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Augmentation des hépatites graves de l’enfant d'origine indéterminée : enquête en cours

Depuis janvier 2022, une augmentation des cas d'hépatite aiguë survenus chez des enfants, pour la plupart âgés de moins de 5 ans, a été signalée au Royaume-Uni. Des cas similaires ont été également enregistrés au niveau international, dont la France. L'étiologie reste actuellement inconnue. 
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La cause exacte de ces hépatites est actuellement inconnue (illustration).

La cause exacte de ces hépatites est actuellement inconnue (illustration).

Résumé
Depuis janvier 2022, une augmentation des cas d'hépatite aiguë sévère, survenus chez de jeunes enfants, en majorité de moins de 5 ans, a été rapportée au Royaume-Uni. Environ 10 % des patients ont dû être transplantés.

Des observations similaires ont aussi été notifiées dans plusieurs pays européens, aux États-Unis, en Israël et au Japon. En France, deux cas ont été signalés. 
 
L'étiologie de ces hépatites n'ayant pas été découverte à ce jour, plusieurs agences sanitaires travaillent activement à la mise en place d'un circuit de signalement et à la recherche de causes virales ou non. Des documents spécifiques à destination des professionnels de santé viennent ainsi d'être mis en ligne par Santé publique France.   

Les autorités sanitaires du Royaume-Uni, UK Health Security Agency (UKHSA), National Health Service (NHS), Public Health Scotland, Public Health Wales et Public Health Agency, enquêtent sur une augmentation, depuis janvier 2022, de cas d'hépatite chez des enfants âgés de moins de 10 ans, pour lesquels les causes habituelles d'hépatite infectieuse (hépatites de A à E) et toxique n'ont pas été identifiées [1]. 
 
Entre janvier 2022 et le 12 avril 2022, 108 cas avaient été recensés en Angleterre (79), en Écosse (14) et au Pays de Galles ou en Irlande du Nord (15). Huit enfants (7,5 %) avaient reçu une greffe du foie et aucun n'est décédé.
 
Depuis la publication de l'OMS, le 15 avril 2022 [2], qui a fait état de ces hépatites aiguës d'étiologie inconnue survenues au Royaume-Uni, de nouvelles observations ont continué à être rapportées. Au 29 avril 2022, 145 cas d'enfants âgés de 1 mois à 16 ans ont été recensés au Royaume-Uni [
1], 55 dans 12 pays européens (Autriche, Belgique, Danemark, France, Allemagne, Italie, Irlande, Norvège, Pologne, Roumanie, Espagne et Pays-Bas) ainsi que 12 cas aux États-Unis, 12 en Israël et 1 au Japon [3].

Au moins 10 % ont dû avoir une greffe de foie et au moins un enfant est décédé.
 
En France, le CHU de Lyon a signalé 2 cas d'hépatite aiguë dont l'étiologie est encore indéterminée [4]. Pour l'heure, la cause exacte de ces hépatites reste inconnue.
 
Les causes habituelles pour l'instant écartées
Le syndrome clinique est une hépatite aiguë sévère avec un ictère peu ou pas fébrile et des taux de transaminases nettement élevés (ASAT ou ALAT > 500 UI/L), parfois précédés de signes digestifs (vomissements, diarrhées, douleurs abdominales).
 
Les causes habituelles des hépatites de l'enfant ont été exclues : virus (A et E d'origine alimentaire et B, C et D transmises par le sang), consommation d'alcool, médicaments, plantes, produits chimiques.

Aucun patient n'avait été vacciné contre le SARS-CoV-2 et il n'a pas été trouvé d'association connue avec les voyages. 
 
Il est également peu probable qu'il s'agisse d'un symptôme jusque-là inconnu de la COVID-19. En effet, selon les données rapportées par la 
UK Health Security Agency (UKHSA) :
  • les tests pour le SARS-CoV-2 n'étaient positifs que chez 10 patients (16 %) sur 61 testés ;
  • ce taux n'est pas inattendu, compte tenu de la prévalence du SARS-CoV-2 en population générale au cours de cette période ;
  • l'augmentation importante des transaminases (> 500 UI/mL) est exceptionnelle au cours de la COVID-19 (13 cas sur 2 171 enfants testés).
Les autres pathogènes recherchés (virus Epstein Barr [EBV], entérovirus, cytomégalovirus [CMV], virus respiratoire syncytial [VRS], parvovirus B19, etc.) étaient présents aux fréquences habituelles.
 
Les analyses toxicologiques standard ont exclu une intoxication par le paracétamol ou l'aflatoxine B1. Et des analyses plus fines (spectrographie de masse et acquisition GC/MS), réalisées chez 11 cas et 16 témoins, n'ont pas identifié de toxiques.
 
La piste des adénovirus
Un adénovirus a été détecté dans le sang et/ou les selles et/ou les prélèvements respiratoires chez 40 (77 %) des 53 patients testés (on ignore la positivité de ces tests chez des sujets n'ayant pas d'hépatite).
 
