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Covid long : de nombreux progrès restent à faire

Comment améliorer la prise en charge des personnes souffrant de Covid long ? L'avis du Covars du 7 novembre 2023 fait le point sur ce syndrome et sur les éléments à améliorer pour mieux les soulager et les soutenir.

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Le Covid long peut entraîner une altération importante de la qualité de vie.

Le Covid long peut entraîner une altération importante de la qualité de vie.wildpixel / iStock/Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Le Covid long, ou syndrome post-Covid, se traduit par la persistance d’une grande variété de symptômes plus de 3 mois après un épisode aigu de Covid-19. Selon les enquêtes de Santé publique France, plusieurs centaines de milliers de personnes ont leur vie quotidienne fortement ou très fortement impactée par le Covid long dans notre pays.

Le 7 novembre 2023, le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) a rendu son « Avis sur le syndrome post-Covid, ses enjeux médicaux, sociaux et économiques, et les perspectives d’amélioration de sa prise en charge ». Dans ce document, le Comité réaffirme la réalité du Covid long, fait le point sur les difficultés de diagnostic et de prise en charge de cette affection et émet des recommandations pour une approche multidisciplinaire des traitements et du soutien à apporter aux personnes qui en souffrent. Il alerte les autorités sur la forte hétérogénéité des ressources disponibles pour les patients selon la région où ils se trouvent.

Cet avis a été reçu favorablement par les associations de patients et de nombreux professionnels du domaine, mais a été critiqué par les partisans d’une origine psychosomatique des troubles observés. Les efforts de recherche engagés dans l’identification des mécanismes physiopathologiques du Covid long devraient permettre d’y voir plus clair.

 

Le 7 novembre 2023, le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) a rendu son « Avis sur le syndrome post-Covid, ses enjeux médicaux, sociaux et économiques, et les perspectives d’amélioration de sa prise en charge » [1], avis commandé par les ministères de la Santé et de la Recherche scientifique. Ce document a été rédigé au terme d’auditions organisées avec des professionnels de santé, des associations de patients, des agences de santé publique et de recherche et des autorités sanitaires. Son objectif a été de décrire l’état des connaissances sur le Covid long et d’émettre une série de recommandations, à l’attention des décideurs, des administrations centrales, de l’Assurance maladie et des chercheurs.

Un syndrome durable, fluctuant et invalidant

Selon la définition du Covid long (ou « syndrome post-Covid » selon le Covars) établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce syndrome [2] se traduit, chez des personnes ayant eu la Covid-19 (légère ou sévère, confirmée ou non par un test PCR), par la persistance pendant au moins 2 mois, au-delà de 3 mois après le début de l’infection, de symptômes, lorsque ceux-ci ne peuvent pas être expliqués par un autre diagnostic. Ils peuvent apparaître après un rétablissement initial de la Covid-19 ou évoluer de manière continue après l’épisode aigu, fluctuer ou récidiver au fil du temps avec un impact sur la vie familiale, sociale, professionnelle ou scolaire.

Afin de favoriser une prise en charge médicale rapide des patients ayant des symptômes qui perdurent, la Haute Autorité de santé a recommandé [3] que le délai minimal de persistance après le début de l’infection soit fixé à 4 semaines. Ce seuil permet d’inclure dans la définition du Covid long les symptômes les plus faciles à traiter, et de prendre en charge plus précocement les manifestations graves ou urgentes afin d’éviter une dégradation de l’état de santé des patients. Entre 4 semaines et 3 mois après l’infection, la dénomination d’« infection Covid-19 symptomatique prolongée » est parfois utilisée plutôt que le terme de Covid long.

Plus de 200 symptômes distincts ont été rapportés par les personnes qui souffrent de Covid long. Chaque patient ne ressent pas l’ensemble de ces symptômes et tous ne sont pas forcément liés au Covid long. En général, ceux-ci concernent plusieurs organes. Leur sévérité est variable et fluctuante dans le temps. Les symptômes les plus couramment signalés sont :

  • un épuisement, aggravé à l’effort (physique ou intellectuel) ;
  • des symptômes cardiorespiratoires (en particulier, essoufflement ou tachycardie) ;
  • une fatigue mentale (le « brouillard cérébral », cf. notre article du 8 novembre 2022).

