Le moustique tigre se reconnaît à la ligne blanche le long de la surface supérieure de son thorax.marcouliana / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Le moustique tigre (Aedes albopictus), originaire d’Asie du Sud-Est, s’est rapidement implanté dans de nombreux pays européens grâce aux échanges commerciaux, aux transports terrestres et au réchauffement climatique. Aujourd’hui, à l’instar des territoires ultramarins, l’Hexagone est presque entièrement conquis par cet ennuyeux voisin.
Actif surtout le matin et en fin de journée, il apprécie les zones urbaines et périurbaines et se reproduit dans les petites poches d'eau stagnante. Petit à petit, il semble s’adapter au froid modéré avec une activité tout au long de l’année dans les pays européens les plus méridionaux. Outre ses piqûres désagréables, il représente une menace sanitaire réelle puisqu’il peut transmettre des virus comme la dengue ou le chikungunya, dont des cas autochtones sont recensés en France chaque été.
Pour limiter son impact sur la qualité de vie et la santé, il est essentiel de connaître ses habitudes et ses limites, d’éliminer les gîtes larvaires autour des habitations et d’adopter des mesures de protection individuelles, telle que l’utilisation de répulsifs cutanés adaptés.
Il s’invite aux repas de famille sur la terrasse, il colonise les jardins, il perturbe les pique-niques ou les activités en plein air… À la belle saison, le moustique tigre (Aedes albopictus) est devenu un voisin envahissant qui cherche à nous dévorer les mollets et engendre moult démangeaisons. Présent depuis longtemps dans les territoires et départements d’outre-mer, il s’est installé, en une vingtaine d’années, dans la majeure partie de la France hexagonale.
Outre l’inconfort de ses piqûres, le moustique tigre peut transmettre une trentaine d’infections virales et parasitaires ; il est responsable de flambées épidémiques comme celle de chikungunya récemment observée à La Réunion et Mayotte, ou celle de dengue qui sévit aux Antilles.
Dans l'Hexagone, l’été 2025 a été inhabituellement chargé en cas de chikungunya autochtones (c’est-à-dire transmis par des moustiques locaux). Il nous a donc semblé intéressant de chercher à mieux connaître Aedes albopictus pour mieux s’en protéger.
Bien connaître son ennemi : portrait-robot du moustique tigre
Les adultes d'Aedes albopictus sont relativement petits (moins de 5 mm) et présentent un motif noir et blanc dû à la présence de taches blanches argentées sur fond noir sur les pattes et d'autres parties du corps [1]. Sous les tropiques, de nombreuses autres espèces d’Aedes présentent cette caractéristique : Aedes ægypti (responsable de la transmission de la fièvre jaune), A. japonicus, A. cretinus (à Chypre, en Grèce et en Turquie).
Le critère physique qui différencie A. albopictus de ses cousins est la présence d'une ligne médiane argentée sur fond noir sur le scutum (la partie dorsale du thorax, cf. Figure) [2]. En France hexagonale, le moustique tigre est le seul à présenter des taches blanches sur fond noir.
Figure - Différences anatomiques entre Aedes albopictus et Aedes ægypti [2]

Le moustique tigre n’est pas actif la nuit, mais plutôt le matin et en fin d’après-midi, et son vol est silencieux. Ce n’est pas un grand sportif : par temps calme, il reste dans un rayon de 150-200 m autour de son lieu de naissance et vole généralement à très basse altitude, le plus souvent à moins de 50 centimètres du sol (rarement au-delà de 7 mètres de hauteur [1]). Cette préférence explique pourquoi ses piqûres sont principalement au niveau des chevilles et des mollets. Il peut être emporté plus loin et plus haut par le vent ou les activités humaines (il adore être véhiculé, nous y reviendrons). Enfin, il n’est pas montagnard : en France hexagonale, il reste en général en dessous de 800 m d’altitude avec des cas ponctuels rapportés autour de 1 300 m dans certaines vallées alpines. De plus, il préfère les villes et les banlieues, plus riches en lieux propices à sa reproduction (cf. ci-dessous).
Les femelles adultes piquent de préférence à l'extérieur. Elles sont peu actives en dessous de 9 °C, ce qui les pousse à rechercher des microclimats plus chauds dans les habitations. Lors d'une étude menée à Rome [3], des femelles nourries de sang ont été trouvées à l'intérieur, ce qui indique qu’elles pourraient passer du temps à s’y reposer après un repas sanguin. Les femelles adultes peuvent survivre plus de 3 semaines. Les œufs, résistant à la sécheresse, sont pondus au-dessus de la ligne d'eau. Les larves éclosent et se réfugient dans l’eau où leur développement dure de 3 à 8 semaines (selon la température). Au cours d’une saison estivale en Europe tempérée, on peut compter entre 5 et 17 générations successives de moustiques tigres [1].
