#Santé publique #COVID-19

Troisième dose : COMIRNATY ? SPIKEVAX ? Demi-dose ? Homologue ? Hétérologue ?

Quel vaccin privilégier pour la dose de rappel après la vaccination initiale contre la COVID-19 (« 3e dose ») ? Quelques éléments de réponse ont récemment été donnés par les agences sanitaires, en attendant les recommandations de l'Agence européenne du médicament.
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Quel vaccin privilégier pour la dose de rappel 6 mois après la vaccination initiale contre la COVID-19 (« troisième dose ») ? [illustration]

Quel vaccin privilégier pour la dose de rappel 6 mois après la vaccination initiale contre la COVID-19 (« troisième dose ») ? [illustration]

Résumé
Si un consensus international existe sur la nécessité d'une 3e dose chez certaines personnes, au moins 6 mois après la vaccination initiale contre la COVID-19, aucun consensus international ne semble se dégager sur le choix du vaccin de rappel en fonction du vaccin initialement administré ou des caractéristiques du patient.

Récemment, la Haute Autorité de santé (HAS) a actualisé ses recommandations en restreignant ce choix au seul vaccin COMIRNATY, en attendant l'avis de l'Agence européenne du médicament sur l'usage d'une demi-dose de SPIKEVAX dans ce contexte.

Le 20 octobre 2021, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a, elle, autorisé l'usage d'une demi-dose de SPIKEVAX et d'une dose de vaccin JANSSEN (pour les personnes primovaccinées par ce vaccin). Elle a également autorisé le panachage des vaccins pour la 3e dose (rappel hétérologue), en laissant une grande liberté aux prescripteurs. L'avis de la FDA a notamment été motivé par des données cliniques récemment publiées sur le sujet, en particulier autour des rappels homologues (avec le vaccin utilisé initialement) et hétérologues (avec un autre vaccin). 

Nous vous proposons un tour des connaissances actuelles sur le choix du vaccin pour la 3e dose, uniquement dans le cas des patients immunocompétents.

Le 6 octobre 2021, la Haute Autorité de santé (HAS) a actualisé ses recommandations relatives à l'administration d'une dose de rappel de vaccin contre la COVID-19 (« 3e dose » constituée pour la HAS d'un vaccin à ARNm). Le 15 octobre 2021, ces recommandations ont été restreintes par un avis recommandant l'usage unique du vaccin COMIRNATY (Pfizer BioNTech) pour ce rappel, le recours au vaccin SPIKEVAX (Moderna) à dose complète présentant un risque non négligeable de myocardites chez les patients jeunes. Cette restriction pourra être revue après examen, par l'Agence européenne du médicament (EMA), de la demande de Moderna concernant l'utilisation d'une demi-dose de SPIKEVAX dans cette indication.

Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a autorisé l'usage, pour cette 3e dose, du vaccin COMIRNATY. Le 20 octobre 2021, la FDA s'est également prononcée en faveur, pour la 3e dose :
  • du vaccin SPIKEVAX à demi-dose, au moins 6 mois après la vaccination initiale (pour les mêmes personnes que celles figurant dans les recommandations de l'HAS, voir ci-dessous) ;
  • du vaccin JANSSEN / Johnson & Johnson pour une 2e dose chez les personnes de plus de 18 ans ayant reçu ce vaccin monodose en vaccination initiale, au moins 2 mois après celle-ci ;
  • des vaccins à ARNm pour la 3e dose des patients chez qui la vaccination initiale a utilisé les vaccins JANSSEN ou VAXZEVRIA (AstraZeneca), dans une stratégie dite du mix-and-match (rappel hétérologue).
Edit du 22 octobre 2021 : Le 21 octobre 2021, les experts des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains ont approuvé les recommandations de la FDA et également suggéré que pour le rappel, les patients s'en tiennent au vaccin qu'ils ont reçu initialement, mais ont néanmoins admis que certains d'entre eux pourraient avoir besoin d'en recevoir un autre pour des raisons de préférence ou de disponibilité. Fin de l'edit.

NBCet article n'aborde que le cas du rappel chez les personnes immunocompétentes. Chez les patients immunodéprimés, l'administration d'une 3e dose est déjà largement la règle (avec les vaccins à ARNm), voire d'une 4e dose. Plusieurs études contrôlées et randomisées ont récemment été publiées sur cette stratégie chez ces malades.