Le Covid long, un nouveau syndrome postinfectieux

Dans son avis [1], le Covars exprime sa conviction que « la question du syndrome post-Covid doit être abordée sous l’angle plus général des syndromes postinfectieux (SPI), qui peuvent survenir à la suite d’une infection par divers micro-organismes, et sont plus fréquemment liés à des pathogènes spécifiques. »

Les SPI ont été décrits pour une vingtaine d'infections virales, bactériennes ou parasitaires, comme la poliomyélite, la dengue, le chikungunya, la fièvre Ebola, la varicelle, la grippe, la fièvre du Nil occidental, une infection à virus d’Epstein-Barr (EBV, mononucléose infectieuse), le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère de 2003), la maladie de Lyme ou la giardiase.

Les symptômes des syndromes postinfectieux sont, eux aussi, persistants, continus ou par poussées (cf. notre article du 2 juin 2022 à ce sujet). Par exemple, il a été rapporté :

  • un état général affaibli ;
  • un épuisement rapide et, parfois, durable à l'effort ;
  • une fatigue chronique, non soulagée par le sommeil ;
  • des sueurs, des palpitations, des troubles digestifs ;
  • une sensation de « brouillard mental » ;
  • des symptômes pseudogrippaux, avec des douleurs articulaires et musculaires.

Une prévalence difficile à estimer

Le calcul de la prévalence du Covid long est difficile du fait :

  • de la grande hétérogénéité des symptômes et de leur caractère fluctuant ;
  • d’un diagnostic fait par élimination d’autres causes possibles, en l’absence de marqueurs spécifiques ou de symptômes pathognomoniques ;
  • d’une certaine réticence des professionnels de santé vis-à-vis de la réalité de la maladie, qui fait obstacle au diagnostic ;
  • de l’évolution de la maladie : pour la grande majorité des patients qui présentent des symptômes plus de 4 semaines après l’épisode aigu, il existe une amélioration des symptômes, soit rapide, entre 4 et 12 semaines, soit plus progressive au cours des 12 mois qui suivent l'infection.

Les enquêtes épidémiologiques de Santé publique France citées par le Covars [4, 5] indiquent que 4 % de la population française, soit environ 2 millions de personnes, souffriraient de symptômes persistants de la Covid-19, selon la définition de l’OMS. Parmi elles, plus de la moitié ont déclaré que ces symptômes exerçaient encore un impact « au moins modéré » sur leurs activités quotidiennes et un tiers d’entre elles un impact « fort ou très fort ». Ainsi, selon l'avis du Comité, il est très probable que plusieurs centaines de milliers d’adultes aient, en France, une qualité de vie fortement ou très fortement diminuée par le Covid long, pendant une durée allant de quelques mois à plusieurs années.

Le Covars émet également une mise en garde : « Toutefois, au-delà des estimations globales, il convient d’être particulièrement attentif aux populations à risque de Covid long ainsi qu’aux populations chez lesquelles cette affection est sous-détectée, à savoir les enfants et adolescents, les personnes âgées et les personnes atteintes de comorbidités. »

Des débats sur la réalité organique de la maladie

Dans son avis [1], le Covars insiste sur la réalité organique du Covid long qui doit amener à ne pas le considérer comme un trouble somatique fonctionnel (TSF) (anciennement « trouble psychosomatique » ; le Covars emploie le terme de « somatoforme »).

Le TSF se traduit par la présence de symptômes répétés, durables ou invalidants sans que l’on puisse identifier d’anomalie de fonctionnement des organes concernés.

Pour les experts du Comité, le Covid long ne doit pas être réduit à un trouble somatique fonctionnel : « Il est apparu au Covars qu’il existait un amalgame fréquent entre le Covid long et les troubles somatoformes alors que les définitions et les présentations cliniques diffèrent sensiblement. Cet amalgame conduit en pratique à une incompréhension de la part des patients et exacerbe souvent le retentissement psychologique lié à la difficulté de vivre avec une maladie persistante, fluctuante et peu reconnue. »

Cette distinction marquée entre Covid long et TSF dans la publication du Covars a fait réagir certains experts, partisans d'une origine psychosomatique, qui ont mis en avant que les anomalies organiques observées dans le Covid long exigent des examens complémentaires peu accessibles en pratique médicale courante et ne sont pas mis en évidence chez tous les patients. De plus, il est difficile de faire le lien entre ces anomalies et les symptômes. Un débat similaire a lieu depuis des années à propos de l’ensemble des syndromes postinfectieux, en particulier, récemment, des formes prolongées de la maladie de Lyme.

