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Syndrome de l’intestin irritable : un diagnostic qui reste clinique

La VIDAL Reco sur le syndrome de l'intestin irritable, qui vient d'être actualisée, rappelle le caractère clinique du diagnostic, fondé sur les critères de Rome IV, et souligne l'importance de l'information et de la réassurance des patients.

Isabelle Hoppenot 11 janvier 2022 Image d'une montre6 minutes icon 4 commentaires
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Un retentissement important sur la qualité de vie (illustration).

Un retentissement important sur la qualité de vie (illustration).

Résumé
Le syndrome de l'intestin irritable (SII), anciennement dénommé troubles fonctionnels intestinaux ou colopathie fonctionnelle, est un trouble chronique de la digestion, évoluant par poussées. Sa prévalence est estimée entre 5 et 10 %, avec une prédominance chez les femmes de moins de 50 ans.

Sa physiopathologie, multifactorielle, reste mal connue, mais serait notamment en lien avec une hypersensibilité viscérale, difficile à évaluer en routine.

S'il est souvent considéré comme bénin par les médecins, le SII peut avoir un retentissement important sur la qualité de vie de certains patients et doit donc bénéficier d'une prise en charge visant à réduire les symptômes douloureux et préserver les activités sociales et professionnelles.


Le diagnostic de SII s'appuie aujourd'hui sur les critères de Rome IV qui, contrairement aux versions précédentes utilisées depuis une trentaine d'années, se fonde sur des données épidémiologiques et non plus sur des consensus d'experts. La notion de « douleurs ou gêne abdominale » a ainsi laissé la place à celle « d'une douleur abdominale récurrente survenant au moins 1 journée par semaine durant les 3 derniers mois, avec deux ou plus des critères suivants : soulagement à la défécation, modification de la fréquence des selles et/ou de la consistance (aspect) des selles ».

L'évolution des critères diagnostiques trouve surtout son intérêt dans la conduite d'essais cliniques et, en pratique quotidienne, c'est le sens clinique qui domine.
Le diagnostic reste en effet clinique, ne nécessite pas d'examens complémentaires autres qu'un bilan biologique standard, ni d'avis spécialisé, en l'absence de signes d'alarme (perte de poids, rectorragies, méléna, anémie) et/ou de signes à l'examen clinique.

Le praticien doit cependant rester vigilant à toute évolution des symptômes chez ces patients souvent suivis pour cette plainte récurrente depuis de nombreuses années. À partir de l'âge de 50 ans, sauf indication spécifique à une coloscopie, ils doivent être incités à bénéficier du dépistage immunologique du cancer colorectal.

Qui traiter et dans quel objectif ?
Tous les patients doivent être rassurés sur le caractère bénin du trouble, informés de son évolution le plus souvent au long cours, avec des phases de poussée et de rémission, et recevoir des conseils adaptés.

Viser une disparition complète et définitive des symptômes n'est pas réaliste, et il faut fixer des objectifs thérapeutiques raisonnables, tels qu'une diminution des symptômes permettant de ne plus être gêné dans la vie quotidienne.

Quels conseils hygiéno-diététiques donner ?
Deux-tiers des patients font un lien entre certains aliments et leurs symptômes et les conseils hygiéno-diététiques jouent un rôle important dans la prise en charge du SII. Compte tenu de la variabilité des aliments en cause, aucun régime universel ne peut être proposé et l'approche doit donc être personnalisée.

Certains conseils généraux peuvent toutefois être donnés :
- faire 3 repas par jour, en évitant d'avoir faim ou de se sentir « trop plein » ;
- manger lentement, au calme et bien mâcher les aliments ;
- réduire la consommation d'aliments gras ou épicés, de café, d'alcool, d'oignons, de choux, et de haricots ;
- répartir l'apport de fibres sur la journée ;
- éviter les boissons gazeuses, les chewing-gums et les édulcorants finissant par « -ol », très présents dans les aliments transformés. Pour réduire les phénomènes de fermentation, la réduction des aliments riches en polyols est plus simple à suivre sur le long terme qu'un régime plus largement pauvre en FODMAPs (Fructose, Oligo-Di and Monosaccharides and Polyols) ;

Il existe un risque de régime d'exclusion par excès et de carences et il n'y a notamment aucun intérêt à suivre un régime sans gluten (voir actualité VIDAL) en l'absence de maladie cœliaque prouvée.

La pratique d'une activité physique, notamment la marche, a fait la preuve d'une certaine efficacité et doit donc être conseillée.  

