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Infection à cytomégalovirus : la HAS recommande un dépistage systématique pendant la grossesse

La HAS recommande de dépister l'infection à cytomégalovirus (CMV) de façon systématique chez les femmes enceintes dont le statut sérologique est négatif ou inconnu. Elle y associe plusieurs conditions, dont la réévaluation du dispositif au bout de 3 ans.

David Paitraud
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En cas de statut sérologique négatif ou inconnu.

En cas de statut sérologique négatif ou inconnu.Kitsawet Saethao / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Dans un avis publié début juin, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande de mettre en place un dépistage systématique de l'infection par le cytomégalovirus (CMV), au premier trimestre de grossesse, chez toutes les femmes enceintes dont le statut sérologique est négatif ou inconnu.

Jusqu'à présent, les autorités de santé ne recommandaient pas ce dépistage.

À ce jour, environ un tiers des femmes enceintes bénéficient cependant de ce dépistage en France, mais celui-ci est réalisé de manière hétérogène sur le territoire national.

La HAS préconise d'accompagner la mise en place du dispositif de dépistage :

  • en mettant à disposition des supports d'information à destination des femmes enceintes ; 
  • en renforçant la formation des professionnels de santé ;
  • en évaluant les outils diagnostiques ;
  • en assurant un bon usage du valaciclovir en cas d'utilisation chez la femme enceinte, notamment pour réduire le risque de toxicité rénale. 

Si le ministère décide de suivre cette recommandation, la HAS recommande de réaliser une évaluation 3 ans après la mise en place du dépistage. Les résultats de cette évaluation conditionneront la reconduction de ce dispositif. 

La Haute Autorité de santé (HAS) a émis un avis favorable au dépistage systématique de l’infection à cytomégalovirus (CMV) chez les femmes enceintes dont le statut sérologique est négatif ou inconnu [1, 2]. En outre, elle conditionne la reconduction de ce dispositif à une évaluation réalisée à l'issue d'une période de 3 ans.

Le dépistage pour prévenir les séquelles d'une exposition fœtale au CMV

L’objectif du dépistage systématique est de prévenir les séquelles potentiellement graves chez l'enfant à naître. Pour rappel, l’infection par le CMV peut entraîner des atteintes graves, auditives et neurologiques, en cas d'infection maternelle (cf. Encadré 1).

Pour établir sa recommandation, la HAS a pris en compte un ensemble d'éléments d'ordre technique, médical et sociologique : 

  • le fardeau que représente l’infection par le CMV ;
  • les performances des tests sérologiques ;
  • les données sur le traitement par valaciclovir ;
  • les bénéfices potentiels du dépistage ;
  • les enjeux éthiques ;
  • les pratiques en France et les recommandations à l’étranger.
Encadré 1 - L'infection à CMV en quelques chiffres (France [1])
  • Selon des données de 2010, la séroprévalence du CMV chez les femmes de 15 à 49 ans est de 45,6 %. Mais elle varie fortement selon les régions, atteignant jusqu’à 90 % dans les départements et régions d’outre-mer.
  • L’infection par le CMV toucherait de 1 % à 4 % des femmes enceintes, étant asymptomatique dans 90 % des cas.
  • L'infection peut être primaire (primo-infection) ou non (réactivation ou réinfection). 
  • La primo-infection maternelle a un risque élevé de transmission verticale du CMV au fœtus (de 36,8 % au 1er trimestre), à l'origine de séquelles graves possibles chez le fœtus, notamment auditives et neurologiques. Le risque de séquelles a été estimé entre 51 % et 57 % chez les fœtus ayant contracté une infection congénitale secondaire à une primo-infection au 1er trimestre de grossesse
  • les infections non primaires, bien que moins transmissibles (< 3,5 %) peuvent aussi entraîner des séquelles auditives et neurologiques chez le fœtus. Ce risque de séquelles graves serait plus faible qu'en cas d'infection primaire. 

Une recommandation en rupture avec les positions précédentes

La nouvelle recommandation de la HAS est en rupture avec celles émises au cours des précédentes années. Jusqu’à présent, les autorités sanitaires françaises ne recommandaient pas de dépistage systématique, faute de preuves sur l’efficacité des traitements et des incertitudes concernant le rapport bénéfice/risque.

