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Sein, côlon-rectum, col de l’utérus : état des lieux des dépistages organisés en France

Actuellement en France, trois cancers sont concernés par le dépistage organisé par les autorités de santé : le cancer du sein, le cancer colorectal et le cancer du col de l'utérus.

Isabelle Hoppenot
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Dépistage organisé du cancer du sein : le premier programme mis en place en France. 

Dépistage organisé du cancer du sein : le premier programme mis en place en France. Dynamic Graphics / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Le dépistage organisé du cancer du sein s'adresse aux femmes de 50 à 74 ans, celui du cancer colorectal aux femmes et aux hommes de 50 à 74 ans et celui du cancer du col de l'utérus aux femmes de 25 à 65 ans.

L’objectif est de détecter les tumeurs malignes à leur début, au stade asymptomatique, voire précancéreux, afin d'en améliorer le pronostic par une prise en charge précoce.

Les indications du dépistage organisé doivent être respectées, notamment afin d’éviter des résultats faussement rassurants chez des sujets qui auraient un risque individuel plus élevé que celui de la population cible.

Dans sa dernière version, la VIDAL Reco sur les dépistages organisés des cancers en précise les indications et les modalités pratiques.

Le pilotage des programmes de dépistage organisé (DO) est sous la responsabilité de la direction générale de la Santé (DGS), qui l'exerce en lien avec les organismes d'Assurance maladie, l'Institut national du cancer (INCa) et Santé publique France. Les programmes de DO des cancers sont, eux, mis en œuvre par des centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC).

Depuis 2024, c’est l’Assurance maladie qui invite les populations cibles à participer au dépistage.

Données épidémiologiques

Trois cancers sont concernés par un dépistage organisé :

  1. le cancer du sein ;
  2. le cancer colorectal ;
  3. le cancer du col de l'utérus.

Le cancer du sein est la tumeur maligne la plus fréquente chez la femme et se situe au 1er rang des décès par cancer avec plus de 61 000 nouveaux cas et plus de 12 000 décès par an. L'âge médian au diagnostic est de 64 ans.

Le cancer colorectal est le 4e cancer le plus fréquent (tous sexes confondus) et se situe au 2e rang des décès par cancer avec plus de 47 000 nouveaux cas et plus de 17 000 décès par an.

Le cancer du col de l'utérus est le 12e cancer chez la femme avec plus de 3 000 nouveaux cas, mais il est responsable d'environ 1 100 décès/an.

Dépistage du cancer du sein

Le dépistage organisé du cancer du sein, premier programme mis en place en France, s’adresse à toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans (sauf critère d'exclusion, cf. infra). Cette tranche d'âge a été choisie sur des critères épidémiologiques (augmentation significative de l'incidence après 50 ans, suivie d'un plateau à partir de 70 ans), ainsi que sur des critères de performance du test (moins performant sur un sein dense) et de balance bénéfice-risque du dépistage (comorbidités fréquentes à un âge avancé).

Les critères d'exclusion sont les situations qui exposent la femme à un risque élevé, voire très élevé de cancer du sein, et qui justifient un suivi particulier (à la place du DO). Ce sont notamment les antécédents personnels de cancer du sein, de lésions atypiques du sein, ou encore d’une imagerie anormale sur la mammographie précédente, les antécédents familiaux au 1er ou 2e degré (le risque héréditaire de cancer du sein est précisé par le calcul du score d'Eisinger [cfEncadré 1]). 

Depuis 2024, c’est l'Assurance maladie qui envoie aux femmes entrant dans le cadre du DO une invitation pour réaliser, sans avance de frais, tous les 2 ans, une mammographie, couplée à un examen clinique systématique des seins par le radiologue (cfEncadré 2).

Toute mammographie normale ou montrant des images bénignes (classées ACR 1 ou 2) est relue systématiquement par un 2e radiologue.

En 2022-2023, le taux de participation de la population cible à ce dépistage était d'environ 46 %. Le taux global de dépistage du cancer du sein (organisé et individuel) est estimé à environ 60 % en France.

Dépistage du cancer colorectal

Compte tenu de sa fréquence, de son développement lent, des décès qui lui sont imputables, et de l’existence d’un test simple et fiable, le cancer colorectal est un candidat idéal au dépistage organisé.

Ce dernier s'adresse aux femmes et aux hommes, âgés de 50 à 74 ans, sauf critères d’exclusion (cf. infra).

Au-delà du bénéfice direct pour la personne dépistée (le plus souvent, une exérèse de la lésion peut être réalisée lors de l’examen coloscopique), le dépistage précoce des adénomes et lésions précancéreuses chez un cas index permet également d'avertir les apparentés (fratrie, enfants) de leur situation à risque ; ils peuvent alors eux-mêmes bénéficier d’un dépistage individuel.

Sont exclues du DO, les personnes nécessitant un suivi particulier, en raison :

  • de symptômes justifiant une exploration coloscopique (rectorragies, méléna, troubles du transit ou douleurs abdominales inexpliquées d'apparition récente) ou ayant déjà effectué une coloscopie dans les 5 dernières années ;
  • d'un risque élevé (antécédent personnel ou familial de cancer ou d'adénome colorectaux, antécédent personnel de maladie inflammatoire chronique de l'intestin) ou très élevé de cancer colorectal (formes familiales de cancer colorectal).

La population cible (sans critère d'exclusion connu de l'Assurance maladie) reçoit tous les deux ans, de l'Assurance maladie, une invitation à réaliser un test immunologique, qui vise à détecter la présence de sang dans les selles (cfEncadré 2). Le kit de dépistage peut être retiré auprès du médecin traitant ou dans une pharmacie, ou encore commandé en ligne.

