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Les médecins généralistes, vigies de la santé bucco-dentaire des personnes en situation de handicap

Pour les personnes en situation de handicap, la santé bucco-dentaire n’est pas toujours la priorité. Les médecins généralistes jouent un rôle majeur dans la prévention et l’orientation de ces patients aux besoins spécifiques.
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Les personnes en situation de handicap ont une santé bucco-dentaire dégradée par rapport à la population générale (illustration).

Les personnes en situation de handicap ont une santé bucco-dentaire dégradée par rapport à la population générale (illustration).


Résumé
Les personnes en situation de handicap ont une santé bucco-dentaire moins bonne que celle de la population générale, ce qui peut aussi être source d'autres pathologies. Certains handicaps constituent également des facteurs de risque d'une mauvaise santé bucco-dentaire.

Dans ce contexte, les médecins généralistes ont un rôle clé à jouer en identifiant les besoins en termes de prévention et de soins. Ils peuvent s'appuyer en particulier sur certains chirurgiens-dentistes de ville dûment formés aux besoins spécifiques des personnes handicapées. Aux médecins généralistes de connaître ces réseaux afin d'orienter au mieux les patients et leurs aidants.

Le constat est ancien : « La santé bucco-dentaire des personnes handicapées est globalement très mauvaise, pour ne pas dire alarmante », pointait déjà le rapport Hescot et Moutarde de 2010 (1 :
  • près d'un demi-million de personnes en situation de handicap n'auraient pas suffisamment accès à des soins bucco-dentaires, voire pas du tout (1) ;
  • 90 % ont une atteinte des gencives contre 35 % dans la population générale (1) ;
  • les enfants handicapés de 6 à 12 ans ont quatre fois plus de risques d'avoir un mauvais état de santé bucco-dentaire (1).

Même si des solutions ont émergé (formation des professionnels, revalorisation financière, dispositifs de prévention au plus proche des personnes, etc.), il reste encore de nombreux obstacles à une prise en charge bucco-dentaire systématique de cette population. Certaines personnes en situation de handicap ont des besoins spécifiques en raison :
  • de difficultés de communication ;
  • du refus de coopérer face à un acte intrusif ;
  • de comportements d'opposition ;
  • de l'impossibilité à réaliser seules les actes d'hygiène bucco-dentaire ;
  • d'une sensibilisation insuffisante à l'importance des gestes de prévention ;
  • etc.

Pour autant, une mauvaise santé bucco-dentaire peut être à l'origine d'affections broncho-pulmonaires, première cause de mortalité chez les handicapés (2), et aussi d'infections ORL chroniques ou de pathologies cardiovasculaires. Par ailleurs, la perte de dents peut, non seulement engendrer une dénutrition et générer un surhandicap, mais aussi entraver la vie sociale, venant comme une double peine pour les personnes déjà en situation de handicap.
 
Surveillance de la bouche et des dents
Si le chirurgien-dentiste est un spécialiste en accès direct, il n'en reste pas moins que :
  • la santé bucco-dentaire n'est parfois pas la priorité des familles qui se focalisent sur le handicap et les pathologies associées. Ce renoncement aux soins engendre souvent des prises en charge en urgence dans des conditions difficiles ;
  • les actions de prévention sont parfois peu accessibles aux personnes en situation de handicap, par exemple lorsqu'elles ont une déficience intellectuelle ou qu'elles ne sont pas lectrices ;
  • certaines d'entre elles expriment moins leur douleur que d'autres, ou d'une manière qui n'est pas identifiée comme de la douleur. « Une mauvaise hygiène bucco-dentaire peut causer des douleurs et des troubles du comportement dont la cause est plus complexe à identifier chez les personnes dyscommunicantes », précise le Dr Arnaud Sourty, médecin généraliste et algologue au Centre de ressources autisme Rhône-Alpes (CRA).

