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Bon usage du médicament : questions et enseignements d’une crise sanitaire

Le 26 novembre 2020, l’Association Bon Usage du Médicament (ABUM) a organisé une tribune numérique sur le thème « Bon usage du médicament : questions et enseignements d’une crise sanitaire », en lien avec la situation liée à la pandémie  COVID-19.

Cette tribune avait pour but de débattre de trois aspects de l’impact de la crise sanitaire de la COVID-19 sur le bon usage du médicament :
  • gérer les fake news en santé,
  • adapter la recherche clinique et décider,
  • garantir l’accès à un traitement en situation de pénurie.

Les intervenants ont fait le point sur les difficultés rencontrées depuis le début de la crise dans ces trois dimensions du bon usage du médicament. Dans l’esprit qui anime les travaux de l’ABUM depuis sa création, ils ont également proposé des solutions concrètes pour que nous soyons mieux armés pour la suite de cette crise ou lorsqu’une nouvelle crise sanitaire de ce type surviendra.
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Le 26 novembre 2020, l’ABUM a organisé une tribune sur le thème « Bon usage du médicament : questions et enseignements d’une crise sanitaire » (illustration).

Le 26 novembre 2020, l’ABUM a organisé une tribune sur le thème « Bon usage du médicament : questions et enseignements d’une crise sanitaire » (illustration).

Le 26 novembre 2020, l'Association Bon Usage du Médicament (ABUM) a organisé une tribune numérique sur le thème « Bon usage du médicament : questions et enseignements d'une crise sanitaire », en lien avec la situation liée à la pandémie COVID-19.

Une association pour promouvoir le bon usage du médicament
Depuis 2015, 19 acteurs de la chaîne du médicament se sont regroupés en un Collectif, puis une Association Bon usage du médicament (ABUM), afin de tenter de lutter contre les effets indésirables médicamenteux :
  • des représentants des pharmaciens : FSPF, USPO, UTIP Association, Le Collectif, Conférence nationale des URPS Pharmaciens libéraux, Société française de pharmacie clinique ;
  • des représentants des médecins : SFGG, CNPG, CSMF ;
  • l'Ordre national des masseurs kinésithérapeutes ;
  • des entreprises du médicament : LEEM, Teva ;
  • une institution de prévoyance : Klesia ;
  • un gestionnaire d'Ehpad, de cliniques et d'HAD : Korian ;
  • une association de services et soins à la personne (Centres de santé, Ehpad, services infirmiers à domicile) : ADMR ;
  • des éditeurs médicaux, de données et de logiciels : VIDAL, Edimark et CompuGroup Medical (CGM) ;
  • une association interprofessionnelle : Coopération Santé.

Des actions visant à réduire le risque de iatrogénie médicamenteuse
Depuis 2015, l'ABUM a conduit plusieurs actions de sensibilisation, d'aide et d'alerte des professionnels de santé :
  • amélioration des logiciels d'aide à la prescription (LAP) ;
  • création d'un module de e-learning pour les collaborateurs officinaux, en partenariat avec l'UTIP Association afin de mieux repérer les signes d'appel devant faire évoquer un problème d'origine iatrogène ;
  • conception et déploiement de « Réunions de collaboration de proximité » entre médecins généralistes et pharmaciens d'officine dans 4 régions pilotes (Île-de-France, Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes) ;
  • mise en place d'une étude en Ehpad, appelée DemAsCH, évaluant un programme de collaboration équipes soignantes – pharmaciens sur la réduction des risques de iatrogénie médicamenteuse ;
  • campagne de communication visant le grand public déployée dans les salles d'attente et les pharmacies.

Une tribune composée de trois tables rondes thématiques
Le 26 novembre 2020, l'ABUM a organisé en ligne la tribune « Bon usage du médicament : questions et enseignements d'une crise sanitaire », en lien avec la situation liée à la pandémie de COVID-19.
Cette tribune avait pour but de débattre de trois aspects de l'impact de la COVID-19 sur le bon usage du médicament, et de proposer des solutions pour réduire les impacts négatifs. Elle était construite autour de trois tables rondes thématiques regroupant divers protagonistes du bon usage du médicament et acteurs de cette crise, et dont les thèmes étaient :
  • gérer les fake news en santé,
  • adapter la recherche clinique et décider,
  • garantir l'accès à un traitement en situation de pénurie.

