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COVID long : état des lieux avec un an de recul

La fréquence des formes prolongées de COVID-19 serait de 10 à 20 %. Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été émises, mais les mécanismes en jeu sont encore mal connus.
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La persistance ou la résurgence de symptômes plus de 4 semaines après l'épisode initial (illustration).

La persistance ou la résurgence de symptômes plus de 4 semaines après l'épisode initial (illustration).

Résumé :
Les formes prolongées de COVID-19 pourraient concerner de 10 à 20 % des patients, y compris des personnes ayant fait un épisode initial modéré. Troubles cognitifs, fatigue et dyspnée sont au premier plan, altérant la qualité de vie. Plusieurs hypothèses physiopathologiques sont avancées pour expliquer ce phénomène encore mal connu, ont rappelé la Pr Dominique Salmon-Ceron (infectiologue, hôpital Hôtel-Dieu, Paris), le Dr Sergio Salmeron (pneumologue, hôpital Saint-Joseph, Paris) et le Dr François Trémolières (infectiologue et interniste) lors d'une session interactive Vidal Live le 5 mai dernier.

La Haute Autorité de santé a récemment défini les symptômes prolongés de la COVID-19, plus communément appelés COVID long, comme la persistance ou la résurgence d'au moins un des symptômes initiaux plus de 4 semaines après l'épisode initial, que ce dernier ait été ou non confirmé par un test PCR ou une sérologie, et non expliquée par une autre pathologie.

Ils doivent être distingués des complications post-hospitalisation et des syndromes post-soins intensifs (PICS pour Post-Intensive Care Syndrome), même s'il peut y avoir un chevauchement entre ces entités.

Les patients avec une COVID-19 modérée sont également touchés
Une proportion importante de patients hospitalisés pour une forme sévère de COVID-19 gardent des symptômes à moyen terme. Il s'agit parfois de symptômes en lien avec des complications post-hospitalisation, qui concernent alors plutôt des hommes, âgés en moyenne de 61 ans, mais aussi de formes prolongées de COVID-19. Une étude publiée l'été dernier dans le JAMA, par une équipe italienne, avait ainsi montré que, deux mois après l'épisode initial ayant nécessité une hospitalisation, plus de la moitié des patients se plaignaient de fatigue, plus de 40 % d'une dyspnée et plus de 20 % de douleurs thoraciques.

Mais les symptômes prolongés touchent aussi des personnes ayant eu une forme modérée de COVID-19, traitées en ambulatoire. Il s'agit de sujets plus jeunes, âgés en moyenne de 45 ans, majoritairement des femmes. Concrètement, seuls 10 % des patients ayant un COVID long, suivis dans la consultation dédiée ouverte en mai dernier à l'Hôtel-Dieu à Paris, avaient été hospitalisés lors de l'épisode initial.

Une épidémiologie mal connue
Les COVID longs toucheraient globalement de 10 à 20 % des patients, 3 mois après la maladie initiale, mais la prévalence de ces formes reste très approximative, en l'absence d'études épidémiologiques en ambulatoire. Un travail mené au Royaume-Uni a estimé à un peu plus de 10 % la proportion de patients toujours symptomatiques 6 mois après l'épisode initial.

Une autre analyse, menée en Suède entre avril 2020 et janvier 2021, sur une cohorte de 2 000 soignants, a montré que 25 % avaient encore des symptômes à 2 mois, 20 % à 4 mois et 15 % à 6 mois. Ce travail pointe également l'impact délétère de ces symptômes prolongés sur la vie professionnelle, familiale et sociale.

Des facteurs de risque émergents
Les données font encore défaut pour identifier d'éventuels facteurs de risque de formes prolongées, mais certains éléments commencent à émerger. Dans la cohorte de l'Hôtel-Dieu de Paris, de nombreux patients ont un terrain atopique, mais ce constat reste à confirmer à plus large échelle. Autre facteur de risque potentiel qui ressort de différentes études : un épisode initial, certes traité en ambulatoire, mais très symptomatique, associant par exemple céphalées, anosmie et diarrhée. Il est important de noter que la problématique des formes prolongées concerne toutes les régions du monde, et donc des populations différentes, ce qui en fait une caractéristique de la maladie.

