#Santé publique #Données épidémiologiques

Les vaccins sont essentiels pour le contrôle des maladies infectieuses. Alors pourquoi tant de remous ?

Combien de vies sauvées depuis 220 ans ? Des fléaux d’antan ont disparu, d’autres ne sont plus des périls majeurs en grande partie grâce aux vaccins : la poliomyélite, la diphtérie, le tétanos, la rougeole, la coqueluche, la rage et tant d’autres.
François Trémolières 30 septembre 2021 01 octobre 2021 Image d'une montre8 minutes icon Ajouter un commentaire
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Le vaccin antivariolique appartient au passé : la variole est éradiquée (illustration).

Le vaccin antivariolique appartient au passé : la variole est éradiquée (illustration).

 
Résumé :
Depuis l'inoculation par Jenner en 1796, la diffusion mondiale de la vaccination antivariolique a permis l'éradication du virus 180 ans plus tard. Le développement des vaccins s'est accéléré au cours du XIXe, mais surtout du XXe siècle. Leur succès dans la lutte contre les maladies infectieuses a été et reste prodigieux, contribuant de façon majeure à l'augmentation de l'espérance de vie. Si leur efficacité est avérée, leur prescription à des sujets sains, qui ne feront peut-être jamais la maladie, pour des affections trop souvent considérées comme bénignes et qui peuvent immuniser, est depuis toujours source de débats, de polémiques, de contestations. Seule une information complète, objective et claire doit permettre de les apaiser.

C'est une sorte de match de catch auquel nous assistons depuis si longtemps (et bien avant la COVID-19), avec ses excès, ses ruses, ses impostures ; entre la raison qui nous dit de vacciner et l'inquiétude, l'ignorance, voire l'aveuglement de ceux qui refusent. Confrontation récemment exacerbée pour cause de virus pandémique aux conséquences mal évaluées sur la santé mentale des humains.
C'est le combat séculaire entre fiction et réel, c'est la querelle jamais close entre créationnistes et évolutionnistes, c'est le « platiste » qui refuse de voir, presque cinq siècles plus tard, que Galilée a résolu la question. Mais c'est aussi la révolte de ceux qui se croient abandonnés par le tourbillon du progrès
Quand on raconte l'histoire des vaccins, quand un débat ouvert est possible, la science devrait en tout s'imposer. Ses résultats sont majoritairement acquis, sa rigueur, sa précision, sont validées ; on peut débattre, batailler, justifier, mais ils ne peuvent, sauf de façon marginale, être mis en doute. Aucune thérapeutique n'a bénéficié autant de la médecine fondée sur les preuves que les vaccins.
Ce texte n'a aucune ambition à développer l'histoire de la vaccination. Mais nous voudrions mettre en lumière l'incroyable aventure, toujours en cours, qui a fait des vaccins un succès, incontournable et mondial, de la lutte contre les maladies infectieuses.

Une incroyable aventure !
Depuis 1900, la population mondiale a été multipliée par cinq. L'espérance de vie s'est accrue de 35 années, atteignant environ 79 ans dans les pays européens, 73 ans dans le monde, 64 ans sur le continent africain (1). D'aucuns estiment à vingt ans au moins, le gain d'espérance de vie qu'on peut attribuer à la « révolution pastorienne » (2). À savoir, les énormes progrès de l'hygiène, débutant avec l'antisepsie de Pasteur, l'asepsie de Lister, le lavage des mains de Semmelweis, la découverte des maladies infectieuses et de leurs causes, les vaccinations qui se généralisent durant le XXe siècle, puis le « miracle » antibiotique à partir de 1940.

Alors, avec la seule vaccination, combien de vies sauvées ? Depuis deux siècles, certainement plusieurs centaines de millions. En ce début du XXIe siècle, l'OMS avance le chiffre de 2 à 3 millions de morts évitées chaque année (3). Et ce nombre pourrait exploser à partir de 2021 avec le vaccin contre le SARS-CoV-2.
Une quantification du bénéfice des vaccinations a été effectuée par une étude américaine publiée dans la revue des Centers of Diseases Control and Prevention (4). En 20 ans, pour 12 affections couvertes par 12 vaccins administrés durant la 1re année de vie, le nombre de cas de maladies infectieuses évitées est estimé à plus de 320 millions, le nombre d'hospitalisations à 21 millions et celui des décès à 732 000, pour les seuls États-Unis.