L'ensemble de cette tribune a été enregistré et peut être visionné en ligne sur le site de l'ABUM (le programme est disponible ici).

Gérer les fake news en santé pendant la crise sanitaire
La première table ronde regroupait divers actrices et acteurs de l'information en santé : le Service public d'information en santé (SPIS, Giovanna Marsico), France Assos Santé (Jean-Pierre Thierry), LEEM (Thomas Borel), Doctissimo (Gérald Kierzek), VIDAL (Vincent Bouvier) ainsi que l'auteur de cet article.
Les intervenants ont d'abord rappelé les difficultés rencontrées pendant les premiers mois de la crise sanitaire autour de la diffusion d'une information de référence :
  • experts auto-déclarés et ultracrépidarianisme ;
  • absence du filtre déontologique dans la prise de parole des médecins ;
  • développement inédit d'une complotosphère sur les réseaux sociaux et dans certains médias grand public ;
  • mise en doute systématique de la parole des experts ;
  • tensions entre experts « rassuristes » et « alarmistes » ;
  • fake news santé entre scientifiques à base d'études à la méthodologie douteuse ;
  • déni et revirements dans la parole « officielle », etc.

Ces difficultés ont abouti à une polarisation de la société et à des attitudes de rejet face aux conseils de prévention diffusés par les autorités.
Pour lutter contre cette expansion inédite des fake news en santé, les intervenants de la table ronde ont proposé diverses solutions :
  • développer, dès le plus jeune âge, la culture scientifique et l'esprit critique ;
  • apporter plus d'horizontalité à l'information en santé pour compenser la verticalité de la parole des experts ;
  • promouvoir la formation et l'embauche de journalistes scientifiques aguerris à la démarche scientifique et au journalisme d'investigation appliqué à la santé ;
  • s'engager dans une démarche de labellisation des contenus de qualité ;
  • s'appuyer sur la curiosité et le désir de prendre soin de sa santé pour promouvoir l'information ;
  • aligner l'information destinée au grand public sur celle destinée aux professionnels ;
  • mener des actions collectives, à la fois sur les émetteurs, les diffuseurs et les récepteurs de l'information en santé.

Pour illustrer la situation, lors de la clôture de la Tribune, Xavier Cnockaert, président de l'ABUM a cité Marc Twain : « Un mensonge fait le tour de la terre le temps que la vérité mette ses chaussures. ». Éric Baseilhac, vice-président de l'ABUM, a surenchéri en citant Marcel Proust : « Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances. »

Adapter la recherche clinique et décider
La deuxième table ronde de cette Tribune concernait l'impact de la crise de la COVID-19 sur la recherche clinique. Elle regroupait Stéphane Honoré (SFPC), Michel Lukasiewicz (Roche), Marc Martin (ANSM), Olivier Saint-Lary (CNGE) et Jean-Pierre Thierry (France Assos Santé).
Les intervenants ont mis en avant l'importance d'amener la recherche clinique au plus près des patients, avec un souci d'inclusivité de différents profils (âge et minorités, par exemple), comme illustré dans les études de phase 3 sur les vaccins contre la COVID-19.
La crise sanitaire a éclairé divers obstacles à la recherche clinique, mais elle a aussi révélé que, lorsque les différents acteurs sont mus par le même souci de réactivité, il est possible de démarrer une étude de phase 3 en France trois semaines après la soumission du protocole et sans sacrifier ni l'intégrité des données, ni la dimension éthique. Selon les données de l'ANSM, depuis le début de la crise, 130 protocoles d'études ont été déposés à l'agence, dont 72 ont été autorisés.
Le contexte de la crise sanitaire a également montré que des réseaux de recherche clinique ambulatoire doivent davantage être développés en France, ainsi que des règles de bonne pratique cliniques adaptées, par exemple pour évaluer des substances antivirales aux stades les plus précoces de l'infection. Mais nous manquons de médecins généralistes chercheurs et de structures logistiques dédiées à ce type de recherche, ainsi que de pharmaciens d'officine capables de s'engager dans cette démarche.
Pour y parvenir, il est indispensable, selon les propositions des intervenants :
  • de faire évoluer la réglementation sur la recherche ambulatoire ;
  • d'avoir des appels à projets spécifiques et ouverts qui répondent aux attentes des médecins généralistes chercheurs ;
  • de développer des réseaux dédiés autour des maisons de santé et des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) ;
  • de permettre aux pharmaciens d'officine d'accompagner ces réseaux en lien avec les pharmacies à usage interne (hospitalières).
Par ailleurs, un débat sociétal sur le partage des données de santé est indispensable.

