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Ostéochondroses de croissance : une inadéquation entre sollicitation musculaire et maturation osseuse

Pathologies fréquentes, les ostéochondroses de croissance touchent surtout les enfants de 5 à 15 ans. Elles sont la conséquence d’une discordance entre la maturation osseuse et le développement musculo-tendineux.

Isabelle Hoppenot 16 mars 2023 Image d'une montre5 minutes icon 4 commentaires
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Un diagnostic clinique.

Un diagnostic clinique.

Résumé

Les ostéochondroses de croissance, qui touchent les enfants et les adolescents, résultent d’une discordance entre la maturation osseuse et le développement musculo-tendineux.

Leur diagnostic est clinique et leur prise en charge, qui doit être précoce pour éviter les complications, se fonde, après quelques jours de repos, sur la réduction de l’intensité de l’activité physique... en attendant la maturation osseuse qui amènera la guérison. 

Les ostéochondroses de croissance sont un groupe hétérogène d’affections liées à un trouble de l’ossification du cartilage de croissance et articulaire, non tumorales, non infectieuses et non traumatiques aiguës. Elles sont souvent désignées par le terme d’ostéochondrites, ce qui sous-tend la notion d’inflammation.  

Il existe différentes classifications des ostéochondrites, mais on peut, dans une démarche de simplification, distinguer :

  • les ostéochondrites articulaires ;
  • les non articulaires ou apophysaires ;
  • et enfin celles touchant le cartilage de croissance

Ce ne sont pas des maladies de la croissance inévitables, elles sont toujours en lien avec une sollicitation excessive de l’os ou de l’articulation. Toutefois, leurs mécanismes physiopathologiques ne sont pas connus avec précision. 

Les données épidémiologiques fiables font défaut, mais il s’agit de pathologies fréquentes, qui touchent surtout les enfants âgés de 5 à 15 ans, plus souvent des garçons dans les formes apophysaires, sans doute en raison du plus grand décalage entre les développements musculaires et osseux. 

L’atteinte est toujours bilatérale, même si elle ne s’exprime pas toujours avec la même intensité des deux côtés.

Tour d’horizon avec le Dr Linh Vu Ngoc, médecin du sport, chef du pôle médical et paramédical du CREPS Île-de-France.

VIDAL. Quels sont les différents types d’ostéochondrites ? 

Dr Linh Vu Ngoc. Les ostéochondrites apophysaires sont les plus fréquentes et, selon leur localisation, elles portent un nom différent (par exemple, maladie d’Osgood-Schlatter pour l’apophysite de la tubérosité tibiale antérieure, maladie de Sever pour l’ostéochondrose du calcanéum), mais leur cause et leur expression clinique sont les mêmes.

Elles sont en effet toujours en lien avec l’intensité de l’activité sportive et secondaires à une discordance entre la maturation osseuse, plus lente, et le développement musculo-tendineux, plus rapide. La conséquence est une sollicitation trop importante des zones d’insertion. 

J’utilise souvent la comparaison avec un élastique qui serait relié à un clou planté dans un mur encore frais et friable… Si l’on tire trop fort sur l’élastique, le mur s’effrite.

Cette inadéquation entre la force musculaire et la zone d’attache entraîne une inflammation, des douleurs, avec, si aucune mesure n’est prise, un risque de complications à type d’arrachement cartilagineux et/ou osseux.

Autre grand groupe d’ostéochondroses : celles touchant la physe, donc le cartilage de croissance, dont la plus connue est de localisation vertébrale : la maladie de Scheuermann. Elle est secondaire à une sursollicitation des vertèbres, posturale ou liée à l’activité sportive, mais de physiopathologie mal cernée. 

Enfin les ostéochondroses épiphysaires, dont l’origine est inconnue, mais également favorisées par les microtraumatismes répétés. 

Quelles sont les manifestations cliniques ? 

Toutes ces atteintes provoquent des douleurs, souvent bilatérales, mais pas forcément dans la même temporalité. Il est donc essentiel de demander à l’interrogatoire si des douleurs identiques sont survenues antérieurement du côté controlatéral.

Il s’agit d’une douleur de type mécanique, qui peut être modérée, majorée par l’activité physique et soulagée par le repos

Elle est volontiers très localisée, l’enfant ou l’adolescent pointant du doigt une zone très précise. Des signes inflammatoires locaux (chaleur, rougeur) au niveau de l’apophyse sont possibles. 

En pratique, il s’agit d’une douleur d’intensité très variable, qui peut survenir pendant l’activité physique sans retentissement fonctionnel ou imposant à l’inverse l’arrêt de l’activité, ou qui peut ne pas gêner l’activité physique et apparaître après son arrêt.  

