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Vaccination contre la variole du singe : l'injection intradermique envisageable sous conditions

L'ANSM estime que le rapport bénéfice/risque des vaccins contre la variole du singe IMVANEX et JYNNEOS administrés par voie intradermique est favorable, sous certaines conditions : utilisation en seconde dose, et uniquement chez l'adulte. 

David Paitraud 13 octobre 2022 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Injection intradermique.

Injection intradermique.

Résumé

Dans le cadre de la vaccination préexposition contre l'infection à virus Monkeypox, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Haute Autorité de santé (HAS) ont rendu un avis favorable à l'injection des vaccins IMVANEX et JYNNEOS par voie intradermique (ID). 

Cette voie d'injection, déjà autorisée aux États-Unis, n'est pas recommandée dans les autorisations de mise sur le marché (AMM) de ces vaccins. Cependant, elle constitue une alternative en situation de tensions d'approvisionnement ; en effet, la voie intradermique nécessite une dose réduite de solution injectable, soit 0,1 mL contre 0,5 mL en injection sous-cutanée (SC) (voie recommandée dans les AMM).

Sur la base des données disponibles issues d'une étude clinique de 2015, l'ANSM juge que le rapport bénéfice/risque des vaccins IMVANEX et JYNNEOS injectés par voie ID est favorable. L'immunogénicité évaluée après une injection ID n'est pas inférieure à celle rapportée en cas d'injection par voie SC. En revanche, la tolérance locale lors d'une injection ID est moins favorable en comparaison à la voie SC.

Pour l'ANSM et la HAS, la voie ID peut être envisagée sous conditions : 

  • en seconde dose au cours du schéma de vaccination préventive, et lorsque la première dose injectée par voie SC a été bien tolérée ;
  • chez l'adulte de plus de 18 ans, sauf chez la femme enceinte, les immunodéprimés, ou les personnes avec antécédents de cicatrice chéloïde. 

Les modalités pratiques d'injection ID s'appuient sur celles mises en place par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains. L'utilisation de seringues à tuberculine avec aiguilles de 27 ou 26 gauges de 6,35 mm à 12,7 mm à biseau court est recommandée. 

En prévention de l'infection à Monkeypox, la HAS confirme le schéma vaccinal à 2 doses, avec un intervalle de 28 à 35 jours.

Elle recommande par ailleurs de proposer cette vaccination aux femmes partenaires des personnes à très haut risque d'exposition au virus.

Dans le cadre de la vaccination préventive contre la variole du singe (infection à virus Monkeypox), deux vaccins de troisième génération sont disponibles en France : IMVANEX et JYNNEOS (cf. notre article du 19 juillet 2022). 

Cette vaccination est proposée depuis juillet 2022 en France, aux personnes les plus exposées au virus Monkeypox : 

  • hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et personnes trans multipartenaires ;
  • personnes en situation de prostitution ;
  • professionnels exerçant dans les lieux de consommation sexuelle, quel que soit le statut de ces lieux. 

Suite à des difficultés d'approvisionnement rapportées aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a autorisé, en août dernier, l'injection de JYNNEOS par voie intradermique (ID) chez les adultes de 18 ans et plus, alors que l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ne prévoit que l'injection par voie sous-cutanée (SC). 

Cette décision visait à permettre d'économiser des doses de vaccin, l'injection par voie ID nécessitant 0,1 mL de solution, soit un volume 5 fois moindre que celui recommandé en injection SC (0,5 mL).

En Europe, l'Agence européenne du médicament (EMA) s'est prononcée en faveur de l'utilisation de cette voie d'administration. 

En France, la direction générale de la Santé (DGS) a demandé à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et à la Haute Autorité de santé (HAS) de se prononcer sur l'intérêt de la voie ID en tant qu'alternative à la voie SC en période de tensions d'approvisionnement, notamment en termes d'efficacité et de sécurité par rapport à la voie SC. 

Voie ID : l'ANSM et la HAS donnent leur feu vert, mais posent leurs conditions

Pour établir son avis [1, 2], l'ANSM a analysé les données d'efficacité et de sécurité relatives à l'utilisation des vaccins antivarioliques injectés par voie ID en comparaison à la voie SC, à partir d'une étude clinique datant de 2015 [3] : 

  • efficacité en termes d'immunogénicité : le vaccin antivariolique MVA-BN injecté par voie ID n'a pas été moins immunogène en comparaison à une injection par voie SC ;
  • sécurité : la tolérance locale du vaccin par voie ID semble moins favorable, avec une réactogénicité plus importante et la persistance de réactions locales de type rougeur, induration, gonflement, et démangeaisons jusqu'à 6 mois après l'injection chez plus de 1 participant sur 3. 

 La voie ID, une alternative envisageable en cas de pénurie de vaccin

Dans son avis du 3 octobre [2], l'ANSM conclut que « dans le cas d’approvisionnements limités en vaccins, une utilisation exceptionnelle par voie ID à la posologie de 0,1 mL, au lieu de 0,5 mL par voie SC, pourrait être scientifiquement justifiée avec un rapport bénéfice/risque favorable, tout en prenant en compte la moins bonne tolérance locale de cette voie d’injection ».

