
La bave de l'escargot géant africain (Achatina fulica) peut transmettre l'angiostrongylose humaine.Викентий Елизаров / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a actualisé ses recommandations sanitaires aux voyageurs, essentielles pour les professionnels de santé comme pour les voyageurs.
Deux vaccins contre le chikungunya sont désormais disponibles, avec des indications spécifiques selon l’âge et les comorbidités.
Les indications de la vaccination contre la dengue avec QDENGA sont précisées via un logigramme, notamment en fonction des antécédents personnels.
Des flambées de choléra persistent, mais la vaccination reste ciblée.
Devant la réémergence du virus Mpox (clade Ib), la vaccination est élargie à certains voyageurs.
Le schéma de vaccination antirabique préexposition est simplifié.
Le risque de rougeole justifie une vérification vaccinale renforcée.
L’arbovirus Oropouche s’étend aux Caraïbes où la protection contre les insectes reste essentielle.
Enfin, l’angiostrongylose humaine appelle à une vigilance alimentaire accrue dans les pays où elle sévit.
Fin juin 2025, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a publié la mise à jour annuelle complète de ses recommandations sanitaires à destination des voyageurs [1], anciennement «
Chikungunya : deux vaccins désormais disponibles
Deux vaccins contre le chikungunya ont obtenu une autorisation de mise sur le marché européenne
- le premier (IXCHIQ) est un vaccin vivant atténué, utilisé en réponse à l’épidémie qui a sévi à La Réunion au printemps 2025 (plus de 51
- le second (VIMKUNYA), commercialisé en France, est un vaccin non vivant (pseudoparticules virales adjuvantées) ayant montré un bon profil de tolérance dans les études cliniques. L’absence de données complémentaires d’efficacité et de sécurité, notamment chez les personnes les plus vulnérables face au virus (adultes de 65 ans et plus, femmes enceintes, nouveau-nés) a amené la Haute Autorité de santé (HAS) à ne pas se prononcer sur son usage (cf. notre article du 18 juin 2025). Néanmoins, le HCSP le recommande pour les voyageurs de moins de 65 ans avec comorbidités se rendant dans les zones de circulation du virus, et il est à envisager chez les moins de 65 ans sans comorbidités et chez les plus de 65 ans voyageant dans ces zones.
Choléra : poursuite de la recrudescence des flambées épidémiques
Si le choléra a récemment connu plusieurs flambées épidémiques à l’échelle mondiale (en particulier en Angola, au Soudan, au Soudan du Sud, dans la République démocratique du Congo [RDC] et en Éthiopie), aucun surrisque spécifique n’a été objectivé pour les voyageurs. La vaccination reste réservée à des situations ciblées (missions humanitaires, personnels de santé, contextes épidémiques).
Dengue : un logigramme pour prescrire le vaccin QDENGA
Les recommandations pour le vaccin QDENGA ont été actualisées pour prendre en compte ses données d'immunogénicité, d'efficacité et de tolérance. Elles s’adressent aux voyageurs de 6 ans et plus selon leur âge, leurs antécédents personnels de dengue, leurs comorbidités et la situation épidémiologique des zones visitées. Un logigramme d’aide à la décision est désormais intégré aux recommandations du HCSP (page 26).
Pour rappel, s’agissant d’un vaccin tétravalent vivant atténué chimérique recombinant, QDENGA est contre-indiqué chez les personnes immunodéprimées et les femmes enceintes ou allaitantes (cf. notre article du 11 février 2025). La primo-vaccination, comprenant 2 doses espacées d'au moins 3 mois, doit être réalisée par voie sous-cutanée, avec une surveillance de 15 minutes dans les suites des injections, comme pour tout vaccin.
- de l’absence de données d’immunogénicité et d’efficacité au-delà de 60 ans, une étude étant en cours ;
- d’une immunogénicité et d’une efficacité moindre vis-à-vis des sérotypes 3 et 4, en particulier chez les sujets séronégatifs pour la dengue, ce qui entraîne
- du délai nécessaire avant d’obtenir une protection vaccinale, soit 2 semaines minimum après la 1re dose vaccinale ;
- de la nécessité d’appliquer les mesures de protection contre les piqûres de moustiques même après vaccination.
