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FIJAISV : le fichier qui répertorie et suit les auteurs d'infractions sexuelles pour prévenir la récidive

Quels actes peuvent entraîner une inscription sur le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes ? Quelles obligations pour les individus répertoriés ? Qui peut consulter ce fichier ? Réponses du Dr Badin de Montjoye, psychiatre.

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FIJAISV : environ 85 000 personnes étaient inscrites en 2019 et 111 000 au 30 septembre 2024.

FIJAISV : environ 85 000 personnes étaient inscrites en 2019 et 111 000 au 30 septembre 2024.artisteer / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) répertorie les personnes mises en cause ou condamnées pour de telles infractions dans le but d’empêcher la récidive.

Peuvent être inscrits à ce fichier, les auteurs d’infractions sexuelles, et notamment lorsqu’elles concernent des victimes mineures, et des crimes commis avec des facteurs aggravants.

La liste de ces différentes infractions permettant cette décision judiciaire est définie par le Code de procédure pénale.

Il s’agit d’une décision de justice qui peut être prise à tout stade de la procédure pénale. Il ne s’agit pas d’une peine et, de ce fait, cette décision peut concerner des personnes reconnues irresponsables.

Seules les autorités judiciaires, les officiers de police judiciaire, les préfets et les responsables d’administration de l’État ont accès aux données du FIJAISV qui ne sont pas accessibles au public. À la suite de différentes affaires judiciaires, des projets visent à permettre le contrôle d'honorabilité des professionnels de santé via la consultation du FIJAISV.

Le fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) peut sembler, à première vue, éloigné de la pratique médicale quotidienne. Pourtant, sa connaissance représente une importance particulière pour les professionnels de santé – et tout particulièrement pour les médecins – à plusieurs égards. D’abord, dans leur exercice clinique, les soignants peuvent être amenés à suivre des patients (ou un de leur proche) concernés par le FIJAISV, ou inscrits sur ce fichier, notamment dans le cadre d’injonctions de soins* (cf. « Encadré – Trois catégories de soins psychiatriques pénalement ordonnés » de notre article du 3 septembre 2024). Comprendre ce dispositif permet de mieux saisir le cadre légal dans lequel s’inscrit la prise en charge thérapeutique de ces personnes, pour lesquelles le suivi médical constitue parfois une étape essentielle de réinsertion.

Par ailleurs, depuis l’affaire Joël Le Scouarnec** et les récentes évolutions législatives renforçant la protection des mineurs dans les domaines de l’accueil du jeune enfant et de la pratique sportive, la question du contrôle d’honorabilité des professionnels de santé – notamment par la consultation du FIJAISV – est désormais clairement posée.

*Les soins psychiatriques pénalement ordonnés sont imposés à une personne poursuivie ou condamnée pour une infraction pénale. À chaque catégorie de soins pénalement ordonnés (injonction thérapeutique/obligation de soins/injonction de soins) correspond une mesure juridiquement définie (cf. notre article du 3 septembre 2024).

**Chirurgien reconnu coupable de viols et d’agressions sexuelles commis dans l’exercice de ses fonctions sur près de 300 victimes, majoritairement mineures.

VIDAL. Qu'est-ce que le FIJAISV ?

Dr Béatrice Badin de Montjoye. Le FIJAISV est un fichier national automatisé, placé sous l’autorité du ministère de la Justice, qui a été créé par la loi n° 2004-204, dite loi Perben II et mis en service par un décret de 2005. Ce décret porte sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et modifie le Code de procédure pénale afin de recenser les auteurs d'infractions sexuelles. Le fichier a été étendu aux auteurs d'infractions très violentes (homicides, actes de torture ou de barbarie) par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005.

Qui sont les personnes concernées ?

L’inscription au FIJAISV est déclenchée par une action de l’autorité judiciaire, le plus souvent à la suite d'une condamnation, ou plus rarement à la suite d'une mise en accusation, pour une infraction sexuelle ou violente. En cas de condamnation, les adolescents de 13 à 18 ans ne sont inscrits au FIJAISV que si le procureur ou la juridiction le demande expressément. Quant aux mineurs de moins de 13 ans ayant commis des infractions sexuelles, ils ne sont jamais inscrits au FIJAISV. Par ailleurs, le fait d’avoir été déclaré irresponsable pénalement (cf. Encadré) n’empêche pas l’inscription. En effet, une telle démarche procède d'une dynamique de protection de la société et des citoyens et est considérée comme une mesure de sûreté et non comme une peine. 

À quels moments de la procédure judiciaire, l'inscription est-elle possible ?