Aedes albopictus fait ventre de tout sang : il pique les humains, les mammifères domestiques et sauvages, les reptiles, les oiseaux et les amphibiens. Des études en laboratoire et des analyses de repas sanguins ont néanmoins montré une préférence pour le sang humain [1]. Une étude réalisée en Italie [4] a révélé une plus grande appétence pour les mammifères par rapport aux oiseaux et a montré que les repas sanguins humains étaient plus fréquents dans les zones urbaines que dans les zones rurales, ce qui suggère que, dans les campagnes, l'abondance d’hôtes de toutes espèces contribue à nous protéger un peu.
Comment la France a-t-elle été envahie par le moustique tigre ?
Originaire des forêts tropicales d'Asie du Sud-Est, Aedes albopictus s'est propagé dans le monde entier depuis les années 1980. Le succès de cette invasion est dû à un certain nombre de facteurs, notamment sa plasticité écologique, sa forte aptitude à la compétition vis-à-vis des autres espèces de moustiques, l'augmentation des échanges commerciaux et des voyages internationaux, le manque de surveillance et l'absence de contrôle efficace [1].
La première importation en Europe a été enregistrée en Albanie en 1979 (probablement du fait des liens et échanges étroits entre les régimes communistes albanais et chinois), mais on soupçonnait sa présence depuis 1976. Aucun autre pays européen n'a signalé sa présence avant 1990, date à laquelle il a été découvert en Italie. Cette propagation géographique s'est principalement produite par le transport passif d'œufs dans des pneus usagés (qui accumulent l’eau), mais aussi dans les… « bambous de la chance » (Dracæna sanderiana) en provenance d’Asie du Sud-Est, ces derniers ayant servi de voie d'importation en Belgique, aux Pays-Bas et en Californie [5]. Ensuite, le transport passif terrestre à partir de zones infestées a importé le moustique tigre dans le sud de la France, en Allemagne, dans les Balkans, en République tchèque, en Espagne, en Suisse, etc. Des contrôles réguliers de véhicules sur les aires d’autoroute européennes ont confirmé que les transports routiers sont probablement le mode de dissémination principal du moustique tigre en Europe, y compris dans les véhicules de particuliers [6].
Les scientifiques prévoient que les tendances climatiques futures augmenteront le risque d'établissement du moustique tigre en Europe du Nord, y compris dans les régions les plus méridionales du Royaume-Uni, en raison de conditions plus humides et plus chaudes, et diminueront légèrement ce risque dans l’extrême sud de l'Europe en raison d'étés plus arides [7]. De plus, les changements dans l'utilisation des sols, en particulier l'urbanisation, pourraient continuer à accroître l'avantage concurrentiel d'Aedes albopictus par rapport aux moustiques résidents grâce à sa capacité à tirer parti des habitats artificiels que constituent les petites poches d’eau accumulées dans les jardins et les entrepôts, facilitant ainsi son implantation dans de nouvelles zones [1].
Un moustique qui commence à s’habituer à l’hiver
En France, en 2025, le moustique tigre est présent dans 81 départements sur 96 (pour savoir si votre lieu de résidence est colonisé, cf. 8). Les départements côtiers le long de la Manche sont, à l’exception de la Seine-Maritime, épargnés [9]. Dans chaque département, l’implantation est variable : certaines zones sont peu atteintes alors que d’autres sont très colonisées, souvent à proximité d’axes de transport et dans les zones urbaines ou périurbaines.
En France hexagonale, le moustique tigre est principalement actif de mai à novembre, avec une activité maximale au cœur de l'été. En hiver, les œufs, pondus à la fin de l'été ou au début de l'automne, entrent en hibernation (« diapause ») lorsque les heures d'ensoleillement diminuent.
Si l’extension vers le nord du moustique tigre est favorisée par le réchauffement climatique (hivers plus doux), elle l’est également par une adaptation progressive aux conditions hivernales. Il a été démontré que les œufs en diapause du moustique tigre européen sont désormais capables de survivre à une vague de froid de - 10 °C, alors que ceux du moustique tigre tropical ne peuvent survivre en deçà de - 2 °C [1]. En outre, les populations d'Aedes albopictus adultes en Italie, à Malte et dans le sud de l’Espagne montrent des signes d'acclimatation complète au froid modéré et commencent à se reproduire toute l’année, comme en zone tropicale [10, 11].
