Un dépistage systématique de l'infection à CMV au cours du 1er trimestre à expérimenter.DeanDrobot / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Près d'une femme enceinte sur trois a reçu un dépistage sérologique de l'infection à cytomégalovirus (CMV) en 2022-2023 en France, avec d'importantes disparités géographiques, selon une étude de la mission Data de la Haute autorité de santé (HAS).
Après son avis favorable à un dépistage systématique de l'infection à CMV au premier trimestre chez la femme enceinte, rendu en juin (cf. article VIDAL du 26 juin 2025), la HAS a été saisie par la direction générale de la santé (DGS) pour élaborer des recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge et le suivi des femmes dépistées et des supports d'information. Elle a publié lundi une note de cadrage sur cette mission, pour laquelle un premier groupe de travail est prévu mi-janvier 2026, avec une fin des travaux prévue fin mars 2026.
La possibilité de mettre en place ce dépistage systématique est prévue dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2024, après avis de la HAS. Ce sujet est débattu depuis de nombreuses années, émaillées de multiples avis négatifs de l'Agence nationale d'accréditation en santé (Anaes, aujourd'hui HAS) en 2004 et du Haut conseil de la santé publique (HCSP) en 2018 et 2023, ce dernier estimant les éléments insuffisants pour démontrer le bénéfice d'une telle stratégie, rappelle-t-on.
L'objectif de ce dépistage est de pouvoir enrayer la transmission verticale, responsable de graves séquelles chez le fœtus. Toutefois, en 2025, aucun antiviral ne dispose d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour prévenir secondairement la transmission verticale du CMV et donc la survenue d'une atteinte fœtale en cas d'infection maternelle, qu'elle soit primaire ou non primaire. "Cependant, deux options thérapeutiques sont en cours d'évaluation: un traitement antiviral (valaciclovir) et des immunoglobulines", note la HAS.
La réalisation d'une sérologie ciblée pour identifier les femmes à risque a été suggérée par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) en 2018, sans qu'un référentiel de prise en charge et de suivi ait été publié par la suite, souligne la haute autorité.
Elle a rendu en juin un avis favorable à la mise en place de ce dépistage de façon systématique "pour toutes les femmes enceintes séronégatives ou de statut inconnu, au cours du premier trimestre de grossesse". Elle préconise d'expérimenter cette stratégie pendant trois ans, et de la réévaluer à ce terme "afin de décider de sa poursuite ou non sur la base de données complémentaires", rappelle-t-on.
Dans le cadre de ses travaux, la mission Data de la HAS a réalisé une étude observationnelle à partir des données du système national des données de santé (SNDS) sur les femmes ayant accouché en 2022 et 2023 en France en établissement de santé, âgées de 18 à 50 ans, afin de connaître les pratiques de dépistage de l'infection à CMV et de prescription du valaciclovir -traitement susceptible de limiter la transmission au fœtus, mais qui n'a pas l'indication- au cours de la grossesse.
Il en ressort que des tests sérologiques, par recherche des IgG et des IgM anti-CMV, ont été effectués durant la grossesse ou dans les 14 jours précédant la date de conception chez 27,5% des femmes ayant accouché en 2022 et 31,7% en 2023, soit une augmentation de 4,2 points entre les deux années -alors que le nombre de grossesses a diminué de 7,8% dans le même temps.
La fréquence du recours à ces tests était très hétérogène en fonction des régions et départements: plus de 40% en Ile-de-France, Corse et Grand Est, environ 15% en Bretagne, Normandie, Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes. A l'échelle des départements, cette fréquence allait jusqu'à 69% en Haute-Vienne et plus de 60% en Alsace, et il y avait un gradient est-ouest en Ile-de-France.
Le valaciclovir prescrit pour 528 grossesses en 2022-2023
Les prescriptions de valaciclovir -hors AMM- pendant la grossesse ont concerné, en 2022-2023, 528 grossesses, soit 4,1 pour 10.000 grossesses: 3,3 pour 10.000 en 2022 et 4,9 pour 10.000 en 2023, là encore avec des disparités sur le territoire.
La majorité des prescriptions initiales de valaciclovir (79%) a été faite par des médecins salariés d'établissements hospitaliers, publics ou privés, et plus de la moitié de ces prescriptions initiales provenaient d'un CHU ou CHR. Huit établissements ont réalisé la moitié des prescriptions hospitalières et 38% de l'ensemble des prescriptions. Les médecins libéraux ou sages-femmes exerçant en ville ou à l'hôpital ont été à l'origine de 20% des prescriptions.
Les prescripteurs de valaciclovir sont principalement localisés en Ile-de-France (9,8 pour 10.000), qui regroupe 54% des prescriptions initiales (29% à Paris), et Pays de la Loire (6,8 pour 10.000) représentant 9% des prescriptions initiales, mais la pratique existe dans toute la France, excepté la Corse.
Entre 2022 et 2023, la pratique de prescription du valaciclovir pendant la grossesse a globalement augmenté, et de façon plus marquée en Bretagne et Centre-Val de Loire.
La HAS rappelle qu'elle a préconisé dans son avis de juin la réalisation d'études pour lever les incertitudes énoncées (données épidémiologiques nationales, sécurité du valaciclovir, effet du valaciclovir sur les infections du fœtus/nouveau-né, performance globale de la séquence des tests, surveillance du développement des complications chez le nouveau-né à moyen et long terme, pour les femmes enceintes ayant été sous traitement, etc.).
En attendant de réunir ces éléments, elle estime que l'on peut considérer comme "fondée" l'hypothèse d'une efficacité du valaciclovir, après analyse critique de la littérature et en particulier d'un essai clinique randomisé princeps de Shahar-Nissan et al. de 2020 et "l'enrichissement apporté par les données observationnelles".
Quant aux immunoglobulines hyperimmunes anti-CMV, elles n'ont pas montré une efficacité probante dans la prévention de la transmission verticale, note-t-elle.
L'ensemble de ces données sera mis à jour dans le cadre de l'élaboration de ces recommandations de bonnes pratiques, indique la HAS.
Par ailleurs, en matière de prévention primaire de l'infection maternelle pour les femmes séronégatives, aucun vaccin n'est disponible en 2025. Celui de Moderna (mRNA-1647) qui était en phase III de développement clinique, a été arrêté après des résultats négatifs, a annoncé le laboratoire en octobre.
D'après une dépêche publiée dans APMnews le 25 novembre 2025.
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