Deux éléments font suspecter une nouvelle souche d'adénovirus :
  • d'une part, lorsque le typage de l'adénovirus a pu être effectué dans le sang (11 fois), il s'agissait du 41 F, tandis que d'autres types d'adénovirus ont été identifiés dans des prélèvements non sanguins ;
  • d'autre part, la quantité d'ADN de l'adénovirus dans le sang était 12 fois plus élevée chez les enfants ayant nécessité une greffe hépatique que chez les autres, bien que le moment du prélèvement, par rapport au début de la détérioration hépatique, ait été variable.
Parallèlement, au Royaume-Uni, d'où provient la grande majorité des cas, mais aussi aux Pays-Bas, une augmentation nette des infections virales digestives et pulmonaires et de la présence d'adénovirus dans les selles a été récemment constatée chez les enfants de 1 à 4 ans. Ce changement a été attribué aux faibles taux de circulation virale durant la pandémie de COVID-19.
 
Le rôle d'un adénovirus est donc une hypothèse possible, mais qui ne peut totalement expliquer la sévérité du tableau clinique.

Les adénovirus sont des pathogènes usuels (plus de 50 types chez l'homme) qui provoquent des manifestations bénignes (respiratoires, ORL, digestives, conjonctivites), mais généralement pas d'hépatites. Si l'infection par l'adénovirus type 41, généralement responsable de diarrhées, vomissements, fièvre et manifestations respiratoires, peut entraîner des hépatites chez des sujets immunodéficients, il n'est pas connu pour provoquer une hépatite aiguë grave chez des enfants sains.

L'hépatite aiguë induite par un adénovirus n'étant pas habituelle, les hypothèses de travail qui doivent guider l'attitude à suivre en cas d'hépatites [3] sont :
  • Un cofacteur présent chez les jeunes enfants qui transformerait une infection banale par un adénovirus en une maladie plus grave ou qui déclencherait une atteinte immunologique. Ce cofacteur pourrait être :
    • une sensibilité particulière liée à l'absence d'exposition antérieure en raison de l'épidémie de COVID-19 ;
    • une infection antérieure par SARS-CoV-2 ou un autre pathogène incluant un effet particulier du variant Omicron ;
    • une coïnfection par le SARS-CoV-2 ou un autre pathogène ;
    • un toxique ou une exposition environnementale.
  • Un nouveau variant d'adénovirus, avec ou sans la contribution d'un des cofacteurs cités plus haut.
  • Un médicament, un toxique ou une exposition environnementale.
  • Un nouveau pathogène agissant seul ou avec une coïnfection.
  • Un nouveau variant de SARS-CoV-2.

Une sensibilisation des professionnels de santé
Les autorités du Royaume-Uni ont mis en place un programme de sensibilisation des professionnels de la santé, afin que tout enfant susceptible d'être affecté puisse être identifié tôt et que les tests appropriés soient effectués.
  • Les médecins et les parents doivent être attentifs envers des enfants ayant des symptômes potentiellement attribuables à une hépatite (urines foncées, selles décolorées, ictère, prurit, arthralgie/myalgie, fièvre, troubles digestifs, fatigue, perte d'appétit), qui nécessiteraient les investigations habituelles dont des tests hépatiques.
  • Une hépatite aiguë doit être évoquée chez les enfants dont les transaminases sériques (ASAT ou ALAT) sont > 500 UI/L et le personnel impliqué dans la prise en charge de ces patients doit utiliser les précautions habituelles (lavage minutieux des mains, bonne hygiène respiratoire, chambre individuelle, manipulation des échantillons) jusqu'à la résolution des symptômes. Un avis d'un centre de référence spécialisé est souhaitable, tant pour l'aide au diagnostic que pour la prise en charge, surtout si les enfants sont cliniquement malades ou si leur état se détériore.
  • En cas d'hépatite aiguë chez un enfant de moins de 16 ans avec un taux de transaminases sériques > 500 UI/L, et chez lesquels les hépatites de A à E ont été exclues, il est recommandé, outre la signalisation de ces cas et les mesures d'hygiène normales (lavage correct des mains et hygiène respiratoire) chez les enfants et leur entourage, les examens suivants, qui doivent être effectués le plus tôt possible :
    • dans le sang, recherche virale :
      • par PCR : adénovirus, entérovirus, CMV, EBV, virus herpès simplex [HSV], hépatites A, C, et E, herpès virus humain de types 6 et 7 [HHV6 et 7] ;
      • par sérologie : hépatites A, B, C et E, CMV, EBV, SARS-CoV-2 anti-S, SARS-CoV-2 anti-N ;
      • par culture de bactéries et de champignons (si fièvre) ;
    • dans le prélèvement de gorge, recherche par PCR des virus respiratoires (incluant grippe, SARS-CoV-2) ;
    • dans les selles, recherche par PCR d'adénovirus, de sapovirus, norovirus, entérovirus, salmonelle, etc. ;
    • recherche de toxiques dans le sang (incluant le paracétamol) et les urines.
Les résultats positifs doivent être signalés.

