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Sauna et santé cardiovasculaire : bénéfices et précautions

Le sauna est-il bon ou mauvais pour le cœur et les vaisseaux ? Des données finlandaises montrent des bénéfices en termes de prévention cardiovasculaire. Il faut cependant respecter les contre-indications à cette pratique... y compris cardiovasculaires.

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Le sauna sec dit « finlandais » est la modalité d'exposition prolongée à la chaleur la plus étudiée.

Le sauna sec dit « finlandais » est la modalité d'exposition prolongée à la chaleur la plus étudiée.Tero Vesalainen / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

L’évocation du sauna suscite parfois des remarques relatives au risque d’accident cardiaque chez les personnes qui le pratiquent. Cramoisies, transpirantes, courant se plonger dans l’eau glacée ou se rouler dans la neige, celles-ci mettent-elles leur vie en danger ? Mais d’autres voix s’élèvent pour voir dans le sauna une forme d’exercice physique pour garder un système cardiovasculaire en bonne forme. Qui croire ?

Les informations disponibles sur les effets du sauna sur la santé cardiovasculaire reposent essentiellement sur des données épidémiologiques obtenues dans le pays où cette pratique règne en maître : la Finlande. Depuis plus de 25 ans, une cohorte de plus de 2 300 hommes, adeptes du sauna, est suivie pour évaluer ses effets à long terme. Ces données, comme celles issues d’autres sources et portant sur d’autres modalités d’exposition régulière à la chaleur intense, pointent vers des effets bénéfiques du sauna en termes de prévention des troubles cardiovasculaires (mais aussi d’autres maladies), avec un fort effet dose-réponse.

Néanmoins, la pratique du sauna n’est pas recommandée pour tous et certaines contre-indications existent. La vigilance est également de mise chez les personnes traitées par certains médicaments incompatibles avec l’adaptation du corps à la chaleur intense.

Selon les cultures, les modalités d’exposition prolongée à la chaleur varient. En Europe, les plus fréquentes sont [1] :

  • le sauna sec, dit « finlandais », le plus étudié du point de vue scientifique. Il consiste à s’exposer à une chaleur élevée (80 °C au niveau du visage), plutôt sèche (10 à 20 % d’humidité obtenue en arrosant des pierres brûlantes), pendant 2 ou 3 sessions de 10 minutes, entrecoupées de courtes périodes de récupération ;
  • le hammam, exposition à une chaleur de 40 à 50 °C et 100 % d’humidité, similaire au sauna humide, pendant une durée variable selon les préférences de la personne.

D’autres modalités existent, comme le banya russe (50-60 °C, 40-70 %, éventuellement accompagné de flagellation avec des bouquets de feuilles de bouleau), le sauna à infrarouges (30-40 °C, 0 %) ou la thérapie Waon, japonaise, où l’exposition à la chaleur (40-60 °C, 50-70 %, 15 minutes) est suivie d’un enveloppement dans des couvertures pendant 30 minutes. Les bains chauds (37-40 °C) sont également une forme d’exposition prolongée à la chaleur.

Quelles sont les réactions physiologiques à l’exposition à la chaleur d’un sauna sec ?

Lors d’une exposition prolongée à la chaleur, le corps s’adapte en déclenchant plusieurs réponses physiologiques [23] :

  • la température corporelle augmente, pouvant atteindre 39 °C dans les conditions les plus intenses ;
  • la température cutanée atteint 40 °C, s'accompagne d'une vasodilatation qui redirige une partie importante de la circulation (50 à 70 %, avec une augmentation du volume plasmatique total) vers la peau ;
  • cette vasodilatation s’accompagne d’une transpiration importante destinée à refroidir la peau par évaporation (en moyenne, 0,6 à 1 L de sueur par heure dans un sauna sec à 80 °C, soit 0,5 L pour une session typique). À noter que, dans cette sueur, les métaux lourds sont présents en plus fortes concentrations que dans l’urine (25 fois plus pour le cadmium, 17 fois plus pour le plomb), tout comme d’autres métaux (7 fois plus pour le cobalt, 4 fois plus pour l’aluminium) ;
  • une augmentation significative des taux plasmatiques de bêta-endorphines, d’hormone de croissance, de protéines de choc thermique (Heat Shock Proteins), ou d’interleukines 6 et 10.

