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Les mesures de prévention et de freination de la myopie

Après dépistage précoce de la myopie, les mesures de freination réservées aux spécialistes peuvent faire appel aux verres défocalisants, au port de lentilles de jour ou de nuit, et à l’atropine à très faible dose en gouttes. 

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La myopie n'est pas une fatalité : agir tôt peut limiter sa survenue et freiner son évolution.

La myopie n'est pas une fatalité : agir tôt peut limiter sa survenue et freiner son évolution.Motortion / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

L’incidence de la myopie est en constante augmentation et les projections estiment qu’elle pourrait concerner 50 % de la population mondiale d’ici 2050.

Au-delà de son impact sur la vision de loin, elle est associée à un risque de complications, particulièrement élevé en cas de myopie forte : décollement de rétine, glaucome, cataracte et maculopathie.

La myopie n’est toutefois pas une fatalité et des mesures de prévention primaire et secondaire existent.

Elle doit être dépistée par un examen ophtalmologique sous cyclopégique dès l’âge de 6 ans, voire dès 4 ans en cas de facteurs de risque ou de signes d’appel.

À côté des mesures « environnementales », applicables à tous, les différentes stratégies de freination de la myopie, qui peuvent être proposées dès l’enfance, permettent de ralentir l’allongement de l’œil afin de réduire le risque de complications secondaires aux formes les plus sévères. Les mesures de freination peuvent être combinées entre elles, la stratégie étant décidée en fonction de l’âge et de l’acceptation par l’enfant et sa famille.

Les techniques chirurgicales de correction (laser, implants…), plutôt proposées à l’âge adulte lorsque la myopie est stabilisée, libèrent le patient de sa correction, mais pas de sa maladie, imposant une surveillance ophtalmologique régulière durant toute la vie.

L'Europe est moins touchée que certains pays d'Asie de l'Est comme la Chine, le Japon ou la Corée du Sud, où 90 % de la population jeune dans certains milieux urbains est myope. Toutefois, les projections font état de 40 % de personnes concernées par ce trouble de la réfraction liée à une croissance excessive de l’œil à l’horizon 2050 (cf. notre interview vidéo du 19 mars 2024 : Épidémie de myopie : ne pas fermer les yeux).

Or, les études menées ces dernières années, en particulier en Asie, ont souligné les bénéfices de mesures dites environnementales pour prévenir l'apparition de la myopie et réduire son risque évolutif. 

Des mesures de prévention primaire

En prévention primaire, les études menées chez des enfants en Asie, ont démontré que le temps passé en extérieur permet de réduire le développement de la myopie. Il faut au moins 2 heures par jour (en continu ou en fractionné) en extérieur, parallèlement à une réduction du temps passé en vision de près. La distance de lecture doit être de 30 à 40 cm et il est recommandé de suivre la règle des 20/20/20 : pause toutes les 20 minutes, en regardant à 20 pieds (soit 6 mètres) pendant au moins 20 secondes. Cette stratégie vise à relâcher régulièrement l’accommodation.

Il importe également de favoriser un éclairage naturel et limiter le temps d’écran :

  • pas d’écran avant 6 ans ;
  • moins d’une heure par jour après 6 ans ;
  • moins de deux heures par jour après 10 ans ; 

Enfin, une bonne qualité de sommeil est préconisée.

Dépister tôt

De plus, des mesures de freination peuvent aujourd’hui être proposées aux enfants myopes, ce qui sous-tend, bien sûr, de les dépister le plus tôt possible.

Le dépistage doit être d’autant plus précoce qu’il existe des facteurs de risque :

  • deux parents myopes ;
  • un parent myope fort (myopie > -6D) ;
  • origine asiatique.

Il faut noter que le dépistage fait à l’école ou par le pédiatre ou le médecin généraliste permet de détecter l’amblyopie et les amétropies importantes, mais n’est pas suffisant pour la myopie, qui ne s’accompagne pas toujours d’une baisse de l’acuité visuelle. En cas de suspicion – par exemple si l’enfant a tendance à s’approcher du tableau ou des objets – ou en présence de facteurs de risque, un examen de la réfraction réalisé par un ophtalmologiste sous cycloplégie (afin de bloquer temporairement l’accommodation) est nécessaire, idéalement dès 6 ans.

Quelles sont les différentes mesures de freination ?

Différentes mesures de freination ont fait la preuve de leur efficacité. Elles s’adressent tout particulièrement aux enfants ayant une myopie d’apparition précoce ou dont la myopie évolue de plus de 0,5 dioptrie par an.

