#Santé publique

Santé mentale : débat public à l'Académie sur les psychotropes, le cannabis et les traitements du TDAH

Le 15 juin 2017, l’Académie de médecine a organisé un débat public intitulé "notre société est-elle pathogène ?" centré sur le bon usage des médicaments psychotropes, les difficultés posées par le TDAH ou encore l'addiction au cannabis.
 
Les nombreux intervenants (académiciens, psychiatres, associatifs et patients) ont d'abord dressé un état des lieux del’usage des psychotropes en France, les éventuels abus, incompréhensions médiatiques, sociétales et, a contrario, le bon usage de ces médicaments.
 
 Ils se sont aussi intéressés aux enfants "agités" et à la place du méthylphénidate (Ritaline et dérivés). Faut-il s'inspirer des Etats-Unis, où 10 % des enfants de 10 ans prennent quotidiennement ce dérivé amphétaminique ?

L’addiction au cannabis,  massive en France malgré la loi la plus répressive d'Europe, a ensuite fait l’objet de plusieurs interventions sur la problématique médicale et sociétale posée, à l'heure où un changement de législation est évoqué, et le rôle des professionnels de santé.
 
Enfin, une table ronde a été organisée avec 3 associations de patients et la mère d’un patient schizophrène pour débattre de la place des maladies mentales dans notre société et les leviers d’amélioration, avec un focus sur la psychoéducation et sur le programme Papageno de prévention de la contagion suicidaire.
 
Cet état des lieux a montré les difficultés actuelles dans notre société sur les problématiques des santé mentale. Cela a permis aussi de souligner le rôle, certes difficile, des professionnels de santé (avec en particulier le bon usage des médicaments à dispositionh, pas toujours aisé) et des aidants.

De nombreux leviers d’amélioration ont été évoqués : la détection précoce, la prise en charge encore plus personnalisée, la formation accrue des acteurs, le recours à des techniques, en particulier de soutien psychothérapeutique, qui ont fait leurs preuves, ou encore la place de l’éducation à l’école et des médias, notamment numériques, face à certains risques et événements.
15 juin 2017 Image d'une montre14 minutes icon Ajouter un commentaire
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Nathalie Pauwels, Jean-Pierre Olié, Isabelle Amado, Jean Constantin et Jean Adès ont répondu aux questions des journalistes sur ce débat public sur la santé mentale.

Nathalie Pauwels, Jean-Pierre Olié, Isabelle Amado, Jean Constantin et Jean Adès ont répondu aux questions des journalistes sur ce débat public sur la santé mentale.


Un débat placé sous le signe de l'impact sociétal de certains troubles psychiques et, parallèlement, sur la dimension psychogène de notre société
Lors d'une conférence de presse précédant le débat proprement dit, le Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre, ancien chef de service à St Anne et membre de l'Académie de médecine, a souligné que "les discussions et les controverses sur la santé mentale doivent être abordés avec le plus d'intelligence possible" : en médecine, tout évolue très vite, et notre société évolue elle-même très vite, avec de nouveaux comportements, en particulier des jeunes, peu évidents à cerner et / ou peu étudiés.
 
Par exemple,  les conséquences parfois psychiatriques graves que peuvent entraîner, pour des adolescents, des agressions sur les réseaux sociaux par une personne jamais rencontrée, sont-elles vraiment perçues, ou perceptibles même, par sa famille ? Son médecin traitant ?
 
L'objectif de ce débat public était donc de "proposer une information éclairée sur des thèmes donnant lieu à de raisonnables controverses dans notre environnement, y compris médical".

 
 Premier débat : "une société sous tranquillisants ?"
 Régulièrement, dans les médias, les "tranquillisants" sont tous confondus et synonymes d'abus, de dépendance.  Ils peuvent aussi être dénigrés au profit d'"alternatives naturelles", comme l'a rappelé le psychiatre David Gourion.
 
Pourtant, "sport, alimentation bio, élixirs à base de plantes et d'huiles essentielles, shiatsu, méditation, sophrologie, etc. peuvent certainement contribuer au bien-être des personnes stressées, mais elles ne soignent pas la vraie dépression, celle qui détruit lentement et en silence la vie affective, sociale et professionnelle".
 