L’interrogatoire est essentiel : localisation, type d’activité, sauts, impacts, qualité du terrain, niveau d’intensité, équipements, matériel, etc.Tous ces éléments vont permettre de faire le diagnostic différentiel avec une pathologie tumorale, infectieuse ou inflammatoire et orienter vers le diagnostic d’ostéochondrose/ostéochondrite de croissance.  

Quels sont les examens complémentaires ? 

Aucun examen complémentaire n’est utile à ce stade, sauf si on suspecte une autre pathologie ou une complication telle qu’un arrachement cartilagineux (inflammation plus marquée, impotence fonctionnelle). 

Il faut éviter d’irradier les enfants en demandant des radiographies systématiques qui ne sont pas contributives. De même, il n’y pas d’intérêt à faire une échographie, une IRM, un scanner ou une scintigraphie, sauf en cas de doute diagnostique ou de complications.  

Quelle est la prise en charge thérapeutique ? 

Dans un premier temps, il faut arrêter complètement l’activité physique pendant une semaine, ce qui fait le plus souvent bien diminuer, voire disparaître les douleurs.

Arrêt de l’activité physique ne veut cependant pas dire immobilisation ou attelle. La mobilisation est au contraire bénéfique, car elle favorise la vascularisation, le drainage et donc la croissance osseuse. Il faut ainsi expliquer à l’enfant ou l’adolescent qu’il peut tout faire tant qu’il n’a pas mal. 

Puis, la reprise de l’activité physique est possible en infra doloris, en sachant qu’à plus ou moins long terme, la douleur reviendra et qu’il faudra alors à nouveau observer une période de repos relatif d’au moins 8 jours.  

L’objectif est de pouvoir poursuivre l’activité physique sans douleurs, en attendant la maturation osseuse qui amènera la guérison. 

En cas de douleurs initiales importantes, il est possible de prescrire du paracétamol, et de parfois faire appel à des orthèses (cf. notre article du 10 janvier 2023) qui soulagent et limitent les contraintes.

La stratégie thérapeutique est la même quels que soient le type et la localisation de l’ostéochondrose et l’intensité des signes cliniques : respecter l’indolence en réduisant l’intensité de l’activité physique.  

Le recours à la kinésithérapie n’est pas systématique, mais peut se discuter dans un but antalgique, de renforcement musculaire ou d’étirements. 

 

D’après un entretien avec le Dr Linh Vu Ngoc, médecin du sport, chef du pôle médical et paramédical du Centre de ressources d'expertise et de performance sportive (CREPS) Île-de-France.

 

Sources

Commentaires

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JeremyH Il y a un an 1 commentaire associé

Les polymorphismes des récepteurs de la vitamine D (FokI, BsmI, ApaI et TaqI) et la carence en 25 (OH)D augmentent probablement le risque d’ostéochondrose

Modérateur Rhumatologie Il y a un an 0 commentaire associé

Réponse du Dr Linh Vu Ngoc

Selon les consensus scientifique de pédiatrie le dosage de vitamine D ne doit pas être systématique dans la population pédiatrique générale. Par contre, il pourrait être intéressant de le faire pour ceux qui présente des pathologies ostéochondrales afin de corriger une carence éventuelle. En préopératoire, cela aurait éventuellement un intérêt pour connaître le statut vitaminique D du patient, mais n'aura aucune incidence directe sur une intervention prévue dans les semaines à venir.

JeremyH Il y a un an 0 commentaire associé

Ostéochondroses de croissance : une inadéquation entre sollicitation musculaire, la maturation osseuse et le statut vitaminique D.

De toute évidence la carence en vitamine D chez l'enfant est liée au risque de développer une ostéochondrose de croissance. Le risque relatif est multiplié par 7 pour l'osteochondrite de hanche.

Un dosage de la vitamine D devrait être proposé aux enfants présentant ce type de pathologies. Leur statut vitamine D  est souhaitable entre 30 et 60 ng/L et la supplémentation en vitamine D devrait être adaptée à leur besoin. 

Le dépistage et le traitement de la carence en vitamine D devrait être intégré à la prise en charge médicale des enfants présentant une ostéochondrose de croissance. 

JeremyH Il y a un an 0 commentaire associé

L'évaluation du statut vitamine D et le traitement des carences D devrait faire partie du bilan pré opératoire de la chirurgie osseuse chez l'enfant et l'adulte.

Le dépistage et le traitement de la carence en vitamine D devrait être intégré à la prise en charge médicale des enfants et des adultes présentant une pathologie osteoarticulaire.

Le développement d'une méthode d'évaluation du statut vitaminique D par une mesure non invasive est un enjeu majeur de la recherche biomédicale.

 

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