Dans ce contexte, les médecins généralistes ont un rôle fondamental à jouer, en identifiant les manques en termes de prévention et de soins, et en orientant les patients vers des chirurgiens-dentistes. Le Dr Anne Abbe-Denizot, pédodentiste à La Roche-sur-Foron (Haute-Savoie) et vice-présidente de l'Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD), préconise que « les médecins généralistes de ville doivent pleinement investir leur mission de surveillance systématique de la santé de la bouche et des dents auprès de tous les patients, et en particulier des personnes en situation de handicap. Il ne s'agit pas de diagnostiquer, mais bien de demander un contrôle annuel chez le chirurgien-dentiste qui facilitera la prise en charge. Notamment, pour les personnes qui vivent à domicile et voient moins leur médecin que celles qui sont en établissement et bénéficient de la présence d'un médecin coordinateur. Il s'agit souvent de personnes avec handicap psychique, psychomoteur léger, trouble du spectre de l'autisme ou trisomie. Elles sont autonomes dans leur vie quotidienne, mais pas sur le plan de la santé. »
 
Par ailleurs, il existe des facteurs de risque d'une mauvaise santé bucco-dentaire spécifiques à certains handicaps comme la déficience intellectuelle, le polyhandicap, les troubles sévères du spectre de l'autisme (TSA) ou le handicap psychique sévère :
  • manque d'autonomie dans les gestes d'hygiène dentaire ;
  • troubles de la sphère bucco-dentaire (mastication, salivation, ventilation orale, succion linguale ou digitale, etc.) ;
  • iatrogénie médicamenteuse gingivale et dentaire (antidépresseurs, antiépileptiques) ;
  • modalités d'alimentation (eaux gélifiées sucrées, renforçateurs alimentaires sucrés, etc.).

À cet égard, les fiches conseils HandiConnect.fr donnent les points de vigilance clinique utiles aux médecins généralistes pour prévenir, repérer, orienter et surveiller les personnes en situation de handicap. Il existe également des formations référencées dans l'annuaire du site.
 
Outiller les aidants, orienter les patients
La priorité est de promouvoir une hygiène des dents et un suivi bucco-dentaire régulier (tous les six à douze mois, selon les situations) auprès des patients et de leurs aidants. L'éducation du patient et la préparation des consultations peut passer par des supports explicatifs adaptés aux difficultés de compréhension :
  • SantéBD : des bédés (bandes dessinées), des posters et des vidéos sur la santé en accès libre avec des images et des mots simples, pour les enfants et les adultes ;
  • le Programme autisme et santé orale (Paso) : des outils et des séances d'accompagnement pour les enfants et adolescents avec autisme ou déficience intellectuelle, mis au point par l'association Sohdev (santé orale, handicap, dépendance et vulnérabilité) ;
  • Santé très facile : un site internet en « Facile à lire et à comprendre » (FALC) développé par les associations Trisomie 21 ;
  • Sparadrap : une association pour les enfants malades ou hospitalisés qui propose des fiches illustrées « pour aider les enfants à avoir moins peur et moins mal lors des soins et à l'hôpital » ;
  • Ben le Koala : une application gratuite initialement destinée aux enfants autistes.

En termes de soins, le premier recours est le cabinet de ville. S'ils ne peuvent avoir lieu en milieu ordinaire, il existe des structures intermédiaires équipées pour des soins plus complexes avec un plateau technique et un personnel formé. L'association Santé orale et soins spécifiques (Soss) répertorie les réseaux bucco-dentaires spécialisés sur les territoires et la Société française des consultations dédiées handicaps (Sofcodh) propose une liste des HandiConsult. L'ordre national des chirurgiens-dentistes peut aussi être contacté en ce sens. En dernière intention, les structures hospitalières permettent les anesthésies générales lorsque les autres approches n'ont pas fonctionné.

Dans tous les cas, il est important de transmettre au chirurgien-dentiste les informations sur les pathologies et les traitements afin qu'il organise au mieux la prise en charge, notamment en s'appuyant sur l'aidant. Un modèle de courrier de transmission proposé par HandiConnect.fr est disponible en ligne. « Et pourquoi ne pas avoir un chirurgien-dentiste traitant ? », conclut le Dr Abbe-Denizot.
 
©vidal.fr

Pour en savoir plus

(1) Rapport de la mission « Handicap et santé bucco-dentaire - Améliorer l'accès à la santé bucco-dentaire des personnes handicapées », Dr Patrick Hescot et Dr Alain Moutarde, 2010.
 
(2) Rapport « Un droit citoyen pour la personne handicapée, un parcours de soins et de santé sans rupture d'accompagnement », Pascal Jacob, 2013.
 
Pour aller plus loin
  • Quatre fiches conseils HandiConnect.fr 
  1. Suivi et soins bucco-dentaires – Fiche pour le chirurgien-dentiste
  2. Suivi et soins bucco-dentaires – Fiche pour le médecin traitant
  3. Quand passer le relais dans la prise en charge bucco-dentaire d'un patient vulnérable ?
  4. Modèle de courrier de transmission
Sources

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