Il est donc important de lever la confusion auprès de ces mêmes médias, et à terme de la société civile, entre les différents "tranquilisants" :
  • "tranquillisants" utiles en cas d'anxiété ou angoisse normale ou pathologique : les benzodiazépines. Ces médicaments, commercialisés depuis les années 60, sont également à risque de dépendance psychologique, voire physiologique (possibilité d'un syndrome de sevrage physique), comme la rappelé le Pr Patrick Hardy (psychatre, Kremlin Bicêtre). Ces médicaments sont également détournés de leurs indications par les personnes toxicomanes  et les criminels ("à des fins de soumission chimique"). Ils font aussi courir des risques au volant et augmentent le risque de chutes et fractures chez les plus âgés (Requena et al. 2016). D'où l'importance des sensibilisations actuelles et à venir, ainsi que des restrictions sur les prescriptions longues (pas plus de 3 mois), la nécessité d'ordonnances sécurisées pour certaines molécules (STILNOX récemment, voir notre article) et le retrait des produits les plus fortement dosés  (ex : LYSANXIA 40 retiré en 1998) pour tenter de limiter ces risques ;
  • "tranquillisants" pour lutter contre l'insomnie, hypnotiques ou non. Les mécanismes du sommeil sont encore mal connus et ces médicaments ne sont pas spécifiques : il n'existe pas de médicament agissant directement sur le mécanisme d'endormissement, et les solutions actuelles sont donc un pis-aller, certes criticable mais "vaut-il mieux dormir avec ou ne pas dormir" ?
  • "tranquillisants" contre la dépression. Le Pr Olié a rappelé que les antidépresseurs, en association avec une psychothérapie, ont longtemps été sous-utilisés en France, alors que de nombreuses études ont montré l'intérêt de cette association dans les épisodes dépressifs caractérisés depuis les années 90 (intérêt de la psychothérapie seule pour les épisodes dépressifs de faible intensité). La France a cependant rattrapé une partie de son retard, même si le Dr Jean-François Allilaire, psychiatre et académicien, souligne que l'utilisation de ces médicaments "est actuellement en augmentation partout… sauf en France". Le Pr Olié rappelle que 10 000 personnes meurent par suicide chaque année, d'où l'importance de mieux détecter et traiter la dépression ;
  • "tranquillisants" thymorégulateurs, au rapport bénéfices – risques largement démontré dans la prise en charge de la maladie bipolaire ;
  • "tranquillisants" antipsychotiques, qui ont également un intérêt médical majeur, notamment pour permettre de diminuer, espacer les crises des patients atteints de psychose.
 
La vraie question, selon les intervenants, est donc, au-delà du traitement médiatique, celle du bon usage, "à savoir prescrire le bon médicament à la bonne dose et à la bonne durée pour la bonne personne, seulement quand il est nécessaire, mais à chaque fois qu'il l'est".
 
Deuxième débat : "faut-il soigner les « enfants agités » ?"
Comme l'a rappelé le Pr Bruno Falissard, pédopsychiatre et académicien, l'hyperactivité avec déficit de l'attention (TDAH) "interroge notre société depuis plusieurs années".
 
Certes, les signes sont connus (impulsivité, hyperactivité motrice et déficit de l'attention), mais à partir de quel moment cela devient-il pathologique ? Un "enfant plein de vie et d'énergie", dynamique, créatif, spontané, enthousiaste, leader, fonceur, le tout dans un monde où tout doit aller vite, et donc agité en classe, notamment, relève-t-il de la psychiatrie ? Et s'il devient invivable, coupant sans arrêt la parole, insultant, disant tout ce qui lui passe par la tête ?
 
Selon le Pr Falissard, la difficulté est de placer le curseur, de déterminer si une prise en charge est nécessaire, en particulier en cas de souffrance majeure.

Et dans ce cas, faut-il utiliser le méthylphénidate (RITALINE et dérivés) ? Le Pr Falissard a bien sûr cité l'exemple des Etats-Unis. Dans ce pays, plus de 10 % des enfants de 10 ans prennent quotidiennement du méthylphénidate "proche structurellement d'une amphétamine , pour « soigner » leur hyperactivité.
 