La 3e dose, pour des patients particuliers
Pour mémoire, à ce jour en France, les sujets concernés par la 3e dose sont :
  • les personnes de 65 ans et plus (au moins 6 mois après la vaccination initiale) ;
  • les personnes ayant des comorbidités augmentant le risque de formes graves et de décès dus à la COVID-19 (hors immunodépression, au moins 6 mois après la vaccination initiale) ;
  • les personnes ayant été vaccinées avec le vaccin JANSSEN (une seule injection) depuis au moins 4 semaines ;
  • les professionnels qui prennent en charge ou accompagnent les personnes vulnérables (soignants, transporteurs sanitaires, professionnels du secteur médico-social), ainsi que l'entourage des patients immunodéprimés.
Il est à remarquer que, en France comme aux États-Unis, les sujets immunocompétents de moins de 65 ans ne sont pas concernés par ce rappel (à la différence de la stratégie israélienne ou de la demande de Pfizer-BioNTech auprès des autorités sanitaires).
Cette remarque est à mettre en regard de l'avis de la HAS sur la suspension de l'usage de SPIKEVAX pour la 3e dose, sur la base du risque de myocardites : celles-ci surviennent très majoritairement chez les moins de 30 ans qui, à l'exception des jeunes adultes ayant un risque de forme grave de COVID-19, ne sont pas concernés par la 3e dose…

L'EMA a surpris les experts en accordant, le 4 octobre 2021, une modification d'AMM conditionnelle à COMIRNATY qui autorise la 3e dose pour toutes les personnes de plus de 18 ans (ce que la FDA n'avait pas fait). Les experts de l'Agence européenne ont justifié leur décision en expliquant que ce serait aux autorités sanitaires nationales de décider du périmètre de ce rappel sur leur territoire, l'EMA se contentant d'ouvrir largement ce périmètre pour que les États membres ne soient pas limités par sa décision.

Une demi-dose de SPIKEVAX, suffisante pour la 3e dose
Une dose de vaccin SPIKEVAX contient 100 µg d'ARNm, contre 30 µg pour le vaccin COMIRNATY. Dès janvier 2021, le Dr Moncef Slaoui, membre du comité scientifique de l'Operation Warp Speed, dispositif destiné à favoriser la mise sur le marché de vaccins contre la COVID-19 aux États-Unis, proposait d'administrer deux fois 50 µg du vaccin, au lieu des deux fois 100 µg recommandés par la FDA.
Son raisonnement reposait sur les données de l'étude de phase II NCT04405076 (dite « étude 201 » dans le dossier d'enregistrement de ce vaccin, voir notre article sur ce dossier) qui ne montrait pas de différence entre 50 µg et 100 µg en termes de taux circulants d'anticorps, au moins à court terme. Néanmoins, cet essai n'abordait pas l'immunité cellulaire obtenue par le vaccin, ce qui est regrettable car, dans l'étude d'immunogénicité menée chez les macaques, une réduction de la dose injectée semblait plus fortement affecter la réponse immunitaire cellulaire que la réponse humorale.

Ce dosage plus élevé de SPIKEVAX est peut-être à l'origine des différences observées entre ce vaccin et COMIRNATY en termes d'efficacité sur la durée : la protection vaccinale semble plus durable chez les personnes ayant reçu SPIKEVAX que celles ayant reçu COMIRNATY (voir, par exemple, l'étude sur les vétérans détaillée ci-dessous). De plus, ce dosage plus élevé est probablement à l'origine de la plus grande prévalence des myocardites post-vaccinales avec SPIKEVAX, qui ont amené les autorités scandinaves à suspendre, début octobre, son administration à dose complète chez les adultes âgés de moins de 30 ans.

Les données d'immunogénicité de 50 µg de SPIKEVAX dans le cadre de la 3e dose ont été obtenues dans le cadre d'une étude de Moderna (« P201B ») dont les résultats ont été présentés aux experts de la FDA.
Celle-ci a analysé les données relatives à la réponse immunitaire de 149 participants âgés de 18 ans et plus, issus des études cliniques originales, qui ont reçu une dose de rappel au moins 6 mois après leur deuxième dose et les a comparées aux réponses immunitaires de 1 055 participants à l'étude après avoir terminé leur série de deux doses.
Cette étude montre qu'un rappel avec une demi-dose de SPIKEVAX entraîne une augmentation du taux d'anticorps neutralisants (contre le variant D614G) d'un facteur 1,8 (IC95 % : 1,5-2,1). Cette hausse est plus intense chez les personnes dont les taux de base, avant le rappel, étaient les plus faibles. Contre le variant Delta, les résultats (plutôt favorables), présentés par Moderna à la FDA, sont difficiles à interpréter du fait du recours à un test non validé utilisant un pseudovirus.