Transmission autochtone par le moustique tigre : les chiffres
Le moustique tigre peut, en zone tropicale, transmettre une trentaine d’infections virales et parasitaires (en particulier la dirofilariose) [4]. Il est considéré comme un vecteur compétent pour au moins 22 virus, dont celui de la fièvre jaune, de la fièvre de la vallée du Rift, de l'encéphalite japonaise et le virus Sindbis, qui seraient tous capables de se développer en Europe. Il peut également transmettre le virus West Nile, mais les cas autochtones en France (58 en 2025 [9]) sont plus probablement dus aux moustiques du genre Culex, le moustique commun.
Les 3 virus principaux, en termes d’impact sanitaire dans les pays européens, sont pour l’instant ceux du chikungunya, de la dengue et le virus Zika. Les cas autochtones se produisent lorsqu’une femelle contaminée lors d’un repas sanguin sur une personne infectée (au cours d’un séjour tropical ou localement) pique ensuite une autre personne. À noter, un moustique tigre femelle infecté par le virus du chikungunya ne le transmet pas à sa descendance (il meurt donc avec elle), ce qui n’est pas le cas de la dengue, transmise aux œufs/larves (l’importation d’œufs infectés par la dengue est donc possible) [1].
En France hexagonale, en 2025, le nombre de cas autochtones de chikungunya a été anormalement élevé, probablement en lien avec l’épidémie en cours à La Réunion et à Mayotte. Selon les chiffres publiés par Santé publique France au 29 octobre 2025 [9], 762 cas de chikungunya autochtone ont été identifiés au cours de l’été 2025, répartis en 79 foyers (1 à 139 cas par foyer, les villes les plus touchées étant Antibes, Bergerac, Fréjus et Vitrolles). En 2024, un seul cas de chikungunya autochtone avait été rapporté et aucun en 2023.
Par ailleurs, 29 cas de dengue autochtone ont été recensés en 2025, répartis en 12 foyers. Ce chiffre est en baisse par rapport à 2024, avec 83 cas (45 en 2023). Pour l’instant, il semble que le nombre de cas autochtones de ces deux infections virales soit le reflet des épidémies en cours dans les territoires ultramarins (2024 a connu une forte épidémie de dengue dans les Caraïbes). Le nombre total de foyers infectieux au cours de l’été 2025 (80 pour les deux virus) semble indiquer que la France hexagonale devient de plus en plus réceptive à l’importation de ces virus.
Comment éviter de participer à la prolifération du moustique tigre ?
Dans la nature, Aedes albopictus a la capacité de se reproduire dans les poches d’eau retenues par les arbres, les écorces, les flaques, etc. Mais il aime également les habitats artificiels comme les pneus, les barils, les bassins de rétention d'eau de pluie, les abreuvoirs, les coupelles des pots, voire les siphons.
Le moustique tigre n’étant pas très doué pour le vol longue distance, il est possible de réduire sa présence près du domicile en éliminant les points d’eau stagnante [12] :
- vider chaque semaine tous les récipients, soucoupes, coupelles, vases, seaux, arrosoirs, pots, jouets ou pneus pouvant accumuler de l’eau, et les nettoyer pour éliminer les œufs et les larves ;
 - couvrir hermétiquement ou avec un tissu moustiquaire les réservoirs d’eau (bidons, cuves, récupérateurs de pluie, abreuvoirs) pour empêcher la ponte des moustiques ;
 - vérifier et entretenir les gouttières, regards, caniveaux et toute zone susceptible de mauvais écoulement d’eau ;
 - éliminer les objets inutiles traînant dans le jardin ou sur la terrasse susceptibles de retenir l’eau (bâches, déchets verts, pneus, encombrants, etc.) ;
 - à l’intérieur, remplacer l’eau des vases par du sable humide.
 
Rappel : se protéger de l’appétit du moustique tigre
Pour finir, rappelons les mesures de protection individuelle pour éviter de se faire piquer par le moustique tigre :
- parce qu’il est diurne et plutôt actif à l’extérieur, l’utilisation de moustiquaires à l’intérieur a peu d’impact. Il est néanmoins possible (mais difficile) de protéger tout un balcon ou une terrasse avec des moustiquaires ;
 - le port de vêtements amples et de couleur claire, en particulier protégeant les jambes et les pieds, pourrait réduire le risque de piqûre.