L'inscription au FIJAISV peut survenir à tous les stades de la procédure pénale et à l'occasion de chacune des circonstances suivantes :

  • mise en examen pour un crime*** (sauf décision contraire du juge d’instruction) ;
  • mise en examen pour un délit**** (si décision expresse du juge d’instruction) ;
  • condamnation :
    • même non définitive en raison d'un appel ou d'un pourvoi en cassation,
    • même en cas de dispense ou d'ajournement de peine,
    • même à l'étranger quand il s'agit de personnes de nationalité française ayant commis des faits relevant de l'inscription au FIJAIS ;
  • composition pénale, c’est-à-dire une mesure alternative aux poursuites pour un auteur d'infraction sexuelle reconnaissant les faits (les compositions pénales ne figurent qu’au bulletin numéro 1 du casier judiciaire, accessible uniquement aux magistrats) ;
  • mise en place de mesures éducatives à l'égard d'un mineur (même non définitives) ;
  • reconnaissance d'irresponsabilité pénale.

***Le crime est l’infraction la plus grave et est jugé en cours d’assise ou en cours criminelle départementale.

****Le délit est une infraction jugée au tribunal correctionnel.

Quelles sont les infractions pouvant déclencher une inscription ?

Les infractions (crimes et délits) entraînant une inscription au FIJAISV sont mentionnées dans l'article 706-47 du Code de procédure pénale.

Il s’agit notamment de crimes :

  • de meurtre ou d’assassinat :
    • commis sur un mineur,
    • en état de récidive légale,
  • de torture ou d’actes de barbarie ;
  • de violence sur un mineur de 15 ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
  • de viol ;
  • de proxénétisme à l’égard d’un mineur.

Mais aussi de délits :

  • d’agressions sexuelles ;
  • d’atteintes sexuelles et de tentatives d’atteintes sexuelles d’un majeur sur un mineur de 15 ans ;
  • de recours à la prostitution en récidive ou si la personne est mineure ;
  • de corruption de mineur ;
  • de proposition sexuelle faite par un majeur à un mineur de 15 ans en utilisant un moyen de communication électronique ;
  • de captation, d'enregistrement, de transmission […], ou de détention, d'image ou de représentation pornographique d'un mineur ;
  • de consultation habituelle d'image ou de représentation pornographique d'un mineur.

Si la victime de l’infraction est mineure, la décision judiciaire est inscrite au FIJAISV indépendamment de la peine encourue sauf si la juridiction ou le procureur décide expressément le contraire.

Quels sont les renseignements collectés dans ce fichier ?

Ce fichier comporte des informations nominatives (nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance, nationalité, adresses successives de domiciliation…) qui visent à conserver toutes les coordonnées des personnes ayant été condamnées afin de pouvoir les localiser rapidement. Sont également mentionnées dans le FIJAIS :

  • la nature de l’infraction commise ;
  • la juridiction compétente ;
  • les dates :
    • de jugement,
    • de condamnation,
    • de mise sous écrou,
    • de libération.

Les personnes inscrites au FIJAISV doivent en être informées par l’autorité judiciaire, et l’intégralité des informations répertoriées doit leur être communiquée. Si besoin, elles peuvent en faire la demande au procureur attaché à leur lieu de résidence en justifiant de leur identité. Ces informations sont données oralement par un magistrat. S’il s’agit d’un majeur protégé ou d’un mineur, ils doivent être informés respectivement par leur tuteur/curateur ou par leur représentant légal.

Quelles obligations pour les personnes inscrites dans ce fichier ?

Les personnes inscrites au FIJAISV ont la nécessité de justifier régulièrement de leur adresse auprès des services de police ou de gendarmerie et de déclarer dans les quinze jours tout changement de domicile. Pour les infractions les plus graves, ces contraintes peuvent être renforcées.

Si ces obligations ne sont pas respectées, une peine de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende peuvent être prononcés.

Quelle durée de conservation des informations et dans quelles circonstances peuvent-elles être retirées ?

À compter de la décision d'inscription au fichier, ces informations sont conservées :

  • 30 ans pour un crime ou un délit puni de 10 ans d'emprisonnement ou plus ;
  • 20 ans dans les autres cas ;
  • 10 ans pour un mineur.

Les informations sont effacées au terme de leur délai de conservation. Elles peuvent l'être également dans les circonstances suivantes :

  • décès de la personne ;
  • décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ;
  • décision du procureur de la République.

Qui peut consulter le FIJAISV ?

Contrairement aux États-Unis où le fichier des délinquants sexuels est public, le FIJAISV n'est pas consultable par les particuliers en France.

Les données recueillies dans ce fichier sont confidentielles et ne peuvent être consultées que par des personnes habilitées à le faire. Ce fichier est consultable par :

  • l'autorité judiciaire ;
  • un officier de police judiciaire dans le cadre d'une infraction entraînant une inscription au FIJAISV ;
  • un agent habilité d'un greffe pénitentiaire pour le suivi des obligations d'une personne inscrite à ce fichier ;
  • le préfet et les responsables des administrations de l'État listés à l'article R 53-8-24 du Code de procédure pénale, à propos de personnes dont l'activité ou la profession implique un contact avec des mineurs ;
  • certaines collectivités territoriales par l’intermédiaire du préfet.