Certes ces médicaments sont efficaces à court terme sur les symptômes, mais l'efficacité est mal connue à long terme, alors que les effets secondaires "sont bien répertoriés et relativement fréquents, comme des nausées, maux de tête, perte d'appétit, difficultés de sommeil". D'autres effets indésirables existent (tics, effets paradoxaux, abus, troubles cardiovasculaire, trouble de la croissance) mais sont plus rares.
 
Faut-il donc s'inspirer des Etats-Unis ? Le Dr Patrick Landman, pédopsychiatre, souhaite au contraire que cette opportunité médicamenteuse (auparavant aucun médicament n'existait pour ces conditions) ne soit pas gâchée par un surdiagnostic et une surprescription.
 
Les approches psychopathologiques avec repérage des éventuelles psychoses sous-jacente (le TDAH est fréquemment associé à d'autres troubles), puis recours aux psychothérapies cognitivo-comportementales en priorité peuvent constituer une approche plus raisonnée, réservant le méthylphénidate à certains cas résistant à ces approches, ou en association.  

L'hygiène de vie, le sport, l'alimentation, la lutte contre les injustices sociales, les mesures éducatives peuvent aussi être utiles "pour éviter d'importer le désastre américain", s'inquiète Patrick Landman.

[édit 16/6] Enfin, le Dr Landman estime que la prise en charge thérapeutique des enfants qui le nécessitent doit se faire "en refusant le paternalisme et en partenariat avec les parents". [/édit 16/6] 

 
Pour le Pr David Cohen, pédopsychiatre à la Pitié Salpétrière, il faut également ne pas simplifier, rechercher d'éventuels problèmes sous-jacents qui auraient pu déclencher une symptomatologiae de TDAH (exemple : dyslexie perturbant l'apprentissage, la concentration) et aborder l'enfant et sa famille "dans une perspective dimensionnelle qui prendra en compte les aspects organiques, psychomoteurs, cognitifs, cliniques, sociaux et familiaux afin de produire une hypothèse empirique de la situation individuelle de l'enfant" pour décider sa prise en charge.
 
L'addiction une maladie née de la rencontre entre l'addictivité de la personne et le pouvoir addictogène du produit (ou du comportement)
En introduction du troisième débat le Pr Jean Adès, académicien, ancien chef de service de l'hôpital Louis Mourier à Colombes, a dressé un état des lieux de la médicalisation des conduites addictives en France.
 
Les addictions, avec substance (licite ou illicite) ou sans (jeu pathologique, sexe, internet, travail, jeux vidéos, etc.), se caractérisent par un désir "souvent obsédant" de consommation de cette substance (ou de réalisation d'un comportement). Cette sensation de besoin intense est appelée aussi craving.

L'addiction se traduit aussi par une perte de contrôle des quantités consommées, la minimisation ou le déni ce cette consommation (ou comportement) et sa poursuite malgré les conséquences négatives.
 
Cette "prise au piège" d'une personne aliène sa liberté et a de multiples conséquences somatiques, psychopathologiques et sociales.
 
Le Pr Adès a ensuite introduit la notion d'addictivité :  des facteurs de vulnérabilité biologique, génétique, neurophysiologique, psychopathologiques (états dépressifs, anxieux, phobiques, schizophrénie, troubles de la personnalité) ou encore sociaux fragilisent des personnes vis-à-vis des addictions.
 
La maladie addictive est donc "la résultante de la relation entre l'addictivité du sujet et le potentiel addictogène d'un produit (très élevé par exemple pour l'héroïne et le tabac, plus faible pour l'alcool et le cannabis)". De ces variables découlent, logiquement, les stratégies de soins nécessaires.
 
Il s'agit donc bien d'une maladie, mais faut-il la médicaliser ?
 
Troisième débat : "addiction au cannabis : prévenir, soigner, dépénaliser ?"

Le cannabis fait des ravages chez les adolescents français
Le Pr Jean Costentin, pharmacologue, académicien, a rappelé à quel point l'usage précoce du cannabis, à l'adolescence, est délétère au niveau des fonctions cognitives et mnésiques, en particulier en cas d'usage régulier : ébriété, perturbation de l'attention, sédation, syndrome amotivationnel, perte de volonté, de la capacité de synthétiser, mémoriser, modification des perceptions auditives, voire troubles délirants.  
 