 
Mais la mesure principale de protection reste l’usage systématique de répulsifs cutanés [13], en particulier le matin et le soir. Leur durée de protection varie de 4 à 8 heures selon la substance utilisée, sa concentration dans le produit et la température extérieure. Bien sûr, la transpiration et les baignades réduisent leur durée d'action. En cas d'application de crème solaire, celle-ci doit être effectuée au moins 20 minutes AVANT le répulsif.
Il existe de très nombreux répulsifs cutanés en pharmacie. Ceux destinés aux pays tropicaux sont en général plus fortement dosés que ceux pour les pays tempérés. Les substances actives dont l’efficacité et la sécurité ont été prouvées par les autorités européennes sont :
- le DEET ;
 - l’IR3535.
 
Deux autres substances commencent également à être disponibles :
- le PMD (menthoglycol), parfois appelé « huile d'eucalyptus citronné », à ne pas confondre avec l'huile essentielle d'eucalyptus ou le citriodiol (dont l’efficacité n’a pas été établie) ;
 - le KBR3023, également appelé icaridine ou picaridine.
 
À savoir, les huiles essentielles de citronnelle ou de géranium sont insuffisamment efficaces.
Des précautions particulières sont indispensables avec les répulsifs cutanés chez les enfants de plus de 6 mois (avant, ils ne sont pas utilisables et la moustiquaire s’impose) et les femmes enceintes. Les femmes qui allaitent doivent respecter les mêmes précautions que les autres adultes, ne pas appliquer au niveau du sein et se laver les mains avant la mise au sein.
En conclusion, le moustique tigre, désormais solidement implanté dans la majorité du territoire français, n’est plus un simple désagrément estival, mais un véritable enjeu de santé publique. Sa capacité d’adaptation, sa proximité avec l’humain et son rôle dans la transmission de virus comme le chikungunya ou la dengue imposent une vigilance collective. Mieux le connaître, c’est déjà mieux s’en protéger : en limitant les points d’eau stagnante, en appliquant les mesures de prévention et en adoptant les bons gestes au quotidien, chacun peut contribuer à freiner sa prolifération et à réduire les risques sanitaires qu’il représente.
[1] Aedes albopictus - Factsheet for experts (European Centre for Disease Prevention and Control, 20 décembre 2016)
[2] Torres M. How to differentiate a tiger mosquito from a yellow fever mosquito with the naked eye? Mosquito Alert, 2 mars 2016
[3] Valerio L, Marini F, Bongiorno G et al. Host-feeding patterns of Aedes albopictus (Diptera: Culicidae) in urban and rural contexts within Rome province, Italy. Vector Borne Zoonotic Dis., 2010;10(3):291-4. doi: 10.1089/vbz.2009.0007
[4] Paupy C, Delatte H, Bagny L et al. Aedes albopictus, an arbovirus vector: from the darkness to the light. Microbes Infect., 2009;11(14-15):1177-85. doi: 10.1016/j.micinf.2009.05.005
[5] Deblauwe I, Demeulemeester J, De Witte J et al. Increased detection of Aedes albopictus in Belgium: no overwintering yet, but an intervention strategy is still lacking. Parasitol Res., 2015;114(9):3469-77. doi: 10.1007/s00436-015-4575-z
[6] Eritja R, Palmer JRB, Roiz D et al. Direct Evidence of Adult Aedes albopictus Dispersal by Car. Sci Rep., 2017;7(1):14399. doi: 10.1038/s41598-017-12652-5
[7] Kraemer MUG, Reiner RC, Brady OJ et al. Past and future spread of the arbovirus vectors Aedes aegypti and Aedes albopictus. Nat Microbiol., 2019;4(5):854-863. doi: 10.1038/s41564-019-0376-y
[8] Carte interactive des communes colonisées par le moustique tigre au 11 juillet 2025 (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail [Anses])
[9] Chikungunya, dengue, Zika et West Nile en France hexagonale. Bulletin de la surveillance renforcée du 29 octobre 2025 (Santé publique France, 29 octobre 2025)
[10] Romi R, Severini F & Toma L. Cold acclimation and overwintering of female Aedes albopictus in Roma. J Am Mosq Control Assoc., 2006;22(1):149-51. doi: 10.2987/8756-971X(2006)22[149:CAAOOF]2.0.CO;2
[11] Collantes F, Delgado JA, Alarcón-Elbal PM et al. First confirmed outdoor winter reproductive activity of Asian tiger mosquito (Aedes albopictus) in Europe. Anales de Biologia, 2014;36:71-76. doi: 10.6018/analesbio.36.12
[12] Le moustique tigre (Anses, juillet 2025)
[13] Usage des répulsifs cutanés. Recommandations sanitaires aux voyageurs (Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, juin 2025)
                
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