#Santé publique #COVID-19

Gestion de la COVID-19 : quelles leçons en tirer à l’échelon international ?

La COVID-19 va-t-elle changer la façon dont les pays vont gérer les épidémies à venir ? C'est une question que l'on peut se poser car la possibilité d'autres pandémies n'est pas exclue. Plusieurs points sont sans doute à étudier de nouveau sous un angle international. 
Patricia Thelliez 16 septembre 2021 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Et si survenait une autre pandémie, que ferait-on ? (illustration).

Et si survenait une autre pandémie, que ferait-on ? (illustration).

Résumé :
Si la pandémie de COVID-19 a été accueillie avec effroi par la communauté internationale, elle n'était pas non plus si « imprévisible ». La survenue d'épidémies provoquées par d'autres virus semble aujourd'hui inévitable, en particulier en raison de l'augmentation des contacts entre l'homme et des espèces animales auxquelles il n'avait pas été confronté auparavant. Pour exemple, l'OMS avait déjà envisagé, dans sa liste des maladies prioritaires, « une épidémie internationale causée par un pathogène actuellement inconnu ».

Malgré cela, force est de constater que, à l'échelon international, la préparation face à l'émergence progressive de la pandémie est loin d'avoir été optimale. Améliorer la gestion d'une autre épidémie de grande ampleur semble donc cruciale en évitant de  répéter les mêmes erreurs.

La revue scientifique Nature a détaillé différents axes d'amélioration possibles en interrogeant plus d'une douzaine de chercheurs (pour la plupart anglo-saxons, mais travaillant aussi sur d'autres continents).

En France, la gestion nationale de l'épidémie de COVID-19 a été largement commentée. La revue scientifique Nature s'est, elle, penchée sur la gestion de l'épidémie à l'échelle mondiale en posant la question : la COVID-19 nous a-t-elle appris quelque chose en matière de préparation à une pandémie ? À cet égard, différents axes d'amélioration possible ont été détaillés, en interrogeant plus d'une douzaine de chercheurs (pour la plupart anglo-saxons, mais travaillant aussi sur d'autres continents).

Cinq questions principales ont été abordées :
  • Pourquoi les systèmes de surveillance ne sont-ils pas plus efficaces ?
  • L'amélioration de l'accès aux données brutes peut-elle conduire à des décisions plus adaptées ?
  • En quoi la communication a-t-elle échoué au cours de la COVID-19 ?
  • Comment les mesures de santé publique peuvent-elles être renforcées ?
  • Comment les vaccins et les médicaments peuvent-ils être distribués aux populations qui en ont besoin ?

Pourquoi les systèmes de surveillance ne sont-ils pas plus efficaces ?
Pour Jeremy Farr, directeur de la UK biomedical funderWellcome, « tout commence par une meilleure surveillance. Si on ne ne regarde pas, on ne voit pas et on répondra toujours trop tard ». Malheureusement une réponse tardive est plutôt la norme. Ainsi, ce n'est que plus d'un mois après le début de l'épidémie à virus Ebola que la maladie a été diagnostiquée.

Cela est d'autant plus préoccupant que lorsqu'une épidémie dépasse la zone où elle est apparue, la dissémination se fait de façon exponentielle et est de plus en plus difficile à contrôler, comme on l'a vu avec la COVID-19.

Et ce contrôle est encore plus difficile lorsque l'on est confronté à un virus inconnu ou inattendu.
Il faut donc se réjouir de l'amélioration des techniques de séquençage du génome, qui constituent une aide majeure pour la détection de nouveaux agents pathogènes. Au sein de l'African Center of Excellence for Genomics of Infectious Diseases situé à Ede, au Nigeria, de l'ADN et de l'ARN étrangers sont systématiquement recherchés dans les échantillons de sang des patients fébriles mais "négatifs" pour la plupart des maladies de la région. C'est comme cela qu'une épidémie de fièvre jaune a pu être détectée en 2017. Certains pensent même que cette stratégie devait être suivie pour toutes les personnes en contact étroit avec des animaux (forestiers, éleveurs, chercheurs, etc.), de même que les eaux usées ou l'air devraient faire l'objet d'un même traitement.

Mais l'intérêt de cette technologie de pointe ne doit pas faire oublier que nombre de systèmes de surveillance de base manquent cruellement de matériel et de ressources pharmaceutiques pour faire face à des maladies déjà connues comme la rougeole ou la fièvre de Lassa, et parfois seulement parce qu'il manque des tubes de prélèvement ou des médicaments antiviraux, et cela faute de fonds suffisants. Selon le 2019 Global Health Security Index, plus de 70 pays n'ont pas la capacité de détecter des épidémies émergentes et quelque 130 ne disposent pas de systèmes de santé adéquats.

L'amélioration de l'accès aux données brutes peut-elle conduire à des décisions plus adaptées ?
Au début de l'épidémie de COVID-19, il est apparu que, si les systèmes de modélisation étaient à la hauteur, le problème est venu de l'accès aux données brutes. Caitlin Rivers du John Hopkins Center for Health Security de Baltimore, Maryland, États-Unis, explique que le monde entier a perdu beaucoup de temps, en janvier et février 2020, à la recherche d'informations car elles étaient éparpillées dans des rapports officiels, des articles de journaux, les réseaux sociaux, etc. En facilitant le recueil de données, on aurait pu mettre en évidence de façon beaucoup plus rapide l'intérêt des tests et des masques.