Il a rappelé que la concentration en THC (principe actif psychoactif du cannabis) augmente dans le cannabis en circulation en France, et que les jeunes Français étaient les plus gros consommateurs d'Europe : "300 000 adolescents l'expérimentent désormais entre 12 et 15 ans, à l'âge de la maturation cérébrale", lorsque la personnalité se structure.
 
Que faire pour protéger les adolescents de ces effets mnésiques et cognitifs ? Deux intervenants se sont succédés pour aborder le côté médical et le côté sociétal (loi, éducation).
 
Côté médical : En pratique, comment prendre en charge un consommateur régulier de cannabis ?
Pour le Pr Olivier Cottencin, chef de service de psychiatrie, CHRU Lille, il est tout d'abord indispensable d'évaluer si une addiction est présente, en recherchant des signes de dépendance (0,5 à 1 % de la population française), de perte de liberté de s'abstenir. Une consommation sans addiction peut aussi être problématique, en particulier à l'adolescence (cf. supra).

Par ailleurs, il faut s'intéresser aux modalités d'usage : le cannabis est-il utilisé en groupe, de manière festive, ou seul, dans un but "autothérapeutique" (douleur physique, psychique, ou trouble du sommeil) ? Est-ce un symptôme d'une crise familiale chez un adolescent ? D'une crise conjugale, perte d'emploi, décès, etc. ?
 
La recherche de comorbidités, psychiatriques ou non, de problèmes sociaux, de troubles induits (conséquence directe de la consommation ou du comportement addictif) fait aussi partie de cette évaluation, de même que l'évaluation de la qualité des relations à l'entourage.
 
La prise en charge dépend de ces éléments, permettant d'évaluer la nature du problème, et son contexte : est-ce à l'initiative de la personne elle-même  (peur pour sa santé) ? des parents ? De la police ou de la justice (injonction de soins) ? Du médecin traitant ?
 
La motivation du patient est également essentielle à évaluer : est-il non concerné (contraint par les autres), veut-il s'engager dans le changement, estime-t-il être une victime ?
 
Ces éléments permettent de définir une stratégie  thérapeutique :
  • pour les plus jeunes, les consultations jeune consommateur, dans chaque CSAPA, donnent accès à des psychiatres, psychologues, infirmiers et éducateurs pour l'aider à gérer la crise personnelle ou familiale en cause. Idem pour les adultes en injonction de soins, qui peuvent recourir aux CSAPA, aux CMP ou aux consultations d'addictologie.
  • En cas d'addiction, "maladie du système de récompense" chronique récidivante, "maladie du contrôle", "maladie des habitudes", le psychothérapeute va devoir tenter de créer de nouveaux apprentissages, travailler avec l'environnement de la personne.
  • Il n'existe pas de médicament indiqué dans cette addiction, même si des pistes de substitution existent (dronabinol par exemple, en cours d'évaluation). Par contre des médicaments à visée symptomatique, comme des anxiolytiques non benzodiazépiniques, peuvent être utilisés pour gérer la période de sevrage. LA photothérapie et la mélatonine sont aussi testées.
  • Le sevrage n'est pas le traitement de l'addiction, il faut lutter contre le risque de rechute, par la psychothérapie (thérapie cognitivo-comportementales, entreeten motivationnel et "management des contingences") et le soutien des proches et professionnels. Le Pr Cottencin souligne aussi l'utilité des thérapies familiales pour les jeunes consommateurs.
 
Faut-il changer la loi pour protéger les plus jeunes ? 
Comme l'a rappelé le Pr Alain Dervaux, psychiatre et addictologue au CHU d'Amiens, "les justifications de l'interdiction de l'usage du cannabis sont fondées sur la restriction de la liberté de faire ce que l'on veut de son corps pour l'ensemble de la population, afin de limiter les effets nocifs chez une minorité de sujets vulnérables".
 
Mais cette interdiction n'a pas empêché le développement d'une consommation de masse, et donc une absence de protection de cette minorité : malgré l'explosion des arrestations de consommateurs (180 000 en 2016), des trafiquants et l'augmentation régulière des interceptions de camions et voitures remplies de haschisch venant, notamment, de la vallée du Riff au Maroc, la consommation en France est la plus forte d'Europe et les mafias du cannabis prolifèrent sur tout le territoire.
 