Elle estime que le rapport bénéfice/risque des vaccins IMVANEX et JYNNEOS en injection ID est favorable, dans les conditions suivantes : 

  • recours à la voie ID uniquement pour la deuxième dose de vaccination ;
  • chez des personnes de plus de 18 ans ayant bien toléré la première dose (peu ou pas de signes de réactogénicité). 

Outre les enfants, la voie ID n'est pas préconisée dans les populations suivantes :

  • chez la femme enceinte ;
  • personnes immunodéprimées [4, 5] ;
  • personnes avec antécédents de cicatrice chéloïde [4, 5].

La HAS confirme le schéma à deux doses

Dans un avis du 6 octobre 2022 [4, 5], la HAS partage la position de l'ANSM sur les conditions de recours à la voie ID. Elle souligne que les deux voies d’administration sont interchangeables pour finir le schéma de vaccination, tout en recommandant d'utiliser la voie SC pour la première dose.

Elle confirme également le schéma de vaccination préexposition en deux doses, en respectant un délai optimal de 28 à 35 jours entre ces doses.
Cette seconde dose n'est pas nécessaire si l’infection est survenue après l’administration de la première dose.

Enfin, la HAS confirme que les vaccins IMVANEX et JYNNEOS :

  • conviennent aux personnes immunodéprimées ;
  • et peuvent être administrés en même temps que les autres vaccins du calendrier vaccinal, y compris les vaccins COVID-19. En cas d’administration non simultanée, un délai de 4 semaines doit être respecté uniquement avec les vaccins vivants atténués viraux (ROR, varicelle, zona, fièvre jaune).

Deuxième dose par voie ID : modalités pratiques

Pour rappel, IMVANEX et JYNNEOS sont présentés en flacon de 0,5 mL de solution injectable (flacon unidose pour l'injection SC). 

En cas de recours à la voie ID, la dose à administrer est de 0,1 mL de solution.

Pour cette injection ID, l'ANSM s'appuie sur les modalités mises en place par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains [6] : 

  • utiliser des seringues et/ou aiguilles à faible volume mort : seringues à tuberculine avec aiguilles de 27 ou 26 gauges (code couleur gris ou marron en Europe - cf. Tableau ci-dessous), de 6,35 mm à 12,7 mm à biseau court.

L'administration ID doit être réalisée par des professionnels de santé expérimentés ou formés. 

Une fois le flacon percé pour prélever la première dose de 0,1 mL, la solution doit être utilisée dans les 8 heures et conservée au réfrigérateur entre chaque prélèvement. 

Tableau - Choix de l'aiguille hypodermique : voie d'administration en fonction de la longueur et du diamètre

Proposer la vaccination aux femmes vivant avec des personnes à risque

 Dans ce même avis du 6 octobre 2022, la HAS recommande que la vaccination en préexposition soit proposée aux femmes partenaires occasionnelles ou partageant le même lieu de vie que des personnes à très haut risque d’exposition au virus (cf. ci-avant).

Bien que la dynamique de l'épidémie en France semble s'essouffler (cf. Encadré ci-dessous), la HAS rappelle l'intérêt de maintenir la vaccination préexposition et de respecter les mesures de prévention de la transmission du virus Monkeypox.

Encadré - Données épidémiologiques de l'infection à virus Monkeypox en France (Santé publique France, 4 octobre 2022)

Au 4 octobre 2022, Santé publique France annonçait 4 043 cas confirmés d'infection à virus Monkeypox en France, soit 44 cas supplémentaires depuis le 27 septembre 2022. 

Sur l'ensemble des cas, le taux d'hospitalisation était de 2,2 %. Aucun décès n'a été signalé. 

La nécessité de disposer de données supplémentaires

L'ANSM et la HAS réviseront leurs avis respectifs en fonction des nouvelles données, notamment les données relatives à la vaccination par voie ID. 

La HAS rappelle que plusieurs cohortes ont été mises en place, afin d'approfondir les connaissances sur l'infection à Monkeypox et sur la vaccination associée :

  • cohorte existante de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales - Maladies infectieuses émergentes pour l’Europe (ANRS-MIE) chez les personnes sous PrEP qui intégrera les données de la vaccination contre le Monkeypox ;
  • cohorte internationale de personnes infectées par le virus Monkeypox (ANRS MOSAIC), en collaboration avec l’université d’Oxford, les hôpitaux universitaires de Genève, et coordonnée par l’ANRS-MIE. Ce projet vise à mieux comprendre la maladie et à évaluer l’impact de la prise en charge des patients infectés. Les premiers patients ont été inclus en France le 13 juillet 2022 ;
  • nouvelle cohorte de personnes contacts à risque d’infection Monkeypox (MONKEY VAX) mise en place par l’ANRS-MIE et l’AP-HP qui permettra d’étudier l’efficacité de la vaccination postexposition des vaccins de troisième génération et dont les premiers patients ont été inclus en France le 13 juillet 2022.
     

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