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Hypertension artérielle et dysfonction érectile : quelle prise en charge ? Recommandations de la SFHTA

Les troubles de l’érection des patients hypertendus peuvent être dus à l’hypertension elle-même ou à une autre cause, vasculaire ou non.  
 
Afin d’aider à la prise en charge de ces troubles, insuffisante et hétérogène, la Société Française d’Hypertension Artérielle (SFHTA) vient de publier un consensus d’experts.
 
Vous pouvez télécharger ce consensus en cliquant ici 1 (fichier PDF en français) et/ou en lire le résumé ci-dessous.
20 décembre 2018 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Dépister une éventuelle dysfonction érectile chez tous les patients hypertendus
Les experts réunis par la Société Française d'Hypertension Artérielle (Marie-Hélène Colson, Béatrice Duly-Bouhanick, Eric Huyghe, Jean-Marc Boivin, Jacques Blacher, Claire Mounier-Véhier, Eric Ruspini, Joël Juis, Thierry Denolle et Jean-Pierre Fauvel) estiment que "le dépistage d'une dysfonction érectile est insuffisant" chez les patients hypertendus.
 
Or les patients ont du mal à parler spontanément de cette "incapacité persistante ou répétée à obtenir et/ou maintenir une érection suffisante pour permettre une activité sexuelle satisfaisante", bien que son retentissement psychologique soit important.
 
Les experts préconisent donc que les médecins abordent systématiquement et fréquemment ce sujet lorsque des patients hypertendus les consultent :
  • lors de la consultation d'annonce de l'hypertension ;
  • dans les 6 mois suivant l'introduction d'un nouvel antihypertenseur ;
  • face à certains comportements : conseils alimentaires non suivis, médicaments non pris, patient demandant si certains médicaments sont vraiment nécessaires ou s'interrogeant sur des risques d'effets secondaires ;
  • face à certaines plaintes : fatigue, "humeur dépressive", difficultés conjugales ;
  • en cas de survenue d'une complication cardiovasculaire ou rénale.  
 
Exemples de questions pouvant être posées
Le moment du dépistage des troubles de l'érection doit avoir lieu plutôt en milieu de consultation, quand une relation de confiance est établie, et avec tact bien sûr.
 
Voici 6 exemples de questions pouvant être posées :
  • Avez-vous des problèmes d'érection ?
  • Vous arrive-t-il d'avoir des soucis sexuels ?
  • Vous arrive-t-il d'avoir des pannes sexuelles ?
  • Y a-t-il d'autres problèmes qui vous gênent ?
  • Les troubles sexuels sont fréquents chez les hypertendus, souhaitez-vous recevoir des informations sur ce sujet ?
  • Certains médicaments contre l'hypertension peuvent avoir des effets sur la sexualité. Est-ce que vous souhaitez que l'on en parle ? Souhaitez-vous rencontrer un autre médecin pour ce problème ?
 
Un auto-questionnaire comme l'IIEF 6 peut être utilisé en complément de l'interrogatoire.

Une échelle visuelle de cotation de l'érection, appelée IIEF-EF, peut aussi être utilisée (DE = dysfonction érectile) :
 

La dysfonction érectile chez le patient hypertendu, un "marqueur de risque cardiovasculaire"
Une analyse spécifique des données de la cohorte MESA (Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis), publiée en juin 2018 dans Circulation 2, a montré que l'existence de troubles de l'érection doublait le risque d'événements cardiovasculaires graves chez les hommes de plus de 60 ans, même après ajustement pour plusieurs autres facteurs de risque validés (voir notre article sur cette publication). 


Lorsque des dysfonctions érectiles sont dépistées chez un patient hypertendu, les médecins doivent alors logiquement s'interroger sur l'origine de ces troubles, même si la cause la plus fréquente est cardiovasculaire :
  • Est-ce lié à l'hypertension elle-même (les causes vasculaires, en particulier l'hypertension, sont les premières causes de dysfonction érectile) ?
  • A une autre cause, vasculaire (maladies cardiaques, artérites, athérosclérose) ou non (diabète, maladies neurologiques, troubles psychologiques, psychiatriques, chirurgie de la prostate, lésions traumatiques, etc.) ?
  • A la prise d'un médicament ? 50 % des sujets de plus de 65 ans sont hypertendus et les médicaments utilisés dans l'HTA sont susceptibles d'engendrer ou d'aggraver une dysfonction érectile.
 
