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Comment recueillir le consentement de la personne dyscommunicante ?

Si le consentement est l’un des fondements de l’éthique médicale, il soulève des questions lorsque le patient a des difficultés à comprendre, raisonner, choisir ou s’exprimer. Des aides humaines et matérielles existent pour faciliter le recueil du consentement.

Fanny Bernardon 06 octobre 2022 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Des aides humaines et des moyens matériels.

Des aides humaines et des moyens matériels.

Résumé

Le recueil du consentement implique toujours d’évaluer la capacité du patient à le donner. C’est sur ce principe que doit se fonder la réalisation de tout acte médical, et ce même vis-à-vis des patients qui présentent des difficultés à comprendre, raisonner, choisir ou s’exprimer. Des outils de communication et des aides humaines permettent de faciliter l’obtention du consentement, en s’appuyant sur les possibilités de communication de chacun.

Certains patients présentent des difficultés à comprendre, raisonner, choisir ou s’exprimer, ce qui rend le recueil de leur consentement plus complexe.

Il peut s’agit des personnes avec :

  • une déficience intellectuelle :
    • trouble du développement intellectuel (TDI) ;
    • polyhandicap ;
    • paralysie cérébrale.
  • un défaut de mobilisation des facultés intellectuelles :
    • trouble psychique ;
    • trouble du spectre de l’autisme (TSA).
  • une surdité ou une déficience auditive ;
  • une aphasie ;
  • une maladie neurodégénérative ;
  • un illettrisme ou une maîtrise insuffisante de la langue française ;
  • un faible niveau de littératie en santé [1] : capacité à comprendre les sujets de santé.

Pour autant, l’article R.4127-36 du Code de la santé publique indique que « le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas » [2]. Comment procéder alors avec les patients que l’on désignera dans cet article sous le terme de « personnes dyscommunicantes » ?

« Les difficultés de recueil du consentement concernent plus de sujets que l’on ne croit, explique le Dr Bénédicte Gendrault, pédiatre et spécialiste du handicap. Or, le consentement est avant tout un enjeu de communication et d’adhésion. Et il n’existe pas de personne avec laquelle il ne soit pas possible de communiquer. Chacune a un langage, parfois non verbal : mouvement du corps, cris, évitements. Il est parfois nécessaire d’avoir recours à des aides à la communication comme les outils de communication alternative et améliorée. » 

Évaluer la capacité à donner le consentement

Le recueil du consentement est un processus dynamique impliquant deux actions qui s’entremêlent, voire se déroulent en plusieurs temps distincts :

  • délivrer une information libre, éclairée, mais aussi adaptée aux capacités de chaque personne. Seule la compréhension de cette information permettra au patient de prendre une décision pour lui, ou tout du moins de participer à la décision qui le concerne. On parle d’autodétermination ;
  • évaluer la capacité de la personne à donner son consentement. Cette étape est concomitante de la recherche du consentement.

Le médecin ne peut pas obtenir le consentement s’il n’a pas cherché à le recueillir, et donc à évaluer si la personne pouvait le donner. 

« En France, la relation médecin/malade s’appuie sur l’oralité. Le consentement est recueilli à l’oral de manière tacite dans la majorité des cas. Autrement dit, la règle est le sous-entendu. L’écrit demeure l’exception et les situations le requérant ne sont pas définies, principalement les devis dentaires et esthétiques ou les interventions chirurgicales sous anesthésie générale, comme support à l’échange oral », précise le Dr Sahar Moussa-Badran, chirurgien-dentiste au CHU de Reims, experte à la cour d’appel de Reims et qualifiée en médecine bucco-dentaire soins spécifiques.

Les solutions concrètes pour faciliter le recueil du consentement

Il existe des aides humaines et des moyens matériels pour faciliter la communication soignant/soigné, la délivrance d’une information adaptée, et ainsi l’obtention du consentement pour tous, même chez les personnes dyscommunicantes.

Les aides humaines

  • l’aidant (famille, ami, voisin, etc.) est le premier recours pour transmettre l’information et échanger avec le patient, car il sait comment communiquer avec lui. Pour autant, il est important de s’adresser directement au patient en consultation, tout en veillant à s’appuyer sur l’aidant. Le site HandiConnect.fr propose une fiche-conseil pour  aider le médecin dans cette démarche pour faciliter les consultations avec des personnes en situation de handicap ;
  • un interprète de langue étrangère, un intermédiateur en santé (un professionnel sourd qui assure le lien culturel et linguistique entre les patients sourds et les professionnels de santé) ou un pair-aidant (personne ayant souffert ou souffrant de la même maladie) peuvent être précieux. À titre d’exemple, Drifa, atteinte d’une cataracte et d’un nystagmus congénitaux, forme des pairs déficients visuels à la parentalité dans le cadre d’EPoP. Ce projet porté par la Croix-Rouge vise à banaliser le recours aux savoirs expérientiels des personnes en situation de handicap. Elle raconte : « Le jour de mon accouchement, j’avais donné mon accord pour recevoir une péridurale. Mais l’anesthésiste ne m’a pas prévenue au moment de piquer. J’ai sursauté, elle a crié et m’a ordonné de ne pas bouger ! » ;
  • le référent handicap à l’hôpital [3], dont la mission est d’accompagner les patients en situation de handicap dans leur parcours de soins. Au Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, Jean-Marc Devocelle tient le rôle de référent accessibilité handicap : « Dans certains services, nous utilisons la communication alternative et améliorée sous forme de grille d'images pour faciliter la communication avec les patients qui en ont besoin. Nous proposons également à tous les services des kits de communication à destination des personnes sourdes et malentendantes. » ;
  • le coordonnateur santé dans les associations médico-sociales pour personnes en situation de handicap. « Il s’agit d’un métier en expérimentation dans plusieurs associations du Nord-Pas-de-Calais, dont les missions sont de faciliter l’accès aux soins. Nous avons développé une fiche Facile à lire et à comprendre (FALC) qui explique ce qu’est le consentement libre et éclairé pour les personnes accompagnées », explique Peggy Langlet, coordonnatrice santé à l’association les Papillons blancs de Dunkerque.

Les moyens matériels

Il en existe une grande variété :

  • le langage FALC. Cette méthode permet de traduire tout texte en une information simple et claire. Pour qu’un contenu soit FALC, il doit avoir été relu et compris par des personnes avec déficience intellectuelle ;
  • les outils de communication adaptés : SantéBD (des supports avec des images et des mots simples pour comprendre la santé), ARASAAC (banque de pictogrammes), l’application MediPicto ou encore le site santetresfacile.fr ;
  • la consultation blanche. Il s’agit d’une consultation sur le lieu de soins au cours de laquelle aucun soin n’est réalisé. L’objectif est de permettre au patient de se familiariser avec le lieu, les personnes, les odeurs, etc.

D’autres dispositifs facilitant l’accès à l’information et à la communication, et donc le recueil du consentement, sont disponibles sur la nouvelle banque d’expériences développée par le Secrétariat d’État chargé des Personnes handicapées. Elle rassemble l’ensemble des actions, des bonnes pratiques et des innovations portées sur le terrain en termes d’accès aux soins. Elle est hébergée sur le site de l’association CoActis Santé.

Concernant les patients sous protection juridique, HandiConnect.fr propose la fiche-conseil « Les mesures de protection juridique des majeurs vulnérables et conséquences sur les soins ».

[NDLR : Cet article s’intéresse aux soins courants et ne traite pas de situations spécifiques comme les soins d’urgence, les soins palliatifs, les interruptions volontaires de grossesse ou les patients mineurs ou sous protection juridique.]

Sources

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