Quelle prise en charge spécifique des symptômes ?
En l'absence d'amélioration suffisante des symptômes après de 2 à 4 semaines de suivi des conseils hygiéno-diététiques, des traitements plus spécifiques sont présentés de façon simple dans l'arbre décisionnel de la VIDAL Reco.

La présence d'une constipation conduit à une augmentation progressive de l'apport en fibres, jusqu'à 10 à 15 g/jour, sous une forme adaptée au mode d'alimentation. Si besoin, des laxatifs non stimulants (laxatifs de lest et osmotiques) peuvent être prescrits, toujours à posologie lentement croissante.

Le traitement de la diarrhée se fonde sur une limitation des apports en lactose et en fibres, et si besoin sur des ralentisseurs du transit.

En cas de douleurs, les antispasmodiques peuvent être proposés de façon ponctuelle, mais leur efficacité n'a pas été démontrée dans les essais cliniques.

Enfin, le traitement des flatulences repose sur la réduction des aliments fermentescibles et des crudités. Aucun traitement médicamenteux n'a fait la preuve de son efficacité.

Quelles sont les autres approches thérapeutiques ?
La VIDAL Reco passe également en revue les traitements dits alternatifs :
- aucune efficacité des probiotiques dans des essais de bonne qualité ;
- risque de RGO associé à l'huile de menthe poivrée, par ailleurs sans efficacité sur le SII ;
- pas d'AMM en France dans cette indication pour la rifaximine, antibiotique non absorbable doué d'une certaine efficacité ;
- les données scientifiques rigoureuses sur les techniques de psychothérapie font globalement défaut, exception faite de l'hypnose qui a montré ses bénéfices dans des études de bonne qualité ;
- dans les cas rebelles, le recours à un antidépresseur, notamment tricyclique, peut être envisagé.   

Quel rôle du stress et des infections intestinales aiguës ?  
Si un patient sur deux rapporte un lien entre la survenue des symptômes de SII à un stress, il ne faut pas surestimer la part psychogène du trouble.
Un tableau de SII est volontiers décrit après un épisode infectieux intestinal aigu, en particulier en cas d'infection à Campylobacter, shigelles, salmonelles et Entamœba histolytica. Il n'y a pas de prise en charge spécifique et l'évolution du SII apparaît dans ce contexte moins prolongée.

D'après un entretien avec le Pr Marc-André Bigard, expert référent des VIDAL Recos en hépato-gastro-entérologie.

©vidal.fr
 
Pour en savoir plus

- VIDAL Reco, syndrome de l'intestin irritable. Mise à jour 21 septembre 2021.

Sabaté JM et Jouët P. Prise en charge du syndrome de l'intestin irritable (SII). Conseil de pratique. SNFGE, 2016.

- Lacy BE et al. ACG Clinical Guideline: Management of Irritable Bowel Syndrome. Am J Gastroenterol, 2021; 116: 17-44.

- Camilleri M. Diagnosis and Treatment of Irritable Bowel Syndrome. A Review. JAMA, 2021; 325: 865-877.

- Ford AC et al.  Irritable Bowel Syndrome. Lancet, 2020; 396: 1675-1688.


- Ducrotté P. Régime pauvre en sucres fermentescibles, les FODMAPs. Conseil de pratique. SNFGE, 2016.

 
 
 
 
 
 

 

Sources

Commentaires

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ChristineR Il y a 2 ans 1 commentaire associé

J'ai souffert pendant une trentaine d'années du syndrôme de l'intestin irritable sans arriver à être réellement soulagée, ni par aucun régime alimentaire, ni par aucun médicament. Depuis que je suis à la retraite bizarrement (cela fait deux ans), tout est rentré dans l'ordre... Ai-je été stressée pendant toutes ces années ?

Modérateur Il y a 2 ans 0 commentaire associé

Bonjour

Les expressions "ça me gonfle,"ça me fait chi.." "j'en ai plein le c.." ont peut-être un support psychanalytique ?

Plus sérieusement, le stress a une influence connue sur la digestion, qui s'explique par le fait que la digestion est un processus "lourd" et consommateur d'énergie, qui fragilise donc les omnivores pendant plusieurs heures. C'est pourquoi elle ne se déclenche que lorsque le cerveau ne perçoit pas de danger immédiat, réel ou figuré.

Pete Il y a 2 ans 0 commentaire associé

Le Dr Bruno Bonaz (CHU Grenoble) a publié sur la neurostimuation du nerf vague permettant d'atténuer les symptomes de SII et de la maladie de Chron. Il existent plusieurs publication sur ce sujet.

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