Mpox : vaccination des professionnels se rendant dans les zones de circulation
Pour rappel, il existe deux types génomiquement distincts de virus Mpox (Monkeypox) : le clade I, à l’origine présent dans le bassin du Congo (Afrique centrale) et le clade II appelé clade d’Afrique de l’Ouest, dont le lignage IIb a été responsable de l’épidémie de Mpox en 2022-2023 en Europe et dans le monde. Fin 2023, un nouveau lignage du clade I, dénommé clade Ib, a été identifié dans l’est de la RDC. L’épidémie en lien avec ce nouveau lignage présente des particularités du fait d’un risque de transmission interhumaine accrue.
La vaccination contre le Mpox est recommandée pour certains voyageurs depuis décembre 2024, notamment en lien avec l’émergence du clade Ib en RDC et à sa diffusion aux pays avoisinants. Les recommandations vaccinales sont élargies aux voyageurs les plus exposés au risque (risque sexuel en particulier), aux professionnels exposés
Poliomyélite : circulation des formes sauvages et dérivées de souches vaccinales
En 2025, la poliomyélite due au PSV1 (dernière souche sauvage existante) reste endémique en Afghanistan et au Pakistan. Après un très faible nombre de cas déclarés en 2021 dans ces deux pays (n = 5), 99 cas ont été signalés en 2024 et 3 depuis le début de 2025.
Les recommandations du HCSP actualisent la liste des pays où circulent les poliovirus sauvages et les poliovirus dérivés de souches vaccinales. Un logigramme d’aide à la décision vaccinale en cas d’obligation par le règlement sanitaire international a été ajouté (page 57).
Rage : le schéma vaccinal préexposition est simplifié
La vaccination antirabique préexposition simplifie le traitement postexposition et dispense du recours aux immunoglobulines antirabiques qui ne sont pas toujours disponibles dans les pays en développement. Le schéma vaccinal préexposition est simplifié à 2 doses à 7 jours d’intervalle (ou 3 pour les personnes immunodéprimées, à J0, J7 puis J21 ou J28).
Pour les immunodéprimés, le schéma en une semaine avec 2 doses à J0 et J7 est possible s’il s’accompagne d’un contrôle sérologique (de 2 à 4 semaines après l’administration de la 1e dose) afin d’évaluer si une 3e dose est nécessaire. La consultation d’un spécialiste des maladies infectieuses ou d’un immunologue est conseillée.
Rougeole : une attention requise envers les voyageurs
Le risque de survenue d’épidémies de rougeole reste élevé dans un très grand nombre de pays dans le monde. En février 2024, l’OMS s’est inquiétée de la rapide propagation de cette infection. Le HCSP recommande aux praticiens une attention particulière sur l’immunisation des voyageurs contre la rougeole. Une 3e dose est préconisée si une des deux doses a été administrée avant l’âge de un an.
Dans un contexte de voyage en pays d’endémie, il est recommandé que les personnes nées avant 1980 et non protégées contre la rougeole (sans antécédent connu de rougeole ou non vaccinées antérieurement) reçoivent une dose de vaccin ROR avant leur départ (cf. notre article du 11 mars 2025).
Tuberculose : actualisation de la liste des pays à forte incidence
Les pays à forte incidence tuberculeuse (plus de 40 cas/100 000 habitants/an) sont, selon les estimations de l’OMS :
- le continent africain dans son ensemble à l’exception du Togo et de la Tunisie ;
- le continent asiatique dans son ensemble à l’exception du Japon et de la République de Corée ;
- l’Océanie : la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Îles Salomon ;
- la zone méditerranéenne orientale (Proche-Orient et Moyen-Orient) à l’exception de l’Arabie saoudite, Chypre, l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Iran, l'Irak, Israël, le Koweït, la Jordanie, Oman, la Syrie, la Turquie ;
- l’Amérique centrale, du Sud et de la Caraïbe : Nicaragua, Panama, Salvador, Bolivie, Brésil, Colombie, Équateur, Guyane, Paraguay, Pérou, Venezuela, Haïti, République dominicaine ;
- les pays d’Europe centrale : Roumanie, Ukraine, République de Moldavie.