Avec le vaccin JANSSEN, une injection ne suffit pas
Étude après étude, il se confirme que l'injection unique du vaccin JANSSEN, pourtant efficace à court terme, ne suffit pas sur la durée. Une étude récente, menée sur plus de 600 000 vétérans américains, a montré que, entre mars et août 2021, le taux de protection moyen accordé par le vaccin JANSSEN est passé de 88 % (IC95% 87-89) à… 3 % (IC95% -7-12), alors que celui des vaccins COMIRNATY et SPIKEVAX passait respectivement de 91 à 50 % et de 92 à 64 %.

L'étude de phase 3 ENSEMBLE 2 menée par JANSSEN a montré qu'une 2e injection administrée 2 mois après la première multiplie par 4 à 6 les taux sanguins d'anticorps par rapport à ceux obtenus après l'injection unique, et permet 94 % (58-100) de protection contre les formes symptomatiques de COVID-19. Une 2e injection effectuée 6 mois après la première multiplie par 12 le taux d'anticorps circulants, 4 semaines après le rappel. Les résultats préliminaires de cette étude ont été pris en compte par la FDA uniquement pour évaluer la sécurité de cette 2e dose.

En termes d'efficacité, l'autorisation, par la FDA, de l'utilisation d'une seule dose de rappel du vaccin JANSSEN est fondée sur son évaluation des données relatives à la réponse immunitaire de 39 patients, dont 24 participants âgés de 18 à 55 ans et 15 âgés de 65 ans et plus. Ceux-ci ont reçu une dose de rappel environ 2 mois après leur première dose, et les résultats ont démontré une réponse de rappel.

Rappelons que la HAS recommande, depuis le 6 octobre 2021, aux personnes vaccinées par le vaccin JANSSEN de faire un rappel avec un vaccin à ARNm au moins 4 semaines après l'injection initiale, du fait « du manque de donnée disponible permettant de confirmer l'efficacité à long terme du schéma de vaccination à une dose du vaccin COVID-19 JANSSEN contre le variant Delta ».

Le rappel hétérologue, une piste intéressante
Le 20 octobre 2021, la FDA a également autorisé la possibilité d'une 3e dose hétérologue, en laissant une grande liberté aux prescripteurs. Pour la FDA,
« une dose de rappel unique de l'un des vaccins COVID-19 disponibles peut être administrée en tant que dose de rappel hétérologue après la fin de la primovaccination avec un autre vaccin COVID-19 disponible. La ou les populations éligibles et l'intervalle entre les doses pour une dose de rappel hétérologue sont les mêmes que ceux autorisés pour une dose de rappel du vaccin utilisé pour la primovaccination ».

La décision de la FDA s'appuie, entre autres, sur les résultats d'une étude américaine récemment parue en préprint qui a comparé les effets de diverses combinaisons de rappels homologues et hétérologues.
Dans cet essai, 458 personnes (environ 150 par groupe ayant reçu une vaccination initiale avec SPIKEVAX, COMIRNATY ou JANSSEN) ont eu un rappel : 154 ont reçu SPIKEVAX (à la dose de 100 µg), 150 le vaccin JANSSEN et 154 COMIRNATY. Les taux sanguins d'IgG (comprenant des anticorps neutralisants, ou non) ont été comparés 2 et 4 semaines après le rappel.
À l'exception du rappel homologue JANSSEN (modeste multiplication par 4 du taux d'IgG, cohérente avec les données de ENSEMBLE 2), les rappels homologues ont été significativement immunogènes (x 7 pour le rappel homologue SPIKEVAX, x 15 pour le rappel homologue COMIRNATY, mais avec des taux d'IgG avant le rappel significativement plus faibles que ceux des patients primovaccinés avec SPIKEVAX).
Les rappels hétérologues ont été également très immunogènes, les moins efficaces étant ceux faits avec le vaccin JANSSEN (x 7 en rappel de SPIKEVAX, x 8 en rappel de COMIRNATY) :
  • COMIRNATY en rappel de SPIKEVAX : x 10
  • SPIKEVAX en rappel de COMIRNATY : x 15
  • COMIRNATY en rappel de JANSSEN : x 35
  • SPIKEVAX en rappel de JANSSEN : x 76
Cette étude, qui vient en confirmer d'autres, semble pointer vers l'intérêt d'un vaccin à ARNm pour le rappel, en particulier chez les personnes vaccinées par JANSSEN, comme recommandé par la HAS. Cette dernière avait d'ailleurs déjà été en faveur d'une stratégie hétérologue pour la 2e injection primovaccinale chez les personnes de moins de 55 ans ayant reçu une première dose de VAXZEVRIA (AstraZeneca).

