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L’essor de la radiothérapie de haute technicité

Depuis la fin du XIXe siècle, jusqu’à aujourd’hui, la radiothérapie des cancers a évolué de façon spectaculaire, permettant de bien mieux cibler les tumeurs et protéger les tissus sains. Des progrès permis grâce à l’utilisation de techniques de plus en plus sophistiquées. 
Isabelle Hoppenot 08 février 2022 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Faisceaux d’irradiation plus précis, imagerie 3D embarquée, miniaturisation des appareils et intelligence artificielle ont permis des progrès spectaculaires (illustration).

Faisceaux d’irradiation plus précis, imagerie 3D embarquée, miniaturisation des appareils et intelligence artificielle ont permis des progrès spectaculaires (illustration).


Résumé
Née à la fin du XIXe siècle, la radiothérapie a peu à peu évolué, d'une thérapeutique palliative à ses débuts, à un traitement à part entière des cancers. Les évolutions dans ce domaine ont toujours eu pour objectif de guérir de plus en plus de patients en ciblant mieux les tumeurs, tout en réduisant la toxicité induite. Des progrès spectaculaires ont déjà été réalisés depuis une vingtaine d'années, grâce à l'utilisation de faisceaux d'irradiation plus précis, au recours à l'imagerie 3D embarquée, à la miniaturisation des appareils et au développement de l'intelligence artificielle. De nouvelles approches, en cours d'évaluation, laissent espérer une diminution du nombre de séances, un raccourcissement de la durée des traitements et un élargissement des indications thérapeutiques.

Traitement loco-régional des cancers par délivrance de rayonnements ciblant les cellules cancéreuses, la radiothérapie est devenue l'un des piliers de l'arsenal thérapeutique des cancers. Aujourd'hui, plus de 60 % des patients pris en charge pour un cancer seront traités par radiothérapie au cours de leur maladie. Et quelque 40 % des guérisons sont en partie obtenues grâce à la radiothérapie, qui a désormais de nombreuses indications curatives.

Naissance à la fin du XIXe siècle
Le premier traitement par radiothérapie date de 1896, quelques mois après la découverte des rayons X par le physicien allemand Wilhelm Röntgen. Pendant les décennies suivantes, la radiothérapie a surtout utilisé différentes générations de tubes à rayons X et des aiguilles de radium (curiethérapie), avant l'arrivée, dans les années 1950, de la cobalthérapie (bombe au cobalt), ce qui a permis d'augmenter la pénétration des rayons dans les tissus. Puis, à la fin des années 1960, l'avènement des accélérateurs de particules a conduit à la production de rayons X encore plus énergétiques. Une nouvelle étape importante a été franchie dans les années 1980-90, avec la naissance de la radiothérapie conformationnelle 3D (s'adaptant à la forme et au volume à traiter), rendue possible grâce aux progrès de l'imagerie (scanner) et de l'informatique.

Des progrès majeurs depuis vingt ans
Depuis le début des années 2000, les innovations majeures se sont ensuite succédé, à commencer par l'apparition de la radiothérapie conformationnelle avec modulation d'intensité, qui permet, pendant la séance, de moduler l'intensité du rayonnement produit par l'accélérateur de particules. À la clé, une amélioration de la distribution de la dose d'irradiation, une réduction de la toxicité radio-induite tout en facilitant l'escalade de doses. 

Les dernières générations d'accélérateurs linéaires de particules (Linear Accelerator ou Linac) sont capables de réaliser des irradiations en arc avec modulation d'intensité, conduisant à une meilleure distribution des doses au sein des tissus. Les progrès de l'informatique et le développement de l'imagerie embarquée (scanner, IRM, TEP-TDM), permis par la miniaturisation des machines, ont aussi concouru à optimiser la délivrance de doses.

Ces progrès de la radiothérapie se sont intégrés à ceux apportés par les traitements systémiques, avec notamment le développement de protocoles de chimio-radiothérapie, puis actuellement d'immuno-radiothérapie. Ces avancées se sont, par exemple, traduites par une très nette augmentation de la survie dans les cancers bronchiques localement avancés ou, plus récemment, dans les cancers de l'œsophage et de l'estomac.

Des innovations qui découlent des progrès de l'intelligence artificielle
La spécialité médicale oncologie-radiothérapie est toujours en plein essor et plusieurs approches innovantes, s'appuyant sur l'intelligence artificielle, sont en cours d'évaluation.

C'est le cas de la radiothérapie adaptative qui vise, grâce à un logiciel de calcul très sophistiqué, à évaluer, en direct, la réponse de la tumeur au traitement et donc à réadapter les doses en cours de traitement. L'objectif est, là encore, de réduire la toxicité induite, mais aussi d'identifier les zones de résistance pour mieux les cibler. Il s'agit donc d'un traitement véritablement personnalisé, évalué actuellement, par exemple avec l'IRM-Linac, machine combinant un accélérateur de particules avec une IRM embarquée. Cette approche nécessite cependant un temps médecin et physicien médical non négligeable lors des séances, qui peuvent durer jusqu'à 90 minutes du fait du temps nécessaire au contourage des organes et de la tumeur, ainsi que de la programmation de la machine en direct. Ce temps de contourage et de planification du traitement pourra être fortement réduit grâce à l'utilisation d'applications d'auto-contourage via l'intelligence artificielle.