Ces questions guident donc logiquement la suite de l'interrogatoire, l'examen clinique et les éventuels examens complémentaires.
 
Après avoir dépisté une dysfonction érectile, préciser les troubles et leur contexte
Il est important d'interroger le patient concerné sur la nature et l'intensité des troubles érectiles (qualité des érections nocturnes/matinales, dysfonction érectile, baisse de la libido, réduction de la fréquence des rapports sexuels), de déterminer un éventuel rapport chronologique entre la mise en place du traitement antihypertenseur et l'installation de ces troubles et d'interroger sur la prise antérieure de traitements symptomatiques de la dysfonction érectile (efficacité, tolérance).
 
Le recueil des antécédents personnels et familiaux de maladie cardiovasculaire précoce, l'évaluation d'éventuelles addictions (tabac, alcool, autres), de paramètres généraux (activité physique, sommeil, fatigue, irritabilité, anxiété, etc.), des attentes et de la motivation fait aussi partie de l'interrogatoire en cas de dépistage de tels troubles.
 
Un examen clinique à la recherche de causes non vasculaires
Outre l'examen cardiovasculaire, l'examen clinique vise à éliminer d'autres causes plus rares de troubles érectiles :
  • Examen du pénis avec recherche d'une maladie de Lapeyronie.
  • Toucher rectal en cas de troubles mictionnels, examen systématique après 50 ans.
  • Recherche d'une augmentation du volume des seins (gynécomastie), d'une anomalie des testicules, de sueurs anormales, d'une réduction de la masse ou de la force musculaire, ces signes évoquant une cause secondaire non vasculaire (déficit en testostérone par hypogonadisme par exemple).
  • Recherche de signes cliniques d'un alcoolisme éventuel mais non mentionné (tremblements des mains, rougeur du visage, érythrose palmaire, hépatomégalie, etc.).
 
Repérer les cas complexes, plus graves pour mettre en place une prise en charge pluridisciplinaire
L'interrogatoire (tabagisme), l'examen clinique (tension) et le niveau de cholestérol dans le sang peuvent permettre de déterminer le risque cardiovasculaire, grâce à l'outil européen SCORE (recommandé par la HAS, voir notre article). Cela permet de repérer les patients à risque élevé et donc d'adapter la prise en charge, si besoin avec l'aide d'un spécialiste.
 
Les auteurs du consensus d'experts de la SFHTA listent aussi plusieurs situations complexes nécessitant une prise en charge multidisciplinaire (médecin traitant, cardiologue, spécialiste de ces troubles -sexologue, urologue ou endocrinologue-, pharmacien et, si besoin, infirmier) :
  • HTA résistante, sévère.
  • Antécédents de complications cardio-vasculaires.
  • Gravité de la dysfonction érectile.
  • Peu de ressources financières dans le couple.
  • Anxiété.
  • Dépression.
  • Diabète.
  • Neuropathie.
  • Autre dysfonction sexuelle surajoutée.
 
Des examens pour explorer le risque cardiovasculaire
Comme pour tout patient hypertendu, les experts recommandent d'effectuer les examens suivants :
  • glycémie à jeun chez le non diabétique ;
  • HbA1c chez le patient diabétique si elle date de plus de 3 mois ;
  • cholestérol, triglycérides, HDL et LDL cholestérol si les explorations datent de plus de 1 an ou si le patient n'est pas aux objectifs ;
  • créatininémie pour évaluer le débit de filtration glomérulaire (eDFG par CKD-EPI) ;
  • recherche d'une protéinurie sur échantillon urinaire exprimée sous forme d'un ratio protéinurie/créatininurie ;
  • électrocardiogramme de repos.
 
Si besoin, un bilan hormonal peut être utile
En présence de signes cliniques évoquant un dysfonctionnement testiculaire (hypogonadisme), les auteurs recommandent un bilan hormonal complémentaire :
  • Dosage de la testostérone sanguine à jeun et à deux reprises (les concentrations de testostérone présentent des variations journalières significatives et peuvent être modifiées par l'alimentation). En cas de résultat inférieur à la norme, les auteurs recommandent d'adresser le patient à un spécialiste pour des explorations complémentaires.
  • Dosage de la prolactine sanguine en cas de suspicion clinique d'hyperprolactinémie (diagnostic peu évident, pouvant être guidé par la présence d'une gynécomastie, voir VIDAL Reco "Hyperprolactinémie").
  • Dosage de la TSH en cas de suspicion clinique d'hypothyroïdie ou d'hyperthyroïdie.
 
