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Chômage partiel des salariés vulnérables aux formes graves de COVID-19 : un nouveau décret controversé

L’article 20 de la loi du 25 avril 2020 a prévu le placement en chômage partiel des salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave de COVID-19, ainsi que des salariés qui partagent le même domicile que ces personnes.

Un nouveau décret, publié le 10 novembre 2020, fixe les critères pour qu’une personne à risque de forme grave de COVID-19 puisse bénéficier du chômage partiel. Cette publication fait suite à la suspension de certains éléments du décret précédent par le Conseil d’État, justifiée par l’insuffisance de cohérence des critères médicaux alors retenus, mais aussi à la publication, par le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP), de nouvelles données graduées sur l’augmentation du risque de forme grave selon les pathologies.

Ce décret impose deux critères : un critère médical dans une liste de facteurs de risque reconnus et un critère relatif aux conditions de travail. Parmi les salariés reconnus médicalement vulnérables, seuls ceux ne pouvant bénéficier ni du télétravail, ni de mesures de protection renforcées sur leur lieu de travail pourront avoir accès au chômage partiel.

Comme pour la version précédente, suspendue par le Conseil d’État, des associations de patients s’élèvent contre ce nouveau décret dont elles signalent à la fois l’incohérence avec les conclusions du HCSP (absence de prise en compte des insuffisants rénaux de stade 4 et 5 non greffés non dialysés), mais aussi les insuffisances en termes de mesures de protection renforcées (recours au télétravail laissé à la discrétion de l’employeur, absence de mesures de type aération/filtration des locaux fermés, absence de prise en compte du risque lié à l’utilisation des transports en commun pour se rendre au travail). Enfin, elles regrettent, une fois de plus, que les salariés partageant le domicile des patients vulnérables ne soient plus inclus parmi les bénéficiaires potentiels.

Il est probable que ces associations saisissent de nouveau le Conseil d’État en référé, en faisant valoir à la fois les insuffisances du nouveau décret, la dynamique actuelle de l’épidémie en France (du même ordre que celle observée au printemps), l’importance des nouvelles données de prévention de la transmission dans les lieux clos (aération/filtrage) et l’incohérence du décret avec la logique qui a mené le gouvernement à fermer de nombreux lieux recevant du public dans le cadre du confinement, en invoquant le risque de transmission par aérosol malgré le port systématique du masque.
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De nouveaux critères d'accès au chômage partiel pour les salariés à risque de forme grave de COVID-19

De nouveaux critères d'accès au chômage partiel pour les salariés à risque de forme grave de COVID-19


La saga des décrets fixant les règles de l'accès au chômage partiel des salariés vulnérables aux formes sévères de la COVID-19 (et des salariés qui partagent leur domicile) continue.
Après un premier décret le 5 mai 2020 ouvrant largement cet accès, un deuxième décret du 29 août 2020 l'avait sévèrement réduit avant d'être partiellement suspendu par le Conseil d'État le 15 octobre, le juge des référés ayant estimé que « le gouvernement n'a(avait) pas suffisamment justifié, pendant l'instruction, de la cohérence des nouveaux critères choisis, notamment le fait que le diabète ou l'obésité n'ont été retenus que lorsqu'ils sont associés chez une personne âgée de plus de 65 ans ».
En conséquence, le Conseil d'État avait suspendu les articles relatifs aux critères de vulnérabilité, réinstaurant ainsi ceux du décret du 5 mai (pour vous rafraîchir la mémoire, vous pouvez relire nos articles du 6 mai, du 8 septembre et du 20 octobre 2020).
Le gouvernement attendait un nouvel avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) sur cette question avant de publier un nouveau décret.

Le nouvel avis du Haut conseil de la santé publique sur les facteurs de risque
Le 29 octobre 2020, le HCSP a publié un nouvel avis relatif à l'actualisation de la liste des facteurs de risque de forme grave de COVID-19.
Dans ce nouvel avis, le HCSP s'appuie sur les données de la littérature et des agences de santé publique, en France et à l'étranger, pour établir une gradation des facteurs de risque, en s'appuyant sur le rapport de risque ajusté (HR, adjusted hazard ratio - IC95 %). Selon le HCSP, on peut distinguer :
  • Les situations ou pathologies avec sur-risque significatif (HR > 1 et < ou = 3)
    • âge de 60 à 69 ans ;
    • sexe masculin ;
    • obésité (IMC > ou = 35 kg/m2) ;
    • déprivation matérielle ;
    • plusieurs comorbidités ;
    • diabète avec HbA1c > ou = 58 mmol/ml ;
    • pathologies entrainant une immunodépression ;
    • cancer des voies respiratoires ou autres cancers solides de diagnostic datant de moins de 5 ans ;
    • hémopathies malignes y compris si le diagnostic date de plus de 5 ans ;
    • chimiothérapie grade A ;
    • radiothérapie dans les 6 mois précédents ;
    • insuffisance rénale stade 3 à 5 (risque plus élevé si stade plus élevé) ;
    • maladies neurologiques autres qu'AVC dont épilepsie ;
    • BPCO, hypertension artérielle pulmonaire, asthme nécessitant la prise de corticoïdes inhalés ;
    • insuffisance cardiaque, artériopathies périphériques, fibrillation auriculaire ;
    • maladie thromboembolique ;
    • fracture ostéoporotique (hanche, rachis, poignet, humérus) ;
    • troubles de l'apprentissage ;
    • cirrhose du foie (sans définition de stade) ;
    • polyarthrite rhumatoïde, lupus systémique, psoriasis.
  • Les situations ou pathologies avec sur-risque significatif élevé (HR > 3 et < ou = 5)
    • diabète de type 1 ;
    • drépanocytose ;
    • déficit immunitaire combiné sévère ;
    • insuffisance rénale stade 5 avec dialyse.
  • Les situations ou pathologies avec sur-risque significatif très élevé (HR > 5)
    • âge > ou = 70 ans ;
    • syndrome de Down (trisomie 21) ;
    • greffe de cellules souches ;
    • chimiothérapie grade B et C ;
    • insuffisance rénale stade 5, ou greffée ;
    • syndromes démentiels ;
    • paralysie cérébrale.