En 2024, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) avait en effet maintenu sa position émise en 2018 en défaveur de la mise en œuvre systématique de ce dépistage pendant la grossesse (cf. notre article du 15 février 2024). 

« Toutefois, la diffusion progressive du dépistage et l’usage croissant du valaciclovir, malgré l’absence d’AMM, ont conduit à une remise en question de cette position », note la HAS en introduction de son avis publié en juin 2025 et réalisé à la demande de la direction générale de la Santé (DGS).

Bien que non recommandé, le dépistage du CMV est effectué chez environ un tiers des femmes enceintes en France, mais de manière hétérogène sur le territoire, « ce qui induit des inégalités de prise en charge ».  

Chez les femmes enceintes séronégatives ou de statut sérologique inconnu

La réalisation de ce dépistage doit être programmée au premier trimestre de grossesse chez toutes les femmes enceintes séronégatives ou de statut sérologique inconnu. La séquence des examens sérologiques de dépistage recommandée (IgM, IgG, avidité IgG) s'intégrera dans la liste des examens proposés aux femmes enceintes au premier trimestre de grossesse. 

Une recommandation sous conditions

À l’issue de son analyse, la HAS conditionne le dépistage systématique aux exigences suivantes : 

  • informer les femmes enceintes afin de garantir leur consentement libre et éclairé et de les sensibiliser aux mesures d’hygiène préventive destinées à limiter le risque d’infection, en particulier chez les femmes séronégatives ; 
  • former les professionnels dans le cadre du déploiement du dispositif, afin d’assurer une mise en œuvre homogène et conforme aux recommandations ;
  • évaluer les outils diagnostiques, c'est-à-dire la performance des tests de dépistage ;
  • accompagner le bon usage du valaciclovir chez les femmes enceintes pour prendre en compte le risque néphrotoxique (cf. Encadré 2).
Encadré 2 - Recommandations de bon usage du valaciclovir relayées par la HAS

Le valaciclovir est le seul traitement médicamenteux actuellement disponible pour limiter la transmission du CMV au fœtus en cas de séropositivité maternelle.

Les données disponibles sur ce traitement ne montrent aucun signal de tératogénicité (anomalie ou déformation fœtale) sur la période 2007-2023.

Pour limiter le risque néphrotoxique associé au valaciclovir en cas de traitement chez la femme enceinte, la HAS émet les recommandations suivantes : 

  • assurer une hydratation suffisante pour éviter les effets secondaires rénaux ;
  • administrer le traitement en plusieurs doses réparties sur le nycthémère ;
  • éviter l’administration concomitante de médicaments potentiellement néphrotoxiques ;
  • mettre en place une surveillance obstétricale adaptée à titre de sécurité (bien que le valaciclovir n’ait pas montré de risques particuliers sur le développement du bébé dans les études disponibles).

Et des nouvelles données à collecter

La HAS préconise par ailleurs la réalisation d’études pour lever les incertitudes concernant :

  • les données épidémiologiques nationales (séroprévalence maternelle, fréquence et gravité des complications néonatales et chez l’enfant) ;
  • les données d'efficacité et de sécurité sur le valaciclovir : 
    • la sécurité du valaciclovir sur le long terme et à plus large échelle,
    • l’effet du valaciclovir sur les infections du fœtus/nouveau-né (fréquence et gravité des complications néonatales et chez l’enfant),
    • la surveillance du développement des complications chez le nouveau-né à moyen et long terme, pour lesquels les mères auraient été traitées pendant leur grossesse par valaciclovir, au moyen d'études prospectives en conditions réelles ;
  • la performance globale de la séquence des tests (IgG, IgM, avidité IgG) incluant le test de confirmation diagnostique ;
  • la fréquence, en vie réelle, des situations nécessitant une reprise de la sérologie chez les femmes enceintes, notamment l’avidité des IgG, à travers des études observationnelles prospectives.

Au ministère de la Santé de décider 

Il revient maintenant au ministère de la Santé de décider de la mise en œuvre ou pas de ce dépistage, conformément aux recommandations de la HAS et en considérant les conditions et les limites posées par cette dernière. 

Selon l'article 44 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 [3] qui prévoit ce dépistage, un décret déterminant les modalités de mise en œuvre du programme doit être publié. Il est également prévu que « le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'évaluation du programme au plus tard un an après sa mise en place ».

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