Maladie à virus Oropouche : extension aux Caraïbes
Une circulation croissante de l’arbovirus Oropouche (OROV) présent habituellement en Amérique latine a été observée en 2024 et s’est étendue aux Caraïbes (Cuba). Le vecteur principal à l’origine de la transmission du virus est un moucheron, Culicoides paraensis. Le virus OROV circule entre les forêts (avec différents réservoirs sauvages), et les villes, où l’homme est l’hôte principal. Le tableau clinique le plus fréquent, après une phase d’incubation courte, est biphasique avec une phase aiguë et une phase tardive (tableau de fièvre aiguë aspécifique le plus souvent, complications neurologiques et hémorragiques possibles).
Paludisme : situation épidémiologique en 2024
Depuis 2015, le nombre de cas de paludisme et les décès qui y sont liés dans le monde ne recule plus et a même réaugmenté depuis 2020. La zone subsaharienne du continent africain est encore la région la plus durement touchée par la maladie. En France, on estime à 6
Le nombre de cas de paludisme à P. vivax observé en Guyane a nettement diminué depuis la fin de l’année 2023. Les cas observés début 2025 concernent principalement des zones d’orpaillage sur la commune de Kourou.
À Mayotte, aucun cas de paludisme autochtone n'a été observé sur le territoire depuis juillet 2020. Une protection personnelle contre les moustiques reste cependant recommandée au regard des autres risques de maladies existant sur le territoire, en particulier l’épidémie de chikungunya en cours (cf. notre article du 3 juin 2025).
Angiostrongylose humaine : attention à l’escargot géant africain
L’angiostrongylose humaine est une maladie parasitaire due à un nématode, Angiostrongylus cantonensis. L’homme, hôte accidentel, développe une pathologie neurologique à type de méningite et/ou encéphalite à éosinophiles d’évolution souvent favorable chez l’adulte, mais potentiellement grave, en particulier chez l’enfant. Décrite progressivement dans le monde entier, la maladie est endémique en Chine, en Asie du Sud-Est, en Australie et dans les îles de l’océan Pacifique où des épidémies ou des cas sporadiques ont été signalés. Elle est également observée dans des îles de l’Océan Indien, en Jamaïque et au Brésil.
Les sources de transmission varient selon les zones géographiques, mais sont généralement liées à la consommation d’hôtes intermédiaires crus ou insuffisamment cuits (escargots, crevettes d’eau douce, crabes de mangrove, etc.). Dans d’autres cas, le principal mode de contamination rapporté est l’ingestion par contact direct ou indirect de bave de l’escargot géant africain (Achatina fulica), une espèce considérée comme invasive et présente dans la plupart des régions intertropicales du globe.
La prévention repose sur l’éducation alimentaire (abstention de la consommation de certains plats à base de poissons ou d’invertébrés crus ou peu cuits et/ou de crudités). Les voyageurs doivent également être informés du risque de contact direct avec l’escargot géant d’Afrique, notamment pour les très jeunes enfants susceptibles de se contaminer en le portant à la bouche (page 111).
Autres éléments à noter parmi les recommandations du HCSP
Dans ses recommandations, le HCSP propose également
- un rappel des exigences vaccinales pour les pèlerinages à la Mecque (pages 116-117)
- un chapitre sur les précautions particulières pour certaines situations personnelles : maladies chroniques, enfants, femmes enceintes ou allaitantes et personnes âgées (pages 120-135)
- un tableau concernant l’alerte, le signalement et la prévention des maladies d’importation potentiellement graves et à risque épidémique (Tableau 18, pages 234-242)
- une actualisation des cartes concernant le paludisme et les arboviroses (annexes 5 et 6)
- un paragraphe sur la grippe saisonnière : pour la saison 2025-2026, les vaccins grippaux seront des vaccins trivalents inactivés n’incluant plus la souche B/Yamagata.
Ces recommandations restent un outil essentiel d’aide à la décision pour les professionnels de santé qui accompagnent les voyageurs. Elles doivent être utilisées de manière personnalisée selon le profil de chacun et les données épidémiologiques actualisées, et cette édition 2025 prend en compte cette nécessaire personnalisation. Une veille régulière via les sites institutionnels (par exemple, celui du ministère des Affaires étrangères) est fortement recommandée pour ajuster les conseils au contexte sanitaire évolutif.
[1] Recommandations sanitaires aux voyageurs – À l’attention des professionnels – Édition 2025. Ministère du travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, juin 2025
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