Sur le plan cardiovasculaire, les réponses à la chaleur sont comparables à celles observées lors d’un exercice physique modéré :

  • une augmentation de la fréquence cardiaque qui peut passer de 60-70 battements par minute au repos à 100-150 battements par minute ;
  • une augmentation du volume de sang pompé par le cœur, qui passe d’environ 5-6 L par minute au repos à 9-10 L par minute ;
  • une diminution significative (p < 0,0001) de la pression artérielle systolique moyenne (passant de 137 à 130 mmHg, 1) et de la pression artérielle diastolique moyenne (de 82 à 75 mmHg). Après 30 minutes de récupération, la pression systolique reste significativement inférieure à son niveau initial.

Quels sont les effets à long terme sur la santé cardiovasculaire ?

L’analyse des effets à long terme de l’exposition régulière à la chaleur a essentiellement été menée avec le sauna de type finlandais. Un corpus d’études a aussi porté sur les effets de la thérapie Waon. Il s'agit, pour la plupart, d'études épidémiologiques de cohorte. Quelques essais randomisés contrôlés existent également.

La majorité des données sont issues d’une très longue étude de cohorte finlandaise (plus de 25 ans de suivi moyen, toujours en cours) menée sur un groupe de 2 315 hommes (42-60 ans à l’admission - âge médian 53 ans, sans pathologie cardiovasculaire) : la cohorte Kuopio Ischemic Heart Disease (KIHD).

Tous les hommes inclus pratiquaient au moins une séance de sauna sec par semaine (comme il est d’usage en Finlande). Pour analyser l’effet de la chaleur intense, ils ont été répartis dans 3 groupes selon la fréquence de l'exposition : 1 fois par semaine2 à 3 fois par semaine ou 4 à 7 fois par semaine.

Effets du sauna finlandais sur le risque d’hypertension artérielle

Dans une évaluation partielle de la KIHD (1 621 hommes sans hypertension artérielle [HTA] ni traitement hypertenseur à l’admission [4]), les participants qui avaient une séance 2 à 3 fois par semaine présentaient une baisse relative de 24 % (IC95 0-43 %) du risque de développer une HTA au cours d’une période de suivi de 24,7 ans. À la fréquence de 4 à 7 fois par semaine, la diminution de ce risque était de 46 % (IC95 9-68 %). Après prise en compte des facteurs de risque connus et d'autres facteurs de confusion potentiels, tels que la consommation d'alcool, les facteurs socio-économiques et les niveaux d'aptitude cardiorespiratoire, les résultats sont restés similaires (17 et 47 % respectivement).

Effets du sauna finlandais sur la prévention des maladies et de la mortalité cardiovasculaire

Dans la cohorte KIHD, la fréquence et la durée des séances de sauna étaient positivement associées (avec un effet dose-réponse) à une diminution du risque de mort subite d’origine cardiaque, de coronaropathie fatale et de maladies cardiovasculaires, ainsi qu’à une baisse de la mortalité globale. Cet effet résistait à l’ajustement sur divers facteurs de confusion : âge, indice de masse corporelle, pression artérielle systolique, taux sanguins de cholestérol LDL, tabagisme, consommation d'alcool, antécédents d'infarctus du myocarde, présence d'un diabète de type 2, insuffisance rénale, fréquence cardiaque au repos, niveaux d'activité physique et situation socio-économique.

Les effets protecteurs du sauna étaient particulièrement marqués chez les hommes pratiquant le sauna 4 à 7 fois par semaine [5]. Après ajustement, il a été constaté une réduction du risque de :

  • mort subite d’origine cardiaque de 63 % (IC95 25-82 %, p=0,005 comparé aux hommes le pratiquant une fois par semaine) contre 22 % (IC95 0-43 %) chez ceux s'y rendant 2 à 3 fois par semaine ;
  • maladie cardiovasculaire fatale de 50 % (IC95 23-67 % p<0,001) contre 27 % (IC95 11-41 %) chez ceux pratiquant 2 à 3 fois par semaine ;
  • mortalité toutes causes confondues de 40 % (IC95 20-54 %, p<0,001) contre 24 % (IC95 12-34 %).