Des efforts de rapprochement des différentes données collectées dans le monde ont été initiés, mais l'un des facteurs limitant cette approche a trait à la confidentialité des données qui constituent un frein au partage de ces dernières entre les différents systèmes de santé. Une amélioration de ce point est sans doute nécessaire afin que tous les pays puissent avoir accès aux mêmes informations et au même moment.

Il reste cependant que des laboratoires n'ont pas les capacités de livrer de telles informations. S'y ajoutent les pays qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas voulu partager leurs données.

Une façon de contourner cette difficulté serait, comme le plaide Suerie Moon, chercheuse au Graduate Institute of International and Development Studies à Genève, d'offrir aux centres, en échange de leur contribution, la possibilité de bénéficier des technologies qui en découlent. Elle rappelle à ce propos que, en 2006, l'Indonésie a cessé d'envoyer ses échantillons de virus de la grippe après qu'on lui a refusé l'accès aux vaccins... développés en utilisant ses propres échantillons…

Pour l'instant, aucune démarche concernant la COVID-19 n'a été faite dans ce sens, mais des plaintes similaires commencent à provenir des pays africains et d'Amérique du sud et pourraient changer la donne.

En quoi la communication a-t-elle échoué au cours de la COVID-19 ?
En matière de communication, certains pays comme Taïwan ou la Corée du Sud ont clairement bénéficié de leur expérience préalable de l'épidémie de SRAS. Ils ont ainsi, dès le début de la pandémie, prôné le port de masque et accélérer leur production. Des réunions quotidiennes ont été tenues pour fournir à la population des informations cohérentes. Il a ainsi été clairement dit que ces mesures avaient été choisies de façon à éviter un confinement. La population a été d'autant plus favorable à cette stratégie pouvant limiter la fermeture des bureaux et des écoles, à mesure qu'elle se rendait compte des difficultés rencontrées par les autres pays n'ayant pas suivi le même chemin.
De plus, une équipe spéciale a été mise sur pied pour repérer les fausses rumeurs et les réfuter chaque semaine dans un site dédié.

Ailleurs, la communication n'a pas souvent été optimale, qu'il s'agisse de la délivrance de messages contradictoires ou de la difficulté de la lutte contre la désinformation.
Des initiatives sont nées de cette problématique, comme celle de l'université de Boston qui doit mettre en place des outils pour aider les personnes à débusquer les informations pseudo-scientifiques erronées. Pour Nahid Bhadelia, du Boston University's Center for Emerging Infectious Diseases Policy and Research in Massachusetts, l'affluence de ces fausses théories n'est pourtant qu'à ses débuts et il est à craindre qu'elles s'amplifieront à l'avenir. De même, pour Peter Hotez, chercheur au Baylor College of Medicine de Houston, Texas, les réponses des scientifiques ne resteront qu'une goutte d'eau dans la mer si les agences gouvernementales ne s'emparent pas du combat.

Comment les mesures de santé publique peuvent-elles être renforcées ?
La place de la santé publique dans la maîtrise de l'épidémie a été mise à mal de deux façons :
  • De nombreux États ont promulgué des lois, ou sont en passe de le faire, destinées à limiter l'autorité des agences de santé publique. Il est d'ailleurs apparu que nombre de spécialistes de santé publique n'ont été que peu entendus lors de la pandémie. En miroir, la nécessité d'augmenter le pouvoir des départements de santé publique lorsque survient une crise, en leur allouant des budgets plus importants, apparaît pour Nahid Badhelia un moyen de pallier cette carence.
  • Encore une fois, la pandémie de COVID-19 a révélé l'impact des inégalités sociales dans la propagation du virus. Faibles revenus, surpopulation, manque de protections ont clairement influencé le pronostic des patients.

Comment les vaccins et les médicaments peuvent-ils être distribués aux populations qui en ont besoin ?
Si les laboratoires ont développé des vaccins contre la COVID-19 en un temps record, des chercheurs avancent que l'on aurait pu faire encore plus vite ! Si l'on avait alloué davantage de fonds à la recherche vaccinale.
La CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations) doit agir dans ce sens : elle a levé, pour une période de 5 ans, 3,5 milliards de dollars pour développer des stratégies incluant la préparation de vaccins contre de nouvelles maladies qui pourraient survenir au cours des 100 prochaines années.

Antoni Fauci, directeur du US National Institute of Allergy and Infectious Diseases à Bethesda, Maryland, a suggéré une approche originale : créer des « prototypes » de vaccins ciblant environ 20 familles de virus de façon à améliorer leur développement en cas d'urgence.

La question de la distribution rapide de nouveaux vaccins ou médicaments dans le monde demeure cependant cruciale, à moins d'initiatives gouvernementales comme celle de permettre, en cas d'urgence, la fabrication de produits de santé par d'autres firmes. Pour rappel, moins de 2 % de la population des pays à bas revenus ont été vaccinés, plus de 7 mois après l'autorisation des vaccins contre la COVID-19.

On peut également souligner que plusieurs attitudes gouvernementales nationalistes ont assurément freiné toute tentative de réponse globale à l'épidémie.

Beaucoup de scientifiques, comme Miquel Oliu-Barton et coll. ont ainsi insisté sur la nécessité d'un plan d'action mondial coordonné pour lutter contre la pandémie actuelle.

@vidal

Pour aller plus loin
Maxmen men. Has COVID taught us anything about pandemic preparedness. News feature. Nature 13 août 2021 ; 596 : 332-335.


 
Sources

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