiques des trois grands types de TCA ?

En l’absence de critères de gravité immédiate, les premières consultations visent à confirmer le diagnostic, informer la patiente sur son trouble et rechercher une alliance thérapeutique. La confirmation du diagnostic, par le médecin généraliste ou le psychiatre, se fonde sur les critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5).

L'anorexie mentale

Pour l’anorexie mentale (AM), trois grands critères diagnostiques sont retenus :

  • la restriction alimentaire, conduisant à un poids corporel significativement bas en fonction de l’âge, du sexe, de la trajectoire développementale ainsi que de la santé physique ;
  • une peur intense de prendre du poids ou de devenir grosse, ou des comportements persistants allant à l’encontre de la prise de poids, alors qu’il est significativement bas ;
  • une altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, une influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou un manque persistant de reconnaître la gravité relative à la maigreur actuelle.

La classification reconnaît deux sous-types d’anorexie mentale :

  • le type restrictif : pendant l’épisode d’AM ou sur les 3 derniers mois, la personne n’a pas, de manière régulière, présenté de crises de boulimie, ni recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements). La perte de poids est le seul fait d’une insuffisance d’apports éventuellement assortie d’une dépense énergétique augmentée par une pratique d’exercice physique excessif ;
  • avec crises de boulimie/conduites de purge : pendant l’épisode actuel d’AM ou sur les 3 derniers mois, le sujet a, de manière régulière, présenté des crises de boulimie et/ou recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs.

La boulimie

La boulimie est définie par la survenue, avec une fréquence moyenne d’au moins 1 fois par semaine durant au moins 3 mois :

  • d’un épisode d’hyperphagie incontrôlée :
    • absorptions alimentaires largement supérieures à la moyenne et en peu de temps (< 1 h),
    • associées à une impression de perdre le contrôle des quantités ingérées ou de la possibilité de s’arrêter ;
  • la mise en œuvre de comportements compensatoires visant à éviter la prise de poids :
    • vomissements provoqués,
    • prises de laxatifs ou de diurétiques,
    • jeûnes,
    • exercice excessif.

L’estime de soi est très fortement altérée et perturbée de manière excessive par la forme du corps et le poids. Ce trouble ne survient pas exclusivement au cours d’une période d’anorexie.

L’hyperphagie boulimique

Les critères définissant l’hyperphagie boulimique sont :

  • la survenue d’épisodes récurrents d’hyperphagie incontrôlée (prises alimentaires largement supérieures à la moyenne au moins 1 fois par semaine pendant au moins 3 mois consécutifs) ;
  • associés à 3 ou plus des caractéristiques suivantes concernant la prise alimentaire :
    • se déroulant sur un intervalle de temps court,
    • non induite par une sensation physique de faim,
    • allant jusqu’à un inconfort abdominal marqué,
    • isolée, en lien avec la honte des quantités ingérées,
    • et associée à un dégoût, de la déprime, de la culpabilité.

L’hyperphagie boulimique est associée à une détresse psychologique, mais sans comportements compensatoires.

La bigorexie et l’orthorexie sont-elles des TCA ?

Il s’agit d’un sujet débattu sans réponse tranchée pour l’instant.

La bigorexie

La bigorexie (ou exercice physique compulsif, ou addiction à l'exercice physique) présente les caractéristiques d'une addiction comportementale tout en n’étant pas reconnue comme entité nosologique. Dans cette condition, l'exercice physique est au premier plan. Le besoin d’en pratiquer prime sur toutes les autres dimensions de la vie. La personne qui en souffre a besoin d’une quantité de plus en plus importante de sport (phénomène de tolérance) et peut présenter des signes de sevrage psychologique en cas d'arrêt brutal (irritabilité, anxiété). Si initialement, les effets positifs (même neurochimiques) procurés par l’activité physique jouent un rôle dans la survenue de la bigorexie, des éléments de compulsivité avec perte de contrôle peuvent prendre le dessus par la suite. La pratique de l’exercice physique devient alors indispensable pour se soustraire aux conséquences désagréables liées à son arrêt.

L'orthorexie

L'orthorexie, qui elle non plus n’est pas officiellement reconnue comme un TCA, est une obsession pathologique pour une alimentation considérée comme saine. Il s’agit d’un trouble centré sur la qualité des aliments, avec fréquemment la sélection d'aliments non transformés, non traités et l’élimination de certains aliments, comme les lipides ou ceux contenant du gluten, par exemple. Il peut conduire au suivi de régimes très restrictifs, pouvant induire des carences et avoir des conséquences psychosociales. Parmi les groupes à risque : les personnes suivant une alimentation exclusive (par exemple, les régimes végétariens/végans, d’où l'importance d'un suivi diététique lors de l’adoption de tels régimes) et les sportifs.

Quelles sont les grandes lignes de la prise en charge ?

Lorsque le diagnostic de TCA est confirmé, en l’absence de signes de gravité immédiate, le médecin de premier recours, selon son expertise à établir une alliance thérapeutique, peut se positionner en médecin coordinateur des différents intervenants ou orienter le patient vers un confrère pour une prise en charge spécifique [1, 3].

La prise en charge est toujours multidisciplinaire, assurée par une équipe d’au moins deux soignants :

  • un psychiatre ou pédopsychiatre ou psychologue du fait de la souffrance psychique et des fréquentes comorbidités psychiatriques ;
  • et un médecin somaticien, qui peut être le médecin de premier recours (médecin généraliste ou pédiatre).

Le dialogue avec le patient est essentiel. Il est recommandé de nommer la maladie avec tact, sans stigmatiser, d’informer d’emblée sur le risque de chronicisation, avec des conséquences potentiellement graves à court et long terme et d’expliquer l’objectif des soins (reprise du poids et guérison plus large dans ses dimensions psychologiques, sociale et relationnelle).

Le déni des troubles est fréquent et une relation de qualité avec l’entourage est souvent essentielle à l’établissement d’une alliance thérapeutique.

Quelles sont les associations qui peuvent être utiles au patient et son entourage ?

La Fédération française anorexie boulimie (FFAB) est la société savante de référence dans le champ des TCA [2]. Elle regroupe la plupart des spécialistes du dépistage, du diagnostic, de la prise en charge, du traitement et de la recherche sur les TCA, ainsi que des représentants des fédérations et associations de familles et d'usagers.

Elle propose notamment un annuaire des structures d’accueil TCA et une ligne d’écoute téléphonique « Anorexie boulimie info écoute », où des spécialistes des TCA sont joignables de 16 h à 18 h, quatre jours par semaine et répondent anonymement aux questions (09 69 325 900).

D'après un entretien avec le Dr Laura di Lodovico, praticienne hospitalière universitaire, clinique des Maladies mentales et de l'Encéphale, université Paris Cité, IPNP.

Sources

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