L’effet dose-réponse était également marqué en termes de durée des séances. Comparés aux hommes dont les séances de sauna duraient moins de 11 minutes, ceux pour qui elles dépassaient 19 minutes avaient un risque de mort subite d’origine cardiaque réduit de 52 % (IC95 25-69 %, p=0,002). Cette diminution n’était que de 7 % (IC95 0-33 %) avec des  séances de 11 à 19 minutes. Cet effet protecteur de la durée de l'exposition était constaté pour le risque de maladie coronarienne fatale et de maladies cardiovasculaires, mais pas pour la mortalité toutes causes confondues.

Concernant le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), Kunutsor et al. [6] ont présenté les résultats du suivi pendant plus de 15 ans d'une cohorte indépendante de l'étude KIHD, composée de 1 628 participants, hommes et femmes (53-74 ans, âge médian 63 ans). Leurs conclusions indiquent que la pratique du sauna 4 à 7 fois par semaine, comparée à une séance hebdomadaire unique, entraîne une diminution de 62 % (IC95 19-82 %) du risque d'AVC. Cette association concernait les AVC ischémiques et hémorragiques.

Enfin, chez 2 242 hommes sans antécédents de maladie thromboembolique veineuse issus de la cohorte KIHD, la pratique de 2 à 3 séances de sauna par semaine était associée, après ajustement pour l’âge, à une réduction de 33 % (IC95 4-54 %) du risque de maladie thromboembolique veineuse comparativement à 1 séance de sauna par semaine. La protection semblait moindre avec 4 à 7 séances hebdomadaires : 8 % (IC95 0-49 %) [7].

Les études portant sur d’autres modalités d’exposition régulière et prolongée à la chaleur (hammam, bains chauds, thérapie Waon, etc.) vont dans le même sens. Ainsi, une étude japonaise randomisée utilisant la thérapie Waon a montré une amélioration des symptômes chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique, notamment une réduction de la dyspnée et une augmentation de la capacité à l’effort [8].

Il est à noter que, dans l’ensemble, ces effets positifs sont similaires à ceux d’une activité physique régulière aérobie, d’intensité modérée à intense. Une étude clinique contrôlée [9] suggère d’ailleurs que l’association des deux pratiques (faire un sauna après une séance de sport) apporte un bénéfice supplémentaire, en termes de prévention des maladies cardiovasculaires.

Quels effets en termes de prévention d’autres pathologies ?

La pratique régulière du sauna finlandais pourrait également avoir un intérêt en termes de prévention d’autres pathologies (pour une revue complète, voir [1]) :

  • elle semble avoir des effets bénéfiques sur la fonction pulmonaire, notamment en améliorant la capacité vitale, la ventilation et le volume expiratoire forcé. Par exemple, une analyse faite à partir de la cohorte KIHD [10] suggère que des séances fréquentes réduisent d’environ 40 % le risque de maladies respiratoires telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l'asthme ou les pneumonies. Dans une étude menée sur 12 participants masculins souffrant de BPCO, les séances de sauna ont entraîné une amélioration à court terme de leur fonction pulmonaire [11] ;
     
  • dans la cohorte KIHD, les hommes qui pratiquaient le sauna 4 à 7 fois par semaine avaient une réduction significative du risque de développer une démence (66 %, IC95 29-84 %) ou une maladie d’Alzheimer (65 %, IC 95 10-86 %). Ceux qui en faisaient 2 à 3 fois par semaine avaient un risque diminué, respectivement, de 22 % (IC95 0-43 %) et 20 % (IC95 0-47 %) [12]. Dans une autre cohorte (13 994 hommes et femmes âgés de 30 à 69 ans à l’admission et n'ayant pas reçu de diagnostic de démence, suivis pendant 39 ans), se rendre au sauna de 9 à 12 fois par mois, par rapport à moins de 4 fois par mois, était associé à une réduction du risque de démence de 53 % (IC95 12-75 %) au cours des 20 premières années de suivi et de 19 % (IC95 3-31 %) pendant toute la durée du suivi [13] ;
     
  • toujours dans la cohorte KIHD, le risque de développer une psychose était réduit de 78 % (IC95 46-91 %) pour les hommes pratiquant le sauna 4 à 7 fois par semaine [14].

Les effets du sauna sur d’autres maladies (diabète de type 2, cancers, maladies dermatologiques, ostéoporose, dépression, par exemple) ne sont pas avérés [1].

Quelles sont les contre-indications à la pratique du sauna ?