Pour lutter contre cette inefficacité délétère, une modification de la loi de 1970 est régulièrement envisagée depuis la fin des années 90, mais de fait, elle n'a pas changé, du moins jusqu'à aujourd'hui, puisqu'Emmanuel Macron a annoncé une prochaine contraventionalisation de l'usage, au lieu de la judiciarisation actuelle.
 
Quelle que soit l'évolution législative choisie (nos voisins européens ont des politiques très différentes vis-à-vis du cannabis), elle devra, souligne le Pr Dervaux, s'accompagner de "mesures sanitaires pour protéger les sujets les plus vulnérables" :
  • Renforcer la prévention : une expertise collective de l'INSERM publiée en 2014 a montré que des interventions de prévention chez les jeunes ont fait la preuve de leur efficacité, en particulier en milieu scolaire (actuellement, seules 2 heures sont consacrées à cette question, dispensées par des policiers). Ces interventions visent à développer, de façon interactive, les compétences psychosociales des enfants (résister là l'influence des pairs, renforcer l'estime de soi, gérer les émotions, etc.) et des parents (fixer des limites, gérer les conflits).
  • Renforcer l'information sur les effets nocifs du cannabis sur la santé : effets cognitifs à court et long terme, risque de dépendance, effets cardiorespiratoires et vasculaires, grossesse, etc. Les risques d'une consommation couplée à celle de l'alcool doivent aussi être soulignés, et les professionnels des urgences devraient être formés à la gestion des "effets aigus potentiels de la consommation de cannabis" (attaques de panique, hallucinations, tachycardie, etc.). Les médias numériques devraient être utilisés pour véhiculer ces messages, en particulier ceux fréquentés par les adolescents.
  • Renforcer la réduction des risques : fumer du cannabis dans les 3 heures précédant la conduite multiplie par 2 le risque d'acciednt grave de la route. Or les tests salivaires actuels ne sont pas assez fiables pousr évaluer le moment de la consommation. Il faut donc les améliorer, organiser un système de "capitaine de soirée" qui ne prend pas de cannabis, comme pour l'alcool… et communiquer.
  • Renforcer l'offre de soins : les entretiens motivationnels avec les fumeurs réguliers ont montré leur efficacité. Il faudrait pouvoir en proposer régulièrement aux multiples individus concernés (3 % des adultes de 18 à 64 ans, 8 % des adolescents de 17 ans). La formation des professionnels de santé, sur cette dépendance et ses comorbidités, devrait aussi être renforcée. L'accès aux professionnels de la santé mentale devrait aussi être facilité pour les consommateurs.

Accompagner un éventuel assouplissement de la législation de telles mesures sanitaires permettrait probablement de mieux gérer la transition et d'éviter une sur-explosion de la consommation….
 
Table ronde : zoom sur la psychoéducation des familles...
Le Dr Isabelle Amado, psychiatre, hôpital St Anne (Paris), définit la psychoéducation comme "une intervention didactique et thérapeutique qui vise à informer les patients et leurs familles sur les différents aspects du trouble psychiatrique et promouvoir les capacités pour y faire face".
 
Cela prend la forme d'un processus continu d'apprentissage intégré aux soins, avec pour les patients, acquisition de connaissances sur la maladie, la gestion des enjeux psychologiques et les stratégies pour modifier les comportements inadéquats.
 
La psychoéducation aide à l'acceptation de la maladie, promeut la coopération active, la mise en œuvre d'une "alliance thérapeutique".
 
La psychoéducation est aussi utile aux aidants, en particulier ceux de patients schizophrènes, qui subissent des pathologies (dépression par exemple), hospitalisations, arrêts de travail liés à leur condition d'aidants confrontés à une maladie difficile au quotidien.
 
Pour aider les aidants de patients schizophrènes, le programme québécois Profamille, qui insiste "sur la nécessité pour les proches de rendre soin d'eux et d'éviter toute pression culpabilisante", est le plus utilisé.