Mais si les vaccins jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les maladies infectieuses, car ils ont permis leur contrôle, leur raréfaction, voire leur éradication dans le cas de la variole, ils ne constituent pas une entité homogène :
  • Certains sont sans conteste indispensables – il y en a neuf.
  • D'autres sont indispensables, mais font toujours l'objet de mises au point, d'adaptations - il y en a sept, dont les vaccins contre le SARS-CoV-2.
  • D'autres ne seront indiqués que dans des conditions particulières de la vie : certaines professions, divers voyages, et des opportunités spécifiques – il y en a dix.
  • On mentionnera enfin des vaccins disponibles, mais dont la place est encore à préciser, il y en a deux. Et quelques vaccins en cours de recherche.

Beaucoup de vaccins sont indispensables, sans restriction, ce premier article leur est consacré. Les autres seront abordés ensuite dans des articles spécifiques.

Les vaccins indiscutables et indispensables pour tous
Le vaccin contre les virus de la poliomyélite a largement prouvé son efficacité. La maladie serait éradiquée, et c'est depuis vingt ans le projet de l'OMS, si des sectes n'y mettaient obstacle dans quelques pays du monde.

Le tétanos ne devrait plus être une menace si la vaccination de tous, les rappels et la prévention post-exposition sont bien faits. Et cependant l'OMS évalue encore à 50 000 le nombre de décès annuels dans le monde par tétanos néonatal (le nombre de décès des adultes n'est pas quantifié). Nul ne doit oublier que la protection est exclusivement individuelle, qu'il ne peut y avoir aucune immunité de groupe, et que les taux de vaccination diminuent avec l'âge.

La diphtérie, comme le tétanos, est due à une bactérie, mais dans les deux cas, c'est la toxine qui cause la maladie. Les antibiotiques ne sont guère utiles. Le croup a suffisamment marqué la littérature du XIXe siècle (« monstre hideux, épervier des ténèbres », écrit Victor Hugo dans Les contemplations), pour qu'on prenne la mesure des épidémies dévastatrices qui ont marqué le monde jusqu'à la généralisation de la vaccination en 1974.
C'est probablement le vaccin contre la diphtérie qui a prévenu le plus de morts dans les pays industrialisés. Mais, tout « relâchement » voit renaître des flambées épidémiques comme celles qui ont touché l'ex-URSS au cours de la période 1990-1998, avec plus de 175 000 cas, dont 5 000 mortels, et, plus récemment, le Venezuela.
En France métropolitaine, la proportion d'enfants vaccinés dépasse, depuis longtemps, 95 %, et il n'existe plus de diphtérie autochtone : tous les cas déclarés depuis 20 ans sont des cas importés (n = 24). Dans le monde, et malgré une sous-vaccination dénoncée par l'OMS, le nombre de cas déclarés est de l'ordre de 5 000 chaque année.

La mortalité infantile due à la rougeole était évaluée à 2 millions chaque année avant 1980 ; elle a été divisée par 20 après la mondialisation du vaccin. Entre 2000 et 2016, l'OMS estime que la vaccination antirougeoleuse a évité 20,4 millions de décès. Mais, comme pour la diphtérie, dès que l'on « se relâche » et que le taux des vaccinés baisse, la maladie réapparaît. Plusieurs poussées épidémiques ont ainsi eu lieu en France depuis 2008. Selon l'OMS, la mortalité a doublé en 2019 (200 000 décès dans le monde). Cela souligne ainsi l'impératif de maintenir un taux de vaccinés au-delà de 95 %.

Le taux suffisant d'enfants recevant le vaccin contre la coqueluche en France (> 95 %), peut donner l'illusion d'une affection marginale. Cependant, la contagiosité de cette maladie bactérienne est extrême : plus de 15 personnes contaminées (si elles ne sont pas immunisées) pour un seul malade infecté. À l'échelon mondial, l'OMS évalue à 40 millions le nombre de cas chaque année, avec 300 000 décès, qui touchent essentiellement des nourrissons de moins de 6 mois. Et si le nombre de cas déclarés en France depuis 20 ans excède rarement 300 par an, dont près de la moitié concerne des nourrissons de moins de 3 mois, c'est grâce à la vaccination et aux dispositions mises en œuvre pour minimiser le risque de transmission aux nourrissons non encore immunisés. C'est la stratégie du cocooning (5). La vaccination des femmes enceintes est recommandée dans plusieurs pays (dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique) et a fait l'objet, le 2 mars 2021, d'un avis dans ce sens, de l'Académie de Médecine (6).

Certes la rubéole est en général très bénigne, mais le risque bien connu de cette infection virale est celui de morts fœtales ou de rubéoles congénitales malformatives (touchant l'œil, l'appareil auditif, l'appareil circulatoire, le système nerveux central). Le succès de la vaccination contre la rubéole est tel que, depuis 2012, le nombre d'infections maternelles recensées est inférieur à 10 par an en France. L'éradication de la rubéole dans la Région européenne de l'OMS pourrait bientôt être atteinte.

