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Troubles des apprentissages : bien les évaluer pour une prise en charge précoce et adaptée

Les troubles des apprentissages touchent à des degrés variables deux enfants par classe. Afin de proposer une prise en charge adaptée à chaque enfant, une évaluation objective est essentielle. Elle doit s'appuyer sur des outils validés.
Isabelle Hoppenot 18 novembre 2021 10 janvier 2022 Image d'une montre8 minutes icon Ajouter un commentaire
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Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dysgraphie, etc. Une prévalence estimée à environ 8 % (illustration).

Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dysgraphie, etc. Une prévalence estimée à environ 8 % (illustration).

 
Résumé :
Les troubles de l'apprentissage sont définis comme des troubles qui altèrent de façon durable et spécifique le développement d'un apprentissage ou d'une fonction cognitive. Ils portent notamment sur le langage écrit et le calcul et sont communément appelés « dys » (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dysgraphie, etc.). Leur prévalence est estimée à environ 8 %, soit deux enfants par classe, ce chiffre générique cachant des disparités : certains relèvent de simples conseils pédagogiques et d'autres nécessitent une aide plus structurée, notamment orthophonique.

Quel qu'en soit le type, les troubles de l'apprentissage, appelés souvent « dys » (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dysgraphie, etc.) doivent être reconnus et pris en charge de manière adaptée, afin d'éviter leurs conséquences délétères sur les enfants (estime de soi, scolarité, avenir, vie quotidienne) et sur leur famille.
Il faut donc les identifier tôt et, dans ce contexte, les praticiens libéraux, avec l'école, jouent un rôle majeur.

Quelles sont les étapes du parcours de soins ?
En 2018, la Haute Autorité de santé a publié des recommandations sur le parcours de soins, allant de l'intervention pédagogique jusqu'aux soins à proprement parler, en fonction de la sévérité et de l'évolution. L'objectif est de répondre aux besoins de chaque enfant avec, à chaque étape, une coordination entre l'école, les aides aux devoirs et les soins centrés autour de l'enfant et de sa famille.

Tous les professionnels sont donc concernés, mais le médecin traitant est au cÅ“ur du parcours de santé qui se décline en trois étapes, dès lors que l'aide pédagogique précoce et ciblée n'a pas apporté les résultats attendus :
  • La première étape se fonde sur des soins de proximité prescrits par le médecin traitant et assurés par le rééducateur.
  • En cas d'évolution insuffisante ou de troubles plus complexes, le second niveau du parcours de soins repose sur une prise en charge plus spécialisée pluridisciplinaire, mais toujours de proximité.
  • Enfin, les centres de référence des troubles des apprentissages et du langage (CRTLA) constituent un troisième niveau destiné à renforcer les connaissances scientifiques.

Quand faire un bilan ?
Le dépistage doit avoir lieu en réponse à une plainte au cours de l'apprentissage scolaire, voire en prévention primaire en cas de facteurs de risque (antécédents périnataux, antécédents familiaux, environnement défavorisé qui aggrave les troubles). Il doit s'appuyer sur le recours à des outils validés, dont les résultats vont guider le praticien dans sa démarche (conseils, évaluations spécialisées, suivi, etc.).

Quels sont les outils pouvant être utilisés en maternelle?
La maternelle est l'âge clé du développement du langage oral. Entre 3 et 4 ans, idéalement à 3,5 ans, des tests anciens comme le DPL3 (Dépistage et prévention langage à 3 ans) permettent, de façon simple et rapide, d'apprécier un développement du langage à risque.

Un diagnostic différentiel doit être recherché pour orienter l'enfant vers une consultation spécialisée : en particulier un déficit auditif ou des symptômes évocateurs de trouble du spectre de l'autisme (peu de contact visuel, ne pointe pas du doigt, isolement ou incompréhension des émotions, gestes stéréotypés, etc.).

En cas de développement du langage oral retardé isolément, la prescription du bilan orthophonique s'impose si l'enfant présente des critères de sévérité : il est inintelligible, ne fait pas de phrases ou sa compréhension est altérée.