Des tests supplémentaires seront envisagés en fonction du contexte clinique : PCR (sang et urine) et sérologie (sang) pour la leptospirose, prélèvement de gorge pour les streptocoques du groupe A, mesure sérique du titre d'antistreptolysine. Des échantillons (sang, urines, selles, prélèvements de gorge et de crachats) seront gardés pour d'éventuelles analyses ultérieures. Tout prélèvement positif pour un pathogène sera gardé pour typage.

Les préconisations de l'OMS
L'OMS a repris ces recommandations [6] et rappelle, avec les autorités britanniques :
  • la priorité de déterminer la cause de ces hépatites ;
  • la prévention par l'hygiène des mains et l'hygiène respiratoire ;
  • l'encouragement et l'aide des pays membres à diagnostiquer, investiguer et rapporter leurs cas d'hépatites aiguës de cause inexpliquée. En échange, toutes les informations disponibles seront diffusées dans chaque pays via leurs réseaux « hépatite » ou d'autres systèmes comme la « European Association for the Study of the Liver », la « European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases (ESCMID) » et la « European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (ESPGHAN) ».
L'OMS ne recommande pas de restriction de déplacement au Royaume-Uni ou dans d'autres pays.

En France, la direction générale de la Santé a annoncé, le 3 mai dernier [
4], la nécessité « de structurer le circuit de signalement des cas et d'investigation pour les cas possibles ». À cet effet, Santé publique France propose une définition précise des cas ainsi que la conduite à tenir pour le circuit de signalement et de prélèvement (78] (cf. notre article du 05 mai 2022). 

Enfin, un groupe d'experts (spécialistes en épidémiologie, virologie, hépatologie, pédiatrie, infectiologie et immunologie), réunis par la UK Health Security Agency (UKHSA), a détaillé les investigations à entreprendre pour tenter de mettre à jour l'étiologie de ces hépatites (cf. Encadré ci-dessous [5]).  
 
Encadré - Quelles investigations entreprendre ?
  •  Des études épidémiologiques :
    • étude cas-témoins sur les échantillons de sang pour tester l'association entre hépatite et infection par adénovirus ;
    • étude des cofacteurs associés aux cas d'hépatite ;
    • étude des facteurs (démographiques et cliniques) associés aux formes sévères d'hépatites selon l'existence ou non d'une infection à adénovirus.
  • Une identification des hépatites aiguës sévères chez les enfants grâce à la « British Paediatric Surveillance Unit » et l'information des unités d'hépatologie pédiatrique.
  • Des études sur le mécanisme de l'atteinte hépatique grâce à des prélèvements de tissu hépatique (microscopie électronique, histopathologie, analyse des sous-types de cellules T).
  • Des investigations sur les pathogènes :
    • séquençage des adénovirus chez les cas et chez des témoins ;
    • séquençage métagénomique sur le sang et le tissu hépatique des cas ;
    • cultures virales des adénovirus et caractérisation phénotypique incluant l'évaluation de leur hépatotropisme in vitro ;
    • sérologie adénovirus et SARS-CoV-2 chez les cas ;
    • séquençage des SARS-CoV-2 chez les cas positifs ;
    • analyse rétrospective des adénovirus dans les eaux usées.
  • La caractérisation de l'hôte :
    • recueil et analyse harmonisés des données ;
    • caractérisation génétique de l'hôte ;
    • caractérisation immunologique incluant des études sur l'activation des cellules T ;
    • transcriptomique (étude de l'ensemble des ARN messagers produits lors du processus de transcription d'un génome).

 
©vidal.fr
 
Pour en savoir plus
[1] Increase in hepatitis (liver inflammation) cases in children under investigation. UK Health Security Agency, updated 29 April 2022.

[2] Acute hepatitis of unknown aetiology - The United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland. OMS, 15 April 2022.

[3] Increase in severe acute hepatitis cases of unknown aetiology in children.
European Centre for Disease Prevention and Control. (ECDC), 28 April 2022.

[4] DGS-Urgent n°2022-51 : Hépatites pédiatriques d'origine inconnue.
Direction générale de la santé (DGS), 3 mai 2022.

[5] Investigation into acute hepatitis of unknown aetiology in children in England. UK Health Security Agency, Technical briefing 25 April 2022.
 
[6] Multi-Country - Acute, severe hepatitis of unknown origin in children. OMS, 23 April 2022.

[7] Hépatites aiguës pédiatriques sévères d'origine inconnue : point de situation au 29 avril 2022
Santé publique France, 3 mai 2022.

[8] Conduite à tenir pour l'investigation de cas pédiatriques d'hépatite aiguë sévère « d'étiologie inconnue ». Santé publique France, 28 avril 2022.

 
 
Sources

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