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Traitement par 5-FU ou capécitabine : de l'obligation de dépister un déficit en DPD

Le signalement d'un cas grave de toxicité rapporté en 2024 chez un patient traité par capécitabine conduit l'ANSM à rappeler les règles de prescription et de délivrance des fluoropyrimidines. Le dépistage du déficit en DPD est obligatoire avant d'initier ce type de traitement.

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Fluoropyrimidines : des règles de prescription qui s'appliquent à l'hôpital et en ville.

Fluoropyrimidines : des règles de prescription qui s'appliquent à l'hôpital et en ville.Ridofranz / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) réagit à la publication récente de deux rapports en lien avec la sécurité des traitements par fluoropyrimidines [1, 2] : 

  • le rapport annuel sur les toxicités graves signalées avec des spécialités de 5-fluorouracile (5-FU) et capécitabine (XELODA et génériques) : l'ANSM rappelle la nécessité de dépister un déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) avant d'initier ce type de traitement ; 
  • l'enquête nationale évaluant le respect des mesures de sécurisation de l'usage des fluoropyrimidines dans les hôpitaux : l'ANSM relaie les propositions d'actions émises par le ResOMEDIT. 

Pas de délivrance du traitement sans résultats du test d'uracilémie

Le septième rapport d’enquête de pharmacovigilance portant sur les fluoropyrimidines [3] fait état d'un cas grave évitable rapporté en 2024 chez un patient traité par de la capécitabine en ville, pour un cancer du rectum.

L'analyse conclut à un non-respect des conditions de prescription et de délivrance de ce médicament : 

  • le prescripteur a établi et remis l'ordonnance de capécitabine avant de disposer des résultats de l'uracilémie. Le patient avait pour antécédent une surdité bilatérale partiellement appareillée et n’a pas compris les consignes du médecin, à savoir attendre le résultat avant de débuter la cure ; 
  • le pharmacien a délivré le médicament à partir de l'ordonnance sur laquelle la mention « Résultats d'uracilémie pris en compte » n'apparaissait pas ; 
  • les résultats d'uracilémie ont révélé que le patient présentait un déficit complet en DPD. Il a été pris en charge en réanimation et son évolution a été favorable. 

« Ce nouveau cas confirme que la mobilisation et la vigilance de tous les acteurs de la chaîne de soins doivent être maintenues », souligne l'ANSM. 

Depuis 2019, la prescription et la délivrance des fluoropyrimidines sont encadrées par les dispositions suivantes (cf. nos articles des 9 mai 2019, 28 septembre 2023 et 6 juin 2024) :

  • l'obligation de réaliser un test d'uracilémie avant d'initier un traitement par 5-FU ou capécitabine ;
  • la prescription doit être réalisée après avoir obtenu le résultat du dépistage du déficit en DPD :
    • un déficit complet en DPD contre-indique l'utilisation d'un traitement par fluoropyrimidine,
    • en cas de déficit partiel, la dose de fluoropyrimidine est adaptée ;
  • si les résultats n'indiquent pas de déficit en DPD, le médicament peut être prescrit ;
  • il doit mentionner sur l'ordonnance « Résultats d'uracilémie pris en compte » ;
  • le pharmacien ne délivre pas le médicament si cette mention n'est pas inscrite.

Une obligation majoritairement respectée à l'hôpital, mais une marge de progression possible

Ces règles de prescription et de délivrance s'appliquent à l'hôpital comme en ville.

À l'hôpital, l’enquête nationale lancée fin 2024 à la demande de la direction générale de la Santé (DGS) et menée par le ResOMEDIT [2] suggère que la grande majorité des établissements de santé interrogés respecte l'obligation de dépistage du déficit en DPD et les recommandations en vigueur relatives au bon usage des fluoropyrimidines : 

  • 86 % des patients ont bénéficié d’un dosage d’uracilémie ;
  • 95 % des résultats des analyses biologiques ont été rendus dans le délai recommandé (≤ 10 jours) ;
  • dans 82 % des cas, le résultat du dosage a été rendu avant la première cure ;
  • aucun patient porteur d’un déficit total en DPD n’a reçu de 5-FU durant la période étudiée ;
  • une adaptation posologique a été mise en œuvre pour 86 % des patients présentant un déficit partiel.

Le ResOMEDIT identifie néanmoins plusieurs freins à l'application de cette obligation : 

  • absence d'un message d'alerte : 37 % des établissements de santé ne disposent pas de message d’alerte dans leurs logiciels de prescription ou de dispensation (alors que depuis 2021, des pop-up d'alerte doivent être intégrés dans les logiciels métier - cf. notre article du 29 septembre 2021) ;
  • absence de protocole d'adaptation posologique : 40 % des établissements de santé ne disposent pas de protocole d’adaptation posologique en cas de déficit partiel ;
  • défaut de traçabilité : la traçabilité du résultat reste hétérogène, et l’accès au résultat par les pharmaciens de l’établissement de santé n’est pas systématique.

À l’issue de son enquête, le ResOMEDIT a formulé 5 propositions pour : 

  • renforcer les alertes logicielles dans les logiciels d’aide à la prescription de chimiothérapie et les logiciels d’aide à la dispensation ;
  • faciliter l’accès des professionnels de santé au résultat du dosage d’uracilémie via le Dossier médical partagé (DMP) ;
  • définir les situations d’urgence thérapeutique justifiant une initiation de traitement par 5-FU sans résultat d’uracilémie disponible ;
  • optimiser le circuit du prélèvement pour réduire les délais ;
  • élaborer des recommandations nationales d’adaptation posologique selon le statut en DPD.

Sur la base de ces propositions, des travaux confiés aux différents services de l'État vont être engagés : 

  • élaboration de recommandations nationales d’adaptation posologique du 5-FU (et de la capécitabine en ville) et identification d'éventuelles situations d’urgence pour lesquelles l’initiation du traitement ne peut être différée en l’absence de résultat de l’uracilémie : ANSM et Institut national du cancer (INCa) ;
  • renforcement des outils numériques (logiciels de prescription et DMP) pour aider les professionnels de santé dans la prise en charge des patients : délégation au numérique en santé (DNS).

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