Plusieurs hypothèses physiopathologiques
Les mécanismes sous-tendant ces formes prolongées sont encore mal connus, mais font l'objet de nombreuses hypothèses et recherches.

- La persistance de l'ARN viral au niveau rhinopharyngé, ou dans un autre site plus difficile à explorer, comme le bulbe olfactif, la muqueuse digestive ou oculaire, est l'une des hypothèses explorées.
- Une réponse immunitaire inadaptée, soit trop forte, entraînant une inflammation, voire une auto-immunité, soit insuffisante, est un autre mécanisme possible.
- Des facteurs génétiques ou hormonaux sont, respectivement, suggérés par la fréquence des patients ayant un terrain atopique et l'évolution des symptômes en fonction du cycle menstruel.
- Les aspects psychologiques sont mis en avant par certains, mais pour les experts présents sur le plateau du Vidal Live, ils seraient plutôt une conséquence qu'une cause de ces symptômes prolongés.

Troubles cognitifs, asthénie et symptômes cardio-thoraciques au premier plan
Les personnes souffrant de COVID long peuvent présenter des symptômes multisystémiques invalidants.
Selon l'expérience acquise au sein de la consultation dédiée de l'Hôtel-Dieu, 77 % des patients se plaignent de troubles neurologiques, principalement cognitifs, à type de désorientation, de lenteur, de « sensation de ne pas être comme d'habitude », mais aussi de troubles neurosensoriels, du sommeil, d'une irritabilité, de céphalées.
Le bilan complémentaire classique (IRM, électromyogramme) est souvent négatif. Le PET-scan, qui peut mettre en évidence des hypométabolismes au niveau cérébral, est plus contributif. Mais cet examen ne peut pas être prescrit à tous les patients, d'autant que ces anomalies ne débouchent pas sur une prise en charge spécifique.

Sept personnes sur dix rapportent une asthénie, souvent majeure et qui est augmentée par des efforts physiques ou intellectuels minimes.

Une proportion équivalente se plaint de dyspnées, tachycardie posturale, toux, douleurs thoraciques. Il faut bien sûr éliminer une pathologie organique, qui pourrait faire l'objet d'un traitement, mais, là aussi, le bilan complémentaire est fréquemment négatif.
Dans 25 à 30 % des cas, ce sont les troubles de l'odorat qui persistent ou réapparaissent, des myalgies, des arthralgies, des troubles digestifs, à type de gastrite, de sensation de plénitude gastrique et de diarrhée motrice, évoquant une atteinte du système nerveux autonome.

Plus rarement, les patients présentent des signes cutanés, vasculaires, ou encore oculaires très variés.

Le syndrome d'hyperventilation étaye l'hypothèse neurologique
Comme l'ont souligné les experts, les patients vus en consultation sont volontiers des personnes actives, voire très actives, qui sont préoccupées de ne plus pouvoir faire des efforts courants, en raison d'une fatigue intense et d'une dyspnée inhabituelle. Certains décrivent une respiration difficile, y compris au repos ou lors d'une simple conversation téléphonique et présentent un syndrome d'hyperventilation, qui traduit une inadaptation de la réponse ventilatoire à la situation physiologique. Il s'agit d'un problème neurosensoriel, ce qui va dans le sens d'une atteinte neurologique, qui pourrait être secondaire à un mécanisme inflammatoire pulmonaire ubiquitaire, touchant aussi bien les bronches que l'épithélium, les vaisseaux et l'interstitium, riche en fibres nerveuses. La survenue d'une tachycardie posturale et de palpitations est également en faveur d'une atteinte du système nerveux autonome.

La COVID-19 est loin d'avoir livré tous ses secrets et les recherches se poursuivent, afin de mieux préciser les mécanismes et les facteurs de risque sous-tendant ces formes prolongées.

©vidal.fr

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Sources

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