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Cannabis thérapeutique : vers une expérimentation de l’usage dans 5 indications

Sur les recommandations favorables de son comité ad'hoc, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) va mettre en place une expérimentation de deux ans sur la mise à disposition de cannabis thérapeutique dans 5 indications : douleurs réfractaires aux thérapies, épilepsies sévères et pharmacorésistantes, soins de support en oncologie, spasticité douloureuse liée à la sclérose en plaques et situations palliatives.
Les médecins de ville pourront être impliqués dans cette expérimentation, en relais des médecins de référence dans ces pathologies, à condition d’avoir suivi une formation spécifique en ligne. Un registre de suivi devra obligatoirement être renseigné pour que la dispensation des produits puisse avoir lieu en pharmacie.
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L'ANSM lance une expérimentation sur la mise à disposition de cannabis thérapeutique

L'ANSM lance une expérimentation sur la mise à disposition de cannabis thérapeutique


Le cannabis, un stupéfiant dont l'usage thérapeutique est envisagé par la loi
En France, le cannabis est considéré comme un stupéfiant dont la détention et l'usage sont interdits (loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970). Néanmoins, en 2013, un décret a modifié le Code de la santé publique pour permettre à des médicaments à base de cannabis et de ses dérivés d'être mis sur le marché (décret n° 2013-473 du 5 juin 2013 modifiant les dispositions de l'article R. 5132-86 du Code de la santé publique relatives à l'interdiction d'opérations portant sur le cannabis ou ses dérivés).
 

Aujourd'hui, deux spécialités à base de cannabis existent, mais sont peu ou pas utilisées
En France, deux spécialités à base de cannabis sont disponibles :
  • SATIVEX (nabiximols) qui se présente sous la forme d'un spray buccal et délivre 2 extraits végétaux de cannabis (delta-9-tétrahydrocannabinol et cannabidiol). Il a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en janvier 2014 dans le traitement des symptômes liés à une spasticité modérée à sévère liée à la sclérose en plaques, en deuxième intention chez des patients adultes. Faute d'accord sur le prix entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et le laboratoire Almirall détenteur de ce produit, cette spécialité n'est actuellement pas commercialisée en France (notre article du 10 décembre 2015) ;
  • MARINOL (dronabinol) qui est accessible depuis 2003 sur prescription hospitalière dans le cadre d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) nominative dans trois indications : douleurs neuropathiques après échec de tous les traitements, nausées et vomissements dans le cadre de chimiothérapie anticancéreuse, et anorexie chez le patient VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Cet analogue synthétique d'un extrait du cannabis est peu utilisé (sur la période 2006-2013, 508 ATU nominatives ont été octroyées, dont 70 % contre des douleurs neuropathiques).
 
Un avis favorable du Comité Éthique & Cancer
En novembre 2018, le Comité Éthique & Cancer, saisi par une patiente, a émis un avis dans lequel il dit "ne (pouvoir) identifier de raison de s'opposer à l'usage du cannabis par des malades qui disent en tirer un bénéfice, quand bien même ce bénéfice n'est pas démontré selon les méthodologies scientifiques les plus rigoureuses".
De plus, ce Comité recommande que "pour ces malades, l'accès au cannabis ou à ses substances actives puisse se faire sous une forme leur permettant d'éviter de le fumer, afin de ne pas être exposés aux effets délétères de ce mode de consommation. Il (convient) également que cet accès puisse être encadré par les autorités de santé".

 
La création d'un Comité d'évaluation ad hoc au sein de l'ANSM
Parce que la question de l'usage du cannabis à des fins thérapeutiques se pose aux autorités de santé, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a créé, en septembre 2018, un Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) dénommé "Évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France" (notre article du 20 décembre 2018).
Dans ce contexte, par "cannabis thérapeutique", l'ANSM entend "la plante de cannabis à l'exclusion des spécialités pharmaceutiques disposant d'une AMM ou d'une ATU". SATIVEX et MARINOL ne sont donc pas concernés.
Dans un premier temps, ce comité a évalué la 
pertinence et la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France dans le traitement de certaines pathologies ou certains symptômes de pathologies, analysé les expériences d'autres pays l'ayant déjà mis en place et fait un état des lieux de la réglementation nationale et internationale sur le sujet.
 