Elles peuvent être proposées parallèlement aux mesures environnementales citées plus haut et combinées entre elles. C’est l’ophtalmologiste qui définira, en accord avec l’enfant et sa famille, le type de dispositif de freination pouvant être envisagé. Le choix dépend de nombreux critères, notamment de l’âge de l’enfant, de son mode de vie (pratique du sport) et de ses habilités à respecter les mesures d’hygiène. Il doit être fait en accord avec l’enfant, car l’observance du traitement freinateur permet d’optimiser son efficacité. Globalement, les verres défocalisants peuvent être utilisés très tôt, les gouttes après 3 ans et les lentilles après 7-8 ans.

Verres défocalisants

Les verres défocalisants agissent sur les composantes du développement de la myopie, afin d’empêcher l’œil de s’allonger. Les études rapportent une efficacité de l’ordre de 60 % de freination comparativement aux verres classiques. Ils sont aussi faciles à porter que les verres correcteurs classiques (il faut cependant quelques jours à l’enfant pour s’y habituer) et sont sans effets secondaires. Ils s’adressent notamment aux enfants ayant une myopie évolutive. Ils peuvent être prescrits très tôt, dès le début de la myopie. Plusieurs fabricants proposent ce type de verres en France.

Lentilles de jour ou de nuit

Deux types de lentilles existent pour ralentir la progression de la myopie : des lentilles souples freinatrices de jour et des lentilles rigides à porter la nuit (orthokératologie).

Les lentilles freinatrices de jour permettent à la fois de corriger la myopie et de ralentir l’allongement de l’œil via une défocalisation myopique sur la rétine. Leur efficacité a été estimée à près de 60 % chez des enfants de 8 à 12 ans. 

L’orthokératologie consiste à porter des lentilles rigides la nuit pour corriger la myopie (de façon mécanique) temporairement pendant la journée du lendemain, tout en freinant la progression de la myopie sur le long terme (freination de 40 % à 70 % selon les études).

Atropine à très faible dose en goutte

L’atropine à très faible dose en goutte a fait la preuve de son efficacité pour ralentir la progression de la myopie à différentes concentrations. Elle permet, selon les études, une freination de l’ordre de 80 %. À noter que ces collyres ne corrigent pas la myopie. L’enfant doit donc porter une correction optique dans la journée.

En raison de leur très faible dosage, les collyres à base d’atropine ne provoquent pas de dilatation significative de la pupille ni de baisse des capacités d’accommodation. Ils peuvent parfois entraîner une sensibilité à la lumière et une vision floue en vision de près.

En France, l’atropine à faible dose en collyre (indication hors AMM) n’est pour l’instant délivrée que dans quelques pharmacies hospitalières sur prescription médicale pour les enfants consultant dans des services spécialisés. 

Les autorités européennes ont récemment donné une autorisation de mise sur le marché à un collyre de sulfate d’atropine faiblement dosé à 0,1 mg/mL (soit 0,01 %) (Ryjunea). La prescription de ce traitement (qui n’est pas encore disponible en France) est réservée aux ophtalmologistes ou aux professionnels de santé qualifiés en ophtalmologie. Il peut être instauré chez les enfants de 3 à 14 ans pour ralentir la progression de la myopie, comprise entre - 0,5 et -6,0 dioptries et évoluant à un rythme de 0,5 dioptrie ou plus chaque année.

Quelle est la durée du traitement de freination ?

Les études ont montré qu’il y a un effet rebond à l’arrêt du traitement freinateur, plus marqué avec l’atropine qu’avec les verres ou les lentilles.

La myopie, qui apparaît généralement dans l’enfance ou à l’adolescence, progresse jusqu’au début de l’âge adulte avant de se stabiliser au plus tard vers 25 ans

Donc théoriquement, le traitement freinateur devrait être prolongé jusqu’à la stabilisation. Toutefois, les études menées dans ce contexte sont encore récentes et le recul n’est que d’une dizaine d’années. Les données sont donc robustes jusqu’à 18 ans, mais les études se poursuivent pour évaluer l’intérêt de ce type de mesures jusqu’à 25 ans.

Y a-t-il d’autres mesures en cours d’évaluation ?

L’exposition à la lumière rouge est une autre voie de freination explorée. Plusieurs études menées en Chine ont ainsi montré que l'exposition à la lumière rouge (longueur d’onde d’environ 650 nm) pendant quelques minutes plusieurs fois par jour (3 minutes 2 fois par jour, 5 jours sur 7 pour la majorité des protocoles), pourrait contribuer à freiner la progression de la myopie chez les enfants. La lumière rouge agirait en stimulant la vascularisation, ce qui conduirait à un épaississement de la choroïde. Mais l’efficacité à plus long terme et l’innocuité de cette approche dénommée « thérapie répétée à la lumière rouge de basse intensité » qui, elle aussi, est associée à un effet rebond à l’arrêt, reste à établir formellement.

Un entretien avec le Pr Aude Couturier, cheffe du service d’ophtalmologie rétine, Institut français de myopie, hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, Paris.

Sources

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