Le vaccin contre les oreillons, qui fait partie du vaccin combiné ROR, est très efficace. Après deux doses, environ 85 % des personnes sont protégées. Depuis le début de cette vaccination, en 1986, l'incidence de l'affection a été divisée par 150. La protection dure toute la vie chez la plupart des sujets complètement vaccinés.

Les vaccins indiscutables dans certaines situations
Le vaccin contre la tuberculose (BCG) a 100 ans cette année. Il aura joué un rôle déterminant dans l'histoire de cette maladie. On lui reconnaît une efficacité de 75 à 85 % pour la prévention des formes graves chez les jeunes enfants, en particulier les méningites. La tuberculose est toujours d'actualité puisque l'OMS estime qu'en 2019, un quart de l'humanité présente une infection tuberculeuse latente, que 10 millions de nouveaux cas sont survenus en 2019, dont 1,4 million de décès liés à cette infection.
Toujours selon l'OMS, l'association du vaccin BCG, des stratégies de diagnostic, des traitements de la tuberculose, et les mesures sanitaires ont permis de sauver 60 millions de vies au cours des vingt dernières années. Elle recommande le maintien de la vaccination universelle à la naissance dans les pays où l'incidence de la tuberculose est élevée (supérieure à 100/100 000 habitants dans plus de 60 pays du monde et à 500/100 000 dans certains pays africains et aux Philippines, 7). Les pays à faible incidence de tuberculose peuvent choisir de vacciner sélectivement les petits nourrissons au sein de groupes à haut risque. C'est le cas de la France où l'incidence de la tuberculose-maladie était, en 2019, de 7,6 cas pour 100 000 habitants (elle dépassait 150/100 000 en 1946) (8), où l'obligation du BCG pour tous a été levée en 2007. Mais ce taux d'incidence atteint 16,4 pour 100 000 habitants en Île-de-France, et plus à Paris (19,1) et en Seine-Saint-Denis (26,4). Il est 10 fois plus élevé chez les personnes nées hors de France (35,3 versus 3,5), les plus touchées étant originaires d'Afrique sub-saharienne et arrivées depuis moins de 2 ans. Il convient certainement de rester très vigilant sur la prescription de BCG, et du suivi chez les groupes à haut risque. Sachant qu'en septembre 2018, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution pour réaffirmer l'engagement à mettre fin à l'épidémie mondiale de tuberculose d'ici 2030, conformément aux objectifs du « Millénaire pour le développement » (9). Aucune ambition n'est trop grande !

Le vaccin antirabique, mis au point par Pasteur en 1885, appartient à l'histoire. Mais ce n'est qu'au milieu des années 1970 que le vaccin initial, parfois responsable d'encéphalites néfastes, a été remplacé par des vaccins préparés sur cultures cellulaires et n'exposant plus à ces effets indésirables graves. L'encéphalite rabique déclarée est mortelle dans 100 % des cas, et si la rage a été éradiquée en France (dernier cas autochtone en 1924), il y a encore environ 50 000 morts déclarées dans le monde chaque année. La vaccination préventive est recommandée pour des séjours prolongés et/ou aventureux dans des pays à risque, et pour certains professionnels. Le vaccin curatif post-exposition doit être administré le plus tôt possible par un centre antirabique.

Le vaccin antivariolique appartient au passé : la variole est éradiquée. Presque deux siècles après l'inoculation de Jenner, cette annonce faite en 1980 par l'OMS et la décision de supprimer la vaccination n'ont pas été remises en cause quarante ans plus tard. Le vaccin fut indiscutable, son besoin s'est éteint.

©vidal.fr

Pour en savoir plus

1- Institut national d'études démographiques (INED). Estimations 2021.

2- Luc Perino. Argument de l'espérance de vie. 29 mai 2013. 

3- Organisation mondiale de la santé (OMS). 10 faits sur la vaccination. 5 décembre 2019.

4- Whitney CG et al. Benefits from Immunization During the Vaccines for Children Program Era - United States, 1994–2013. MMWR. Morbidity and Mortality Weekley Report 2014 ; 63 : 352-355.

5- VIDAL Recos. Vaccinations.

6- Académie de médecine. Rapport 21-03. Il faut vacciner les femmes enceintes contre la grippe et la coqueluche. 2 mars 2021.

7- Organisation mondiale de la santé (OMS). Tuberculose.14 octobre 2020.

8- Santé publique France. Tuberculose en France : données épidémiologiques 2019. Mise à jour 31 mars 2021.

9- Nations Unies. UN Global Impact. Network France. Objectifs de développement durable.

 
Sources

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