La pratique du sauna et d’autres formes d’exposition prolongée à la chaleur est contre-indiquée aux personnes qui souffrent notamment [2] :

  • d’angor non stabilisé par un traitement ;
  • d’insuffisance cardiaque décompensée ;
  • de suites récentes d’un infarctus du myocarde ;
  • d’un rétrécissement aortique sévère ;
  • d’hypotension artérielle ;
  • de troubles du rythme cardiaque ;
  • d’antécédents d’AVC ou d’AIT (accident ischémique transitoire) ;
  • de fièvre ;
  • de dermatoses inflammatoires ;
  • de troubles de la production de sueur.

Malgré quelques rares résultats suggérant un lien entre l'utilisation fréquente du sauna et un risque élevé de décès par hémorragie cérébrale [15], l'étude KIHD a montré qu'une augmentation de la fréquence et de la durée des séances de sauna était systématiquement liée à un risque plus faible de décès par hémorragie cérébrale [1]. Pour les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires stables, il est recommandé de limiter les séances à 5-10 minutes à des températures modérées (60-80 °C) et d’éviter les immersions soudaines dans l’eau froide ou la neige après le sauna [5].

Dans la cohorte KIHD, une analyse transversale et longitudinale a montré que le recours fréquent au sauna (de 4 à 7 séances par semaine) n'était pas associé à une altération de la fonction rénale (mesurée à l'aide du débit de filtration glomérulaire estimé et des taux sériques de créatinine, de potassium et de sodium) ou au risque futur de maladie rénale chronique [16]. Bien que la transpiration intensive augmente généralement les pertes d'eau, d'urée, de sodium, de calcium, de potassium, de magnésium et de chlorure, une séance de sauna n'entraîne pas de changements significatifs à plus long terme des taux sériques d'électrolytes ou de créatinine, à condition de boire suffisamment avant et après (au moins un demi-litre d’eau après chaque séance).

Tous les auteurs s’accordent à dire que boissons alcoolisées et sauna ne font pas bon ménage : dans les études, la plupart des décès observés après une séance de sauna concernaient des personnes en état d’ébriété.

Médicaments et exposition à la chaleur : attention !

Certains médicaments ne sont pas compatibles avec l’exposition à la chaleur intense [17]. Il s'agit de ceux qui :

  • augmentent les pertes d’eau au niveau des reins (diurétiques) ;
  • agissent sur la fonction rénale (anti-inflammatoires non stéroïdiens et aspirine, paracétamol, certains antihypertenseurs, digoxine, antidiabétiques, etc.) ;
  • interfèrent avec les mécanismes de régulation de la température corporelle (neuroleptiques, antiparkinsoniens, antidépresseurs, hormones thyroïdiennes, etc.) ;
  • limitent l’adaptation du cœur à la chaleur (bêta-bloquants, digoxine, etc.) ;
  • réduisent la capacité des vaisseaux sanguins à se dilater et diminuent la transpiration (antimigraineux, par exemple) ;
  • diminuent la vigilance et la capacité à adapter son comportement pour lutter contre la chaleur (hypnotiques, par exemple).

De plus, la chaleur intense et la transpiration peuvent diminuer l’efficacité de certains médicaments, par exemple, les anticholestérolémiants ou les antidiabétiques, les antiépileptiques, les sels de lithium, etc. Enfin, l’efficacité des patches peut être perturbée par la transpiration abondante.

Conclusion

Les données de la cohorte KIHD, même si elles demeurent souvent l’unique source d’information sur les effets de la pratique du sauna au long terme, vont clairement dans le sens d’un effet bénéfique de l’exposition à la chaleur dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Elles rejoignent les résultats constatés avec d’autres modalités que le sauna finlandais, ainsi que celles obtenues dans les très nombreuses études sur les effets cardiovasculaires de l’activité physique régulière modérée à intense. D’une certaine manière, le sauna finlandais peut être perçu comme une forme d’activité de ce type, une donnée utile pour les personnes qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas pratiquer d’activité sportive.

Néanmoins, ces effets bénéfiques sont particulièrement marqués chez les personnes qui pratiquent le sauna de manière fréquente (plus de 4 fois par semaine), ce qui rend difficile la généralisation de cette stratégie, en particulier dans les pays où l’exposition à la chaleur n’est pas couramment intégrée dans les habitudes culturelles.

Sources

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