Chez l'enfant un peu plus âgé, de 3 ans 9 mois à 4 ans et demi, l'ERTL4 (Évaluation rapide des troubles du langage à 4 ans), outil également ancien, applicable en une quinzaine de minutes, permet de définir un niveau global de langage oral. Il a toutefois tendance au « surdépistage ». Il en est de même pour l'EVAL MATER (Évaluation en maternelle), limitée à la même tranche d'âge et qui explore, en plus, le développement psychomoteur.

En grande section de maternelle (GSM), le BSEDS (Bilan de santé évaluation du développement pour la scolarité) 5-6 (version 4), est utilisé en médecine scolaire pour orienter vers la prévention pédagogique ou vers l'orthophoniste un enfant ayant des difficultés de langage oral.

« Chaque cas est particulier, mais dès la grande section de maternelle, la présence de troubles spécifiques du langage oral, nécessite une évaluation et une prise en charge orthophoniques, et impose une vigilance quant à l'acquisition ultérieure des apprentissages en langage écrit et du calcul », indique le Dr Catherine Billard, neuropédiatre, association ARTA (Association pour la recherche des troubles de l'apprentissage).

Quand agir durant le cours préparatoire ?
C'est ensuite au cours préparatoire (CP) qu'il faut savoir mettre en place les aides pédagogiques et les conseils aux parents devant un enfant qui déchiffre difficilement. Si, à l'approche des fêtes de fin d'année, il ne déchiffre pas ou peu de syllabes simples et en l'absence d'amélioration en fin de CP, un bilan et une prise en charge chez l'orthophoniste sont envisagés.
Dans les situations intermédiaires, il est conseillé d'être en contact avec l'école et d'expliquer à la famille que l'essentiel est de reprendre patiemment avec l'enfant les étapes de la lecture.

« Quelque 12 % des enfants sans trouble défini ne peuvent pas encore lire un petit texte en fin de CP, ce qui nécessite d'entraîner intensivement le déchiffrement et de suivre l'évolution en CE1 », rappelle le Dr Catherine Billard.

Pour évaluer rapidement l'acquisition de la lecture au cours du CP, on peut s'aider du test OURA (Outil de repérage des acquis en lecture des élèves en CP), qui suit le développement du déchiffrement.

Et durant les autres années du primaire ?
À partir du CE1, le suivi des acquisitions de la lecture â€“ sa vitesse, le nombre d'erreurs et surtout la compréhension – et de l'orthographe se fait idéalement avec un outil normé adapté à la classe suivie par l'enfant (primaire, puis secondaire). « Il ne faut pas prendre un petit livre au hasard, qui ne constitue pas une référence pour une population normale et ne correspond pas à ce qui est demandé à l'enfant en classe », insiste le Dr Catherine Billard.

La BREV (Batterie rapide d'évaluation des fonctions cognitives) et l'EDA (Evaluation des fonctions cognitives et apprentissages de l'enfant,) ont longtemps été utilisées, mais sont aujourd'hui volontiers remplacées par un outil de nouvelle génération, la BMT (Batterie modulable de tests), soigneusement validée dans une large tranche d'âge (4 à 13 ans), développée récemment en deux versions. Une version papier simplifiée, la BMT-a, facile et rapide d'utilisation, permet un dépistage fiable des troubles des apprentissages du langage écrit et du calcul de la GSM à la 5e. La version numérique, la BMT-i, est un outil plus complet destiné aux praticiens plus expérimentés.

Le CE1 est l'année la plus importante pour dépister les troubles de la lecture, l'écriture et du calcul. Les années suivantes, du CE2 au CM2, les exigences à l'école augmentent.
Le dépistage doit porter sur la fluence de lecture (vitesse et précision), sans oublier d'évaluer la compréhension qui est l'objectif essentiel.

L'action à proposer dépendra des difficultés propres à chaque enfant : on peut agir sur les erreurs de lecture ou sur une lenteur persistante, mais l'aide sera différente chez les enfants qui lisent vite sans comprendre. « En primaire, en cas de troubles de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, il y a 3 indications formelles à l'orthophonie : l'imprécision de lecture (l'enfant bute ou fait des erreurs fréquentes), le défaut de compréhension et une vitesse de lecture très lente », résume le Dr Billard.