En conclusion, les recommandations de la HAS sur la stratégie de rappel semblent cohérentes avec les dernières données disponibles, tant sur les patients concernés par cette stratégie de rappel que sur le choix d'un vaccin à ARNm pour ce rappel (en l'occurrence uniquement COMIRNATY aujourd'hui). Il semble très probable que cette restriction au seul COMIRNATY soit rapidement supprimée, l'EMA devant se prononcer à la fin du mois d'octobre sur l'usage d'une demi-dose de SPIKEVAX dans ce contexte, à l'instar de la FDA.

Pour compléter le tableau, il serait intéressant de disposer rapidement d'une étude comparative entre COMIRNATY et SPIKEVAX 50 µg, dans les différentes configurations de vaccination initiale et en fonction des taux d'anticorps circulants au moment de la 3e dose. Une telle étude permettrait de distinguer si l'un de ces vaccins permet une meilleure relance de la réponse immunitaire humorale.

Une question reste bien sûr en suspens : l'augmentation des taux d'anticorps circulants après un rappel se traduit-elle par une meilleure protection contre les infections perthérapeutiques (breakthrough infections) et une réduction significative du rôle des personnes vaccinées dans la transmission de SARS-CoV-2 ?

©vidal.fr

Pour aller plus loin

La recommandation initiale de la HAS sur la stratégie de rappel
Covid-19 : la HAS précise les populations éligibles à une dose de rappel de vaccin. Haute autorité de santé, 24 août 2021

La stratégie de la HAS actualisée sur la place de COMIRNATY dans la stratégie de rappel
Stratégie de vaccination contre la Covid-19 - Place d'un rappel par le vaccin à ARNm COMIRNATY®, Haute autorité de santé, 6 octobre 2021

 
La décision de la FDA sur les 3es doses de Moderna, Janssen et sur les rappels hétérologues

La stratégie de la HAS actualisée sur la vaccination des professionnels
Covid-19 : la HAS élargit le périmètre de la dose de rappel, Haute autorité de santé, 6 octobre 2021

L'avis de la HAS sur l'usage exclusif de COMIRNATY pour le rappel
Covid-19 : utiliser le vaccin de Pfizer pour le rappel de vaccination. Haute autorité de santé, 15 octobre 2021

Notre article sur le dossier d'enregistrement initial de SPIKEVAX
Vaccin Moderna : c'est la même chanson (que le vaccin Pfizer/BioNTech) avec quelques bémols. VIDAL Actus, 17 décembre 2020

Les données sur le vaccin Moderna chez les primates non humains
Corbett KS, Flynn B, Foulds KE et al. Evaluation of the mRNA-1273 Vaccine against SARS-CoV-2 in Nonhuman Primates. N Engl J Med 2020; 383:1544-1555

Sur la décision scandinave de suspendre SPIKEVAX chez les adultes de moins de 30 ans
Olsen JM. Scandinavians curb Moderna shots for some younger patients. AP News, 6 octobre 2021

Les données de la FDA sur la demi-dose de SPIKEVAX
FDA Briefing Document - EUA amendment request for a booster dose of the Moderna COVID-19 Vaccine. Food and Drug Administration, 14 octobre 2021

L'étude américaine sur la perte d'efficacité des vaccins au cours du temps
Cohn BA, Cirillo PM, Murphy CC et al. Breakthrough SARS-CoV-2 infections in 620,000 U.S. Veterans, February 1, 2021 to August 13, 2021. medRxiv, 13 octobre 2021

Le communiqué de presse de Johnson & Johnson sur l'étude ENSEMBLE 2
Johnson & Johnson Announces Real-World Evidence and Phase 3 Data Confirming Strong and Long-Lasting Protection of Single-Shot COVID-19 Vaccine in the U.S. Johnson & Johnson, 21 septembre 2021

L'étude américaine comparant les rappels homologues et hétérologues
Atma RL, Lyke KE, Deming ME et al. Heterologous SARS-CoV-2 Booster Vaccinations – Preliminary Report. medRxiv, 10 octobre 2021


 

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