Il se déroule en groupe, avec si besoin des séances individuelles, et donne de bons résultats : objectivation d'une réduction des jours d'hospitalisation des patients schizophrènes "comparable à celle d'un traitement médicamenteux" et amélioration de l'humeur des familles.

L'approche psychoéducative, à l'efficacité démontrée dans plusieurs études, souffre malheureusement d'un manque de motivation des professionnels de santé mentale pour ces programmes. De plus, les familles sont souvent épuisées et ne prennent pas le temps de faire toutes ces séances. Pourtant, le Dr Amado estime qu'elle devrait désormais "être systématiquement proposée à l'entourage familial et à tus les patients avec schizophrénie".

… et zoom sur la contagion suicidaire
Le suicide est un problème majeur de santé publique : 10 700 morts en France métropolitaine en 2012, sur 200 000 tentatives. Un suicide manqué expose à un risque majeur de récidive et à l'émergence de troubles psychiatriques supplémentaires.

L'entourage est aussi affecté, peut développer des maladies psychiatriques.
 
En sus de cet impact majeur, un phénomène de contagion est à craindre après chaque suicide : Nathalie Pauwels, chargée du déploiement du programme Papageno (programme de gestion des conséquences du suicide, cf. infra), rappelle que les personnes exposées directement ou indirectement (médias, réseaux sociaux) ont un risque de suicide augmenté, comme en témoignent des successions de suicides dans des entreprises, hôpitaux, au bord de falaises, etc.
 
Les personnes vulnérables seraient particulièrement sensibles à un "processus d'identification mimétique", expliquant cette contagion.
 
Comment lutter contre cette contagion ? Il faut "prévenir l'effet Werther", nom donné à une "diffusion médiatique inappropriée d'un suicide", qui serait à l'origine d'un phénomène d'imitation, de contagion.
 
La prévention de cet effet Werther passe par l'information juste, préventive, qui déclenche un effet protecteur appelé "Papageno". 

Ce nom a été donné par analogie avec le comportement du personnage de la Flûte enchantée, de Mozart : Papageno veut se pendre, mais trois garçons l'en empêchent et l'invitent à choisir une autre voie, à utiliser ses clochettes magiques pour retrouver "sa petite femme, sa colombe, sa Papagena" (vidéo via preventionsuicide.info)  :

 

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 Cet effet Papageno est suscité par une information objective sur le suicide, l'idéation suicidaire, les signes avant-coureurs, faire preuve de respect, indiquer où trouver de l'aide.

A l'inverse, il ne faudrait pas présenter un suicide comme la conséquence d'un événement ponctuel (90 % des personnes décédées par suicide présentaient des troubles mentaux ou des addictions), ne pas interpréter sur les motivations, les causes, ne pas donner de détails morbides (description détaillée de la méthode par exemple), ne pas faire de sensationalisme, de moralisation, ne pas être péjoratif et, surtout, ne pas mettre à la Une de l'actualité un suicide, pour limiter les comportements d'imitation.
 
Le programme Papageno vise à mettre en œuvre ces effets protecteurs, notamment en collaborant avec les médias, en sensibilisant les professionnels de la santé mentale, en luttant contre les phénomènes d'imitation sur les réseaux sociaux. Ce programme vise aussi à faciliter l'accès aux soins aux personnes en souffrance.
 
En conclusion : prendre la santé mentale (encore plus) au sérieux !
Ce débat public et ses intervenants expérimentés et passionnés, dont les messages-clefs ont été longuement résumés ci-dessus, a permis d'aborder quelques-unes des difficultés rencontrées actuellement en santé mentale en France, auxquelles il faut ajouter, en particulier, des problèmes de démographie (se traduisant par des difficultés d'accès aux soins psychiatriques ou psychologiques, retards au diagnostic, etc.).
 
Comme souligné en conférence de presse avant le débat, les médias ont un rôle à jouer pour limiter la stigmatisation, les amalgames et encourager l'éducation, la sensibilisation, la prévention et le bon usage. Les pouvoirs publics ont bien sûr aussi un énorme rôle à jouer, en particulier pour la prévention, la sensibilisation et l'accès aux soins. Quant aux professionnels de santé, leur investissement, leur empathie et la personnalisation de leurs prises en charge sont autant d'atouts précieux pour lutter contre ces maladies... comme les autres. 

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