La consultation du FIJAISV par les établissements de santé et les établissements médico-sociaux se fait sous l'égide des agences régionales de santé (ARS) selon les modalités décrites par l'instruction n° SGMCAS/Pôle Santé-ARS/2022/48 du 7 avril 2022.

Quelles différences entre le FIJAISV et le casier judiciaire national B2 ?

Le bulletin n° 2 du casier judiciaire, communiqué à certaines administrations pour contrôler l’accès à des fonctions sensibles, recense toutes les condamnations pénales définitives, sauf si elles ont été effacées par réhabilitation ou amnistie. Les conseils de l’ordre au niveau national et départemental ont accès au bulletin n° 2 en vertu de l’art. R. 79 - 10e du Code de procédure pénale avant toute inscription d’un médecin au tableau. Il en est de même pour les conseils de l’ordre des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens.

Le FIJAISV, pour sa part, enregistre uniquement les personnes condamnées pour infractions sexuelles ou violentes, mais en incluant aussi bien les condamnations définitives que non définitives (et les mises en examen dans certains cas). De plus, les délais de conservation des condamnations inscrites au FIJAISV sont bien plus longs que pour le casier judiciaire B2. Actuellement, ce fichier n’est pas consulté automatiquement lors du recrutement d’un professionnel de santé.

Bientôt, vers une honorabilité pour les professionnels de santé ?

Après plusieurs affaires criminelles, dont celle de Joël Le Scouarnec, des propositions de loi ont été formulées pour instaurer un contrôle de l’honorabilité des professionnels de santé, offrant à l’employeur la possibilité de vérifier l’absence d’inscription au FIJAISV.

Ces mesures seraient en cohérence avec le dispositif existant désormais dans le champ médicosocial avec la généralisation sur tout le territoire depuis le 1er octobre 2025 de l’attestation d’honorabilité pour les professionnels et les bénévoles dans le champ de la protection de l’enfance et de l’accueil du jeune [1]. Ce dispositif peut aussi toucher les proches. À titre d'exemple, une assistante maternelle à domicile perdra son agrément si une personne vivant sous le même toit est inscrite au FIJAISV. Dans le domaine du sport, la loi [2], en cours d’application, rend notamment annuel le contrôle des antécédents des éducateurs sportifs, via la consultation du bulletin no 2 du casier judiciaire ainsi que du FIJAISV.

Comment les professionnels de santé peuvent-ils être confrontés à l’inscription d’un de leurs patients au FIJAISV ?

Un patient inscrit au FIJAIS et bénéficiant par ailleurs d'un suivi sociojudiciaire avec une injonction de soins peut faire part de lui-même à son psychiatre traitant de cette inscription et des obligations qui en découlent.

Parfois même, sans lien avec les contraintes d’un suivi judiciaire, en faisant souvent référence au secret médical, certains patients font part de cette inscription à leur médecin traitant ou un autre acteur de soin. Cette confiance faite à un soignant peut être le début d’une appropriation des faits commis, voire dans certaines situations d’une demande de soutien ou d’orientation vers un suivi plus spécifique.

Selon notre expérience, au fil du suivi, certains patients ressentent le cadre judiciaire et le FIJAISV comme « des barrières de sécurité ». Au sein de ce cadre, ils tentent parfois de mettre des mots et de se mobiliser psychiquement pour travailler sur la honte, la dévalorisation et la perte d’estime d’eux-mêmes qui a pu les envahir après la dénonciation des faits. D’anciens traumatismes, situés dans un temps beaucoup plus lointain que celui des faits responsables du parcours judiciaire, peuvent aussi être abordés. Certains peuvent faire évoluer leur regard sur les faits, sur leur gravité, voire se décentrer d’eux-mêmes, et envisager des répercussions possibles pour les victimes.

Encadré - L'irresponsabilité pénale et son exception

L'article 122-1 du Code de procédure pénale énonce : « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de son acte ».

Les personnes bénéficiant d'une irresponsabilité pénale sont exonérées de leur responsabilité et aucune poursuite pénale n'est possible.

Lorsque la personne est déclarée pénalement irresponsable et qu’elle est susceptible d’être dangereuse pour la collectivité, le magistrat peut ordonner une mesure de soins sans consentement à titre de mesure de sûreté. Les autorités judiciaires avisent le préfet qui procède alors sans délai à l'hospitalisation.

Il est à noter que, depuis un décret du 25 janvier 2022, il existe une exception à l'irresponsabilité pénale. Un nouvel article 122-1-1 du Code de procédure pénale exclut l'irresponsabilité pénale lorsque « l'abolition temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d'un crime ou d'un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l'action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l'infraction ou une infraction de même nature ou d'en faciliter la commission »

Les substances concernées sont celles classées comme stupéfiantes, mais aussi celles autorisées, l'alcool notamment, ayant été consommées de façon très abusive.

D’après un entretien avec Dr Béatrice Badin de Montjoye, psychiatre au Centre hospitalier de Moulins-Yzeure (03).

Sources

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