Que faire pour l'orthographe ?
Corollaire de la lecture : l'orthographe, complexe pour la langue française qui compte beaucoup d'irrégularités. Elle se teste avec une dictée, en faisant appel, comme pour la lecture, à un outil validé qui donne une référence par rapport à un groupe contrôle des trois orthographes – phonétique, d'usage ou grammaticale (cf. Figure 1).

 
Figure 1 - Dictée de CE1 : « Les voisins habitent dans une jolie maison »

Les troubles des accords grammaticaux relèvent de la pédagogie, soutenue par les parents : reprendre les accords de genre et de nombre avec leur enfant.
La dysorthographie, chez les enfants dyslexiques, comporte souvent des erreurs phonétiques et lexicales et elle est plus difficile à corriger. L'objectif fixé est une écriture lisible et la qualité des aménagements pédagogiques pour ne pas pénaliser l'orthographe dans les différentes matières.

« Le recours à l'orthophonie doit se faire préférentiellement sur une période courte, une année, mais de façon intense, à raison de deux séances par semaine », indique le Dr Billard qui souligne que les praticiens et l'orthophoniste ont un rôle important dans le suivi, en lien avec la famille.

Il s'agit après cette année de : continuer si l'enfant a progressé sans que les objectifs soient complètement atteints, s'alerter devant des progrès insuffisants ou des troubles associés, mais aussi savoir arrêter un suivi orthophonique si l'enfant a bien progressé en le revoyant 6 mois plus tard.

Comment faire en cas de troubles de l'apprentissage du nombre et du calcul ?
Le calcul est trop souvent oublié. Or il est le facteur le plus prédictif des acquisitions professionnelles. Les troubles de l'apprentissage du nombre et du calcul sont volontiers associés à ceux du langage écrit (30 % des enfants).

Les étapes de maîtrise des trois représentations du nombre et de leur lien doivent être suivies. Le sens du nombre ou la quantité qu'il représente, puis son nom et leur succession dans une chaîne verbale précise, avec les complexités françaises (onze, douze […] quatre-vingt, quatre-vingt-dix […]) et, enfin, l'apprentissage du code arabe dans notre système de base 10 (unité, dizaine, centaine [...] puis décimales et fractions).

Cet apprentissage débute dès la moyenne section de maternelle et se poursuit progressivement au fur et à mesure de la scolarité, permettant à l'enfant d'aborder la résolution des problèmes qui fait intervenir d'autres compétences (compréhension de l'énoncé, etc.).
La dictée et la lecture de nombres évaluent la qualité des représentations du nombre et les épreuves de calcul mental ou posé évaluent la précision et rapidité des différentes opérations (addition, soustraction, multiplication et division).

« Repérer les enfants qui ont besoin d'aide, pour contourner les obstacles de ces acquisitions étape par étape, est indispensable à la progression. L'importance de ces connaissances sur le nombre et le calcul n'est pas encore suffisamment connue de tous les rééducateurs », note le Dr Billard. Là encore, l'aide pédagogique pour la construction du nombre et l'entraînement en parallèle du calcul mental, tout comme les conseils aux parents sont à cet égard essentiels.

Les troubles des apprentissages sont aujourd'hui mieux pris en compte à l'école et les praticiens doivent travailler main dans la main avec les enseignants pour repérer, orienter, conseiller, traiter ces troubles et proposer les aménagements indispensables.

©vidal.fr

Pour en savoir plus
  • Haute Autorité de santé. 2018. Comment améliorer le parcours de santé d'un enfant avec troubles spécifiques du langage et des apprentissages.
  • Roy B. Intérêt d'une épreuve de repérage des troubles du langage lors du bilan médical de l'enfant de 4 ans (ERTL4). Med Hyg 1993;51: 375-377.
  • Billard C, Lequette C, Pouget G et al. OUtil de Repérage des Acquis en LECture des élèves en CP à l'usage du personnel de santé. www.cognisciences.com
  • Billard C, Mirassou A, Touzin M. Batterie Modulable de Tests (BMa). Isbergues : Ortho édition, 2019.
  • Billard C, Mirassou A, Touzin M. Batterie Modulable de Tests Informatisée (BMT-i). Isbergues : Ortho édition, 2019.

Pour aller plus loin
Sources

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