Le test, fait à domicile, est rapide et indolore et ne nécessite qu'un seul prélèvement de selles.

Les professionnels de santé (médecins et pharmaciens) jouent ici un rôle central : vérification des critères d'inclusion/exclusion, remise du kit de test au patient et, s’il s’agit d’un médecin, coordination du suivi des cas positifs.

Un test positif traduit la présence de sang dans les selles qui peut avoir d'autres causes qu'un cancer, en particulier un polype, mais nécessite une consultation avec un gastro-entérologue afin qu'il réalise une coloscopie.

Avec un taux de participation d'environ 34 % en 2022-2023, le DO du cancer colorectal reste un défi collectif d’où l’intérêt majeur de l’implication des professionnels de santé pour mobiliser les patients et notamment lever les tabous sur les modalités de prélèvement.

Dépistage du cancer du col de l’utérus

Programme le plus récent, débuté en 2018, le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus concerne les femmes âgées de 25 à 65 ans, vaccinées ou non contre les papillomavirus. En 2019-2020, le taux de participation à ce dépistage était de 59,7 %.

Les deux principaux objectifs du dépistage (qui existe depuis longtemps dans un cadre individuel), avec une participation de 50 à 60 %, sont de mobiliser les femmes qui ne se font pas dépister à titre individuel et d’améliorer le respect des recommandations chez celles qui se font dépister trop souvent, avec un risque d’interventions inutiles.

Comme pour les autres DO, c’est l’Assurance maladie qui adresse aux femmes concernées une invitation à réaliser un test de dépistage (cfEncadré 2).

Sont exclues, les femmes qui présentent un critère d'exclusion connu de l'Assurance maladie (hystérectomie totale, traitement d'une lésion cancéreuse ou précancéreuse du col de l'utérus).

Les modalités du dépistage organisé varient selon l’âge :

  • chez les moins de 30 ans, il se fonde sur l'examen cytologique d'un prélèvement cervico-utérin de l'endocol et de l'exocol, à la recherche de cellules anormales. Un 1er prélèvement est effectué à l'âge de 25 ans, suivi d'un 2e, un an après, puis d’un 3e prélèvement, 3 ans après le second si les résultats sont normaux. Le test HPV-HR (recherche de papillomavirus à haut risque oncogène) n'est en effet pas recommandé en raison de la prévalence élevée des infections transitoires par le HPV dans cette classe d'âge.
  • à partir de 30 ans, il repose sur la réalisation d’un test HPV-HR tous les 5 ans. Le premier est fait 3 ans après le dernier examen cytologique dont le résultat était normal ou dès l’âge de 30 ans en l'absence de dépistage antérieur. Le test HPV-HR permet la détection de 14 HPV à haut risque (HPV 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 66, et 68) et le typage sélectif des types 16 et 18.

En alternative au dépistage classique, le test HPV-HR peut être effectué sur un autoprélèvement vaginal réalisé par la femme, avec une performance quasi équivalente aux prélèvements pratiqués par un professionnel de santé (mais sans toutefois permettre l'analyse cytologique faite automatiquement après un test HPV positif). Recommandés par la Haute Autorité de santé, en particulier pour toucher des populations éloignées des systèmes de santé, les autoprélèvements ne sont pas encore envoyés au domicile des femmes lors de la relance, mais sont proposés par certains laboratoires de biologie médicale.

Le rôle clé des professionnels de santé

L’investissement des professionnels de santé est indispensable à l’adhésion aux dépistages organisés.

En effet, ils sont en première ligne pour rappeler à leurs patients que le pronostic des cancers du sein, colorectal et du col de l'utérus est très lié au stade auquel la maladie est diagnostiquée et prise en charge. Le dépistage précoce améliore les chances de guérison et limite le risque de devoir recourir à des traitements lourds et/ou mutilants.

Ils doivent aussi préciser qu’un test positif n’est pas nécessairement synonyme de la présence d'un cancer. Notamment, en ce qui concerne le cancer colorectal, la positivité du test signe la présence de sang dans les selles, qui peut aussi être en lien avec des polypes, des hémorroïdes ou une fissure anale. Ainsi, en cas de résultat positif, des examens complémentaires permettant de confirmer ou d'infirmer ce résultat sont nécessaires.

À l’inverse, les patients doivent être informés qu’un test négatif n’élimine pas avec certitude la présence d'un cancer et que la survenue de tout signe inhabituel entre deux examens de dépistage (modifications de l’aspect d'un mamelon, douleur ou palpation d'une « boule » sur un sein, modification durable du transit, présence de sang dans les selles, etc.) doit conduire à consulter rapidement un médecin.

D’après un entretien avec le Dr Ken Haguenoer, directeur médical - médecin coordonnateur, Centre régional de coordination des dépistages des cancers – Centre-Val de Loire, CHRU Tours.

Encadré 1 - Le score d’Eisinger

Le score d’Eisinger permet d’identifier les patientes qui pourraient bénéficier d’une consultation d’oncogénétique, d’une évaluation plus approfondie ou d’un dépistage spécifique.

Il repose sur une série de critères, chacun étant associé à un certain nombre de points. Ces critères prennent en compte :

  • le nombre de cas de cancer du sein ou de l’ovaire dans la famille ;
  • l’âge au diagnostic de ces cancers ;
  • la présence de cancers bilatéraux ou multiples ;
  • les cas de cancer du sein masculin ;
  • l’origine ethnique.

Le score d’Eisinger permet ainsi d’évaluer le niveau de risque :

  • < 3 : risque génétique faible ;
  • entre 3 et 4 : risque modéré ;
  • score ≥ 5 : risque élevé.

 

Encadré 2 - Les parcours d'invitation mis en œuvre par l'Assurance maladie

 

Sources

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