Le Covid long, une affection invalidante

Lors de Covid long, la persistance de symptômes invalidants provoque une diminution importante de la qualité de vie. En France, une étude sur 1 000 patients souffrant de symptômes prolongés [6], citée dans l’avis du Covars, a montré que 77 % d’entre eux considéraient l’impact des symptômes sur leur vie quotidienne et professionnelle comme « insoutenable », et 48 % estimaient ne plus être en mesure d'effectuer certaines activités comme la conduite automobile ou les tâches ménagères.

Pour les patients atteints de Covid long, la qualité de vie est également diminuée par le fait que, face à l’absence de critères de diagnostic spécifiques au Covid long et en raison de la très grande variété des symptômes signalés, il leur est parfois difficile de faire reconnaître leur maladie comme telle, auprès de leurs proches, de leur employeur ou des professionnels de santé.

De plus, l’anxiété et la dépression, les incertitudes sur l’évolution de leur maladie, sur ses causes, ainsi que l’absence de traitements spécifiques, peuvent peser sur le moral des personnes concernées. L’impact sur leur vie affective, familiale et amicale, est important. Selon le Covars, les conséquences en termes d’isolement social, de décrochage scolaire, d’arrêts maladie prolongés, de nécessité d’adaptation des conditions de travail, voire de précarisation sont réelles.

La nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire

Les diverses auditions menées par le Covars ont montré que la prise en charge des patients ayant un Covid long est « à ce jour insatisfaisante, avec un parcours de soins chaotique dont la déclinaison territoriale est hétérogène, une formation/information des professionnels de santé incomplète sur le sujet, et enfin une crise de confiance de certains patients vis-à-vis des professionnels de santé. »

Selon le Comité [1], le Covid long nécessite une reconnaissance médicale et sociale. Sa prise en charge doit être globale et devrait reposer sur un triptyque :

  • un versant clinique : généraliste, interniste, infectiologue, etc.
  • un versant physique : rééducateur fonctionnel, kinésithérapeute, etc.
  • un versant psychologique : psychiatre, psychologue, neuropsychologue, etc.

Devant la grande disparité géographique des ressources, il est essentiel « de rendre (ce triptyque) fonctionnel de façon homogène sur tout le territoire. »

De plus, considérant la sévérité et le retentissement des symptômes de Covid long au quotidien, le Covars considère nécessaire d’associer à ces trois volets une prise en charge sociale intégrant la médecine du travail ou, le cas échéant, la médecine scolaire. Chez l’enfant, il considère comme très important de sensibiliser aussi le corps enseignant, pour améliorer sa détection.

Pour le Covars, il paraît essentiel de renforcer les structures permettant cette approche globale et multidisciplinaire, afin de prendre en charge les patients atteints de Covid long, mais aussi ceux souffrant d’autres syndromes postinfectieux. Ces structures représenteraient plusieurs avantages :

  • un gain de temps pour les médecins de premier recours ;
  • un aiguillage approprié et précoce ;
  • une prise en charge homogène et uniforme sur le territoire ;
  • une démarche équitable, car le soutien psychologique y est intégré et non à la charge des malades.

De plus, ces centres devraient intégrer une filière pédiatrique.

Conclusion

L’avis du Covars sur le Covid long a le mérite de poser clairement les obstacles qui nuisent à la prise en charge des personnes qui en sont victimes. Entre autres :

  • la grande hétérogénéité des symptômes et de leur évolution ;
  • les difficultés à évaluer la prévalence et à confirmer le diagnostic ;
  • la réticence d’une partie des professionnels de la santé à l’envisager comme une réalité organique ;
  • le sentiment de stigmatisation de la part des patients ;
  • les inégalités de l’offre de soins selon les régions.

Pour le Covars, le Covid long « illustre la complexité, voire la difficulté, à s’emparer efficacement de la question des syndromes post-infectieux qui représentent encore, en France, une entité relativement négligée. » De plus, « dans une entité aussi complexe que le Covid long, les notions de coconstruction de la connaissance, de relation de confiance réciproque et équilibrée, de prise de décision partagée sont fondamentales pour la construction d'une alliance thérapeutique qui aura un impact bénéfique sur la trajectoire des patients, permettant un espoir de rétablissement. »

 

Sources

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