La radiothérapie stéréotaxique ou l'ultra-précision 
Un gain de temps-médecin, et de temps et de confort pour les patients, a été obtenu avec la radiothérapie stéréotaxique, initialement réservée aux métastases cérébrales, puis qui s'est étendue à de nombreuses autres indications depuis plus d'une dizaine d'années en France. Elle permet de délivrer de fortes doses d'irradiation sur de petits volumes, grâce à une précision de l'ordre du millimètre.

Dans le cancer de la prostate notamment, elle entraîne une diminution du nombre de séances, de 38 à 40 en 2 mois à 5 séances en 2 semaines. Dans le cancer broncho-pulmonaire, elle est aujourd'hui évaluée par différentes équipes en protocole court, de 1 à 5 séances.

La radiothérapie partielle, le « tout-en-un » dans le cancer du sein
Destinée surtout aux patientes âgées avec des facteurs de bon pronostic, la radiothérapie partielle du sein per-opératoire est aujourd'hui proposée dans une dizaine de centres en France. Le concept : une seule séance de radiothérapie le jour de la chirurgie, au bloc, au lieu de la vingtaine de séances dans le protocole classique. Parmi les avantages : l'optimisation de l'irradiation au lit opératoire, la diminution de la dose dans les organes de voisinage, et aucun déplacement supplémentaire pour les femmes.
 
La protonthérapie, surtout en pédiatrie
Autre innovation en cours d'évaluation : la protonthérapie, qui s'appuie sur les particularités physiques des protons, particules capables de s'arrêter à une profondeur choisie, ce qui permet de délivrer la dose efficace au sein de la tumeur tout en minimisant celle traversée par les tissus sains. Cette technique est surtout développée en pédiatrie, dans les tumeurs cérébrales et dans la maladie de Hodgkin. En France, seulement trois centres disposent actuellement de ce type de traitement : Orsay, Nice et Caen. Aux États-Unis, la protonthérapie a été notamment testée dans le cancer de la prostate, sans bénéfice clinique démontré pour le moment. 

L'effet Flash pour préserver les tissus sains
La radiothérapie Flash est une technique au cours de laquelle une irradiation à ultra-haut débit est délivrée en quelques millisecondes, ce qui entraîne un effet différentiel entre la tumeur et les tissus sains. Cette approche, qui fait actuellement l'objet de travaux de recherche, est très prometteuse. Outre l'épargne des tissus sains, elle diminue considérablement les temps de traitement.

Les mécanismes sous-tendant cet effet différentiel ne sont pas encore bien élucidés. Des recherches sont actuellement menées, axées notamment sur l'étude moléculaire des dommages radio-induits.

La radiothérapie Flash a initialement été développée à partir de faisceaux d'électrons. Cette technique est en cours d'évaluation avec des faisceaux de protons. 

Des nanoparticules radio-sensibilisantes
Les nanoparticules, qui sont par exemple employées comme vecteurs en chimiothérapie, ont aussi des applications potentielles en radiothérapie, car elles peuvent, pour certaines (nanoparticules de métal avec un numéro atomique élevé), agir en agents radio-sensibilisants. Leur intérêt est de démultiplier les effets biologiques des rayons au sein des cellules tumorales et donc d'accroître la destruction tumorale, sans atteindre les tissus avoisinants. La radiothérapie préopératoire des sarcomes des tissus mous et de certains cancers ORL localement avancés sont quelques-unes des applications à l'étude.
 
Synergie avec l'immunothérapie
Autre voie prometteuse : la combinaison de la radiothérapie stéréotaxique et de l'immunothérapie, qui pourraient avoir un effet synergique. La radiothérapie pourrait en effet activer le système immunitaire en libérant des débris de tumeur et en augmentant l'expression de certaines molécules à la surface de la tumeur. La régression de métastases à distance non irradiées, secondaire à la réponse immunitaire induite par la radiothérapie au niveau d'une lésion, effet dit abscopal, est une approche en cours d'évaluation clinique. 

La sécurité, un enjeu majeur
Les accidents de radiothérapie au début des années 2000 ont conduit à un profond changement dans les pratiques. L'audit des risques a permis de mettre en place des référentiels, avec des procédures déclinées pour tous les types de prise en charge. Des retours d'expérience ont lieu tous les mois via les CREX (comités de retour d'expérience), afin d'analyser les événements indésirables survenus dans un service. Il faut y ajouter la veille faite en direct par l'Autorité de sécurité nucléaire (ASN) et de la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). 

Parallèlement, l'enregistrement prospectif des patients victimes d'une radiotoxicité sévère, non explicable par l'étude du dossier technique de radiothérapie du patient (registre PROUST), vise à analyser le profil biologique de cancers étiquetés radiosensibles, afin, à terme, de pouvoir proposer le traitement le plus adapté possible.
 
D'après un entretien avec le Pr Laurent Quéro, service de cancérologie-radiothérapie, hôpital Saint-Louis, Paris.
 
©vidal.fr

Pour en savoir plus

Cancer Radiothérapie. 32e Congrès national de la Société française de radiothérapie oncologique.
2021 (25), Issues 6–7, e11-e13.  
 
Registre PROUST

 
Sources

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