Les conclusions du comité ad hoc de l'ANSM
En décembre 2018, le CSST a rendu ses conclusions et il estime, "qu'il est pertinent d'autoriser l'usage du cannabis à visée thérapeutique pour les patients dans certaines situations cliniques et en cas de soulagement insuffisant ou d'une mauvaise tolérance des thérapeutiques, médicamenteuses ou non, accessibles (et notamment des spécialités à base de cannabis ou de cannabinoïdes disponibles)".
Les indications thérapeutiques retenues par les experts pour l'usage de cannabis à des fins médicales sont les suivantes :
  • dans les douleurs réfractaires aux thérapies (médicamenteuses ou non) accessibles ;
  • dans certaines formes d'épilepsie sévères et pharmacorésistantes ;
  • dans le cadre des soins de support en oncologie ;
  • dans la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ;
  • dans les situations palliatives.
Considérant les risques pour la santé, le CSST a exclu la voie d'administration "fumée" pour le cannabis à visée thérapeutique. Le Comité a également souhaité qu'un suivi des patients traités soit mis en place sous forme d'un registre national pour assurer une évaluation de son bénéfice/risque, et qu'une évaluation des effets indésirables soit régulièrement faite par les réseaux de pharmacovigilance et d'addictovigilance.

Des conclusions acceptées par l'ANSM qui souhaite une expérimentation préalable
Fin décembre 2018, l'ANSM a souscrit aux premières conclusions du CSST et s'est donc prononcée favorablement sur l'utilisation du cannabis à visée thérapeutique dans certaines indications. De plus, dans un premier temps, elle a proposé que l'accès à cet usage fasse l'objet d'une expérimentation.
Le CSST s'est donc réuni de nouveau pour étudier les modalités de l'expérimentation et auditionner les parties prenantes (représentants de professionnels de santé et des patients). Le 11 juillet 2019, l'ANSM a accepté les recommandations du CSST sur la phase expérimentale de mise à disposition du cannabis thérapeutique.

 
Les conditions de l'expérimentation sur le cannabis thérapeutique
L'objectif principal de cette phase expérimentale est d'évaluer, en situation réelle, les recommandations du Comité en matière de conditions de prescription et de délivrance, et l'adhésion des professionnels de santé et des patients à ces conditions.
Pour se faire, le CSST recommande de mettre à disposition :
  • des médicaments à base de fleurs séchées de cannabis et d'extraits à spectre complet ;
  • des formes à effet immédiat (sublinguales et inhalées à base d'huile et de fleurs séchées pour vaporisation) et des formes à effet prolongé (formes orales de type solution buvable ou capsules d'huile).

De plus, le CSST recommande la mise à disposition de 5 ratios TétraHydroCannabinol (THC)/CannaBiDiol (CBD) différents et une adaptation posologique par titration réalisée par le médecin jusqu'à l'obtention de la dose minimale efficace et/ou d'effets indésirables tolérables par le patient.
 
Qui pourra participer à cette expérimentation ?
Selon le CSST, l'initiation du traitement devra être réservée aux médecins exerçant dans des centres de référence prenant en charge les 5 indications retenues par le CSST dans leur avis de décembre 2018, sur tout le territoire, jusqu'à stabilisation du patient.
Ces médecins référents seraient recrutés sur la base du volontariat et formés à l'aide d'une plateforme d'e-learning. Une fois le patient stabilisé, le médecin de ville pourra prendre le relais après accord préalable avec le médecin référent.
Le suivi des patients sera obligatoirement renseigné dans un Registre national électronique de suivi mis en place par l'ANSM (effets indésirables et efficacité). Les produits seront dispensés à la fois en pharmacie « à usage intérieur » (PUI) et en officines, seulement si le prescripteur a été formé et le registre de suivi renseigné.
Pour les patients ayant un bénéfice/risque favorable, le maintien de l'accès aux médicaments utilisés sera assuré durant toute la phase expérimentale.

 
Un protocole mené sur deux années et évalué par un comité pluridisciplinaire
Le calendrier de mise en œuvre de la phase expérimentale comprendra 6 mois de mise en place, 6 mois d'inclusion des patients, 6 mois de suivi des patients avec remise d'un rapport intermédiaire et 6 mois d'analyse des données.
Cette évaluation sera menée par un comité scientifique pluridisciplinaire composé notamment de représentants des patients. Ce comité sera chargé de l'analyse des données du registre, du suivi régulier des données de sécurité et de la rédaction des rapports d'étude.
De plus, il travaillera à l'élaboration d'un cahier des charges pour les fournisseurs des médicaments utilisés pour l'expérimentation, l'élaboration des formations (modules prescripteurs, dispensateurs et patients), la définition du contenu du registre, et la rédaction d'un guide de recommandations à destination des prescripteurs.
 
L'ANSM s'est engagée à préparer dès à présent les modalités techniques de mise en œuvre de l'expérimentation, avec les différents services de l'Etat concernés.
 

Pour aller plus loin 
Sur VIDAL.fr

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