Autres examens possibles en fonction du contexte
Un doppler des artères hypogastriques et péniennes avant et après injection d'EDEX peut être prescrit par un spécialiste pour évaluer la gravité des atteintes vasculaires et leur possible retentissement.
 
En cas de risque cardiovasculaire intermédiaire ou élevé identifié avec l'échelle SCORE, une épreuve d'effort est recommandée (Consensus de Princeton).
 
Quel traitement antihypertenseur ?
Les auteurs rappellent tout d'abord que les antihypertenseurs affectent faiblement la fonction érectile, même si les patients leur attribuent souvent la cause de leurs troubles.
 
Néanmoins il convient, comme rappelé ci-dessus, de détecter un éventuel rapport chronologique entre la mise en place du traitement antihypertenseur et l'installation de ces troubles (ou entre l'arrêt d'un médicament et la restauration de la fonction érectile, ce qui laisse présumer de la responsabilité de ce médicament).
 
En l'absence de facteurs de risque cardiovasculaire, un antihypertenseur peut être arrêté sans avis cardiologique préalable. Dans le cas contraire, il faut donc recourir à l'avis d'un cardiologue avant d'éventuellement modifier le traitement.
 
Les auteurs indiquent que les antihypertenseurs les plus récents (inhibiteurs de l'enzyme de conversion, antagonistes de l'angiotensine II, inhibiteurs calciques, bêtabloquants vasodilatateurs comme le céliprolol, le carvédilol et le nébivolol) ont des effets neutres, voire bénéfiques, sur la fonction érectile et sont donc à privilégier
 
Quels médicaments pour prendre en charge la dysfonction érectile, si c'est nécessaire et possible ?
Si le patient est incapable de marcher à plat 1,5 km pendant 20 minutes ou de monter les escaliers sur deux étages en 10 secondes (ce qui équivaut aux efforts physiques requis pour un rapport sexuel), l'activité sexuelle sera chez lui contre-indiquée.

Dans les cas simples, non compliqués, la prescription d'inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 (sildénafil, tadalafil, avanafil et vardénafil) associée à des conseils d'utilisation et psychologiques est efficace et bien tolérée chez les patients hypertendus.
 
Il ne faut par contre pas utiliser de dérivés nitrés moins de 24 heures avant la dernière prise de sildénafil, vardénafil ou avanafil, et moins de 48 heures après la prise de tadalafil.
 
En cas de contre-indication ou d'échec de ces médicaments, ou si le patient préfère de telles solutions, des injections intra-urétrales ou intra-caverneuses d'alprostadil peuvent être proposées, en sachant que l'alprostadil doit être utilisé avec prudence en cas d'antécédents d'accident ischémique transitoire ou de troubles cardiovasculaires instables, ainsi que chez les patients présentant des facteurs de risque d'accident vasculaire cérébral.  
 
Dans les rares cas de dysfonction érectile ne répondant pas aux traitements pharmacologiques, la chirurgie de mise en place d'un implant pénien peut être envisagée.
 
Arbre décisionnel du chemin clinique chez un patient hypertendu présentant une dysfonction érectile
Voici l'algorithme décisionnel proposé par les experts regroupés par la SFHTA (DE = dysfonction érectile ; CV = cardiovasculaire) :


 

En savoir plus :
  1. Chemin clinique pour le dépistage et la prise en charge de la dysfonction érectile des hypertendus, consensus d'experts, Recommandation de la Société Française d'Hypertension Artérielle (SFHTA), décembre 2018
  2. Erectile dysfunction as an independent predictor of future cardiovascular events: the Multi-Ethnic Study of AtherosclerosisUddin SMI, Mirbolouk M, Dardari Z, et al., Circulation. Volume 137, Issue 25, June 19, 2018

Sur VIDAL.fr : 
Risque cardiovasculaire : nouvelles données favorables à une valeur prédictive de la dysfonction érectile (juin 2018)

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