Garantir l'accès à un traitement en situation de pénurie
La troisième table ronde portait sur les tensions qui ont marqué l'approvisionnement en certaines substances lors du pic épidémique du printemps 2020. Cette table ronde regroupait Hervé Bouaziz (SFAR), François Bruneaux (DGS), Pascal Paubel (AGEPS - APHP), Véronique Trillet-Lenoir (députée européenne) et Jacques Zagury (MSD).
Selon ces intervenants, les tensions en approvisionnement ont essentiellement touché 5 substances : par exemple, la demande en curarisants a été multipliée par 12. Ces tensions ont montré qu'il n'est pas simple, pour les sociétés savantes, d'identifier d'autres options, en cas de substances en rupture de stock. Néanmoins, les pénuries étaient endémiques avant la crise de la COVID-19 qui n'a fait que révéler notre dépendance pharmaceutique.
Même si les capacités d'adaptation du système ont été importantes (livraisons en conditionnements primaires, recours à des produits à usage vétérinaire, par exemple), les professionnels se sont retrouvés avec des problèmes difficiles à résoudre, par exemple des produits importés dont les emballages n'étaient pas lisibles. Un conditionnement et un étiquetage unique au sein de l'Union européenne faciliteraient les choses.
Ces tensions ont également rappelé qu'il est important de relocaliser la production de certaines substances, en particulier anciennes, pas forcément à l'échelon national, mais plutôt au niveau de l'Union européenne. Ainsi, il pourrait être utile de développer une sorte de Pharmacie centrale européenne, productrice de médicaments de base ou anciens.
Enfin, il a parfois manqué un outil de distribution centralisé, permettant aux industriels d'établir un ordre de priorité des livraisons entre les différents établissements, selon l'état de leurs stocks. Plus de transversalité et de coordination aurait été utile dans ce domaine comme dans d'autres en lien avec l'approvisionnement : cartographie des sources d'approvisionnement produit par produit, vision globale des stocks des industriels, par exemple.
Véronique Trillet-Lenoir a rappelé le travail en cours au Parlement européen dans ce domaine, avec un rapport d'initiative sur le sujet de la pénurie de médicaments, visant entre autres à la constitution de réserves de médicaments d'intérêt sanitaire stratégique (MISS) ou d'intérêt thérapeutique majeur (MITM). La Commission européenne va renforcer les missions de l'EMA (Agence européenne du médicament) autour des questions de la circulation et de l'approvisionnement en médicaments des États-membres. De plus, le modèle public-privé mis en lumière par la recherche de vaccins contre la COVID-19 pourrait être développé avec la création de l'agence européenne HERA (Health Emergency Response Authority), interface entre les gouvernements et l'industrie biomédicale, sur le modèle de la BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority) américaine.

En conclusion, comme toute crise, la crise sanitaire liée à la COVID-19 est une opportunité d'interroger nos pratiques à la fois dans le domaine de la recherche clinique, de l'approvisionnement en médicaments et de l'information en santé. Lorsque cette crise sera terminée, il sera important de ne pas faire l'économie d'une analyse détaillée des difficultés rencontrées, afin d'être mieux armés lorsqu'une nouvelle crise sanitaire de ce type surviendra.

©Vidal.fr

Pour aller plus loin
Sources

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