De plus, pour le HCSP, les maladies rares doivent être également considérées comme des facteurs de risque élevé, bien que n'ayant pas été évaluées, du fait d'un lien potentiel avec les pathologies citées ci-dessus.
Enfin, les multiples associations possibles de ces comorbidités, ou entre comorbidités et terrain génétique, peuvent, pour le HCSP, entraîner un risque de forme grave élevé, voire supérieur à celles des comorbidités isolées les plus à risque.

Pas de nouvelles recommandations du HCSP sur les mesures de protection renforcées pour les personnes à haut risque
Dans son avis du 29 octobre 2020, le HCSP n'a pas revu ses recommandations du 19 juin 2020 sur les mesures de protection renforcées destinées aux personnes à risque accru de formes sévères.
En particulier, il n'a pas intégré les nouvelles données sur la transmission par aérosol et les recommandations sur l'aération régulière (ou la filtration de l'air) des locaux fermés où séjournent des personnes pendant une durée supérieure à 15 minutes, conditions dans lesquelles la protection assurée par les masques chirurgicaux diminue.
De la même manière, la distanciation physique reste fixée à 1 mètre, lorsque plusieurs études la situent plus probablement à 2 mètres, voire 2,5 mètres.

Les facteurs de risque inclus dans le nouveau décret
Publié dans la nuit du 10 au 11 novembre 2020, et rédigé par les services du Ministère du Travail, le nouveau décret n°2020-1365 définit les salariés vulnérables comme ceux remplissant au moins deux critères : un critère relatif à leur état de santé et un critère relatif à l'impossibilité de recourir au télétravail ou de bénéficier de mesures de protection renforcées sur leur lieu de travail.
Sur le plan médical, la liste des facteurs de risque retenus par le décret est la suivante :
  • être âgé de 65 ans et plus ;
  • avoir des antécédents cardio-vasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculocérébrales), accident vasculaire cérébral, coronaropathie, chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
  • avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;
  • présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d'une infection virale : broncho-pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d'apnées du sommeil, mucoviscidose notamment ;
  • présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;
  • être atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
  • présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC > 30 kgm2) ;
  • être atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise ;
  • être atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;
  • présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou un antécédent de splénectomie ;
  • être au troisième trimestre de la grossesse ;
  • être atteint d'une maladie du motoneurone, d'une myasthénie grave, de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de paralysie cérébrale, de quadriplégie ou hémiplégie, d'une tumeur maligne primitive cérébrale, d'une maladie cérébelleuse progressive ou d'une maladie rare.
On remarquera l'absence de l'insuffisance rénale sévère de stade 5 non greffée non dialysée, pourtant mise en exergue par le HCSP (HR > 5), de l'insuffisance rénale sévère de type 4 (HR = 2,52) et du syndrome de Down (trisomie 21).

Les critères du nouveau décret relatifs aux conditions de travail
Pour avoir accès au chômage partiel, un salarié vulnérable doit pouvoir justifier de l'impossibilité de recourir au télétravail ou de l'impossibilité de mettre en pratique les mesures de protection renforcées. Le décret définit ces dernières comme :
  • l'isolement du poste de travail, notamment par la mise à disposition d'un bureau individuel ou, à défaut, son aménagement, pour limiter au maximum le risque d'exposition, en particulier par l'adaptation des horaires ou la mise en place de protections matérielles ;
  • le respect, sur le lieu de travail et en tout lieu fréquenté par la personne à l'occasion de son activité professionnelle, de gestes barrières renforcés : hygiène des mains renforcée, port systématique d'un masque de type chirurgical lorsque la distanciation physique ne peut être respectée ou en milieu clos, avec changement de ce masque au moins toutes les quatre heures et avant ce délai s'il est mouillé ou humide ;
  • l'absence ou la limitation du partage du poste de travail ;
  • le nettoyage et la désinfection du poste de travail et des surfaces touchées par la personne au moins en début et en fin de poste, en particulier lorsque ce poste est partagé ;
  • une adaptation des horaires d'arrivée et de départ et des éventuels autres déplacements professionnels, compte tenu des moyens de transport utilisés par la personne, afin d'y éviter les heures d'affluence ;
  • la mise à disposition par l'employeur de masques de type chirurgical en nombre suffisant pour couvrir les trajets entre le domicile et le lieu de travail lorsque la personne recourt à des moyens de transport collectifs.
À l'instar des recommandations du HCSP, ces mesures restent marquées par l'état des connaissances tel qu'il était au printemps, avec l'absence de mention des mesures de type aération/filtration des lieux clos et une incertitude quant à la distance à respecter entre deux personnes partageant le même espace.

Des associations de patients alertent sur les conséquences de ce nouveau décret
Plusieurs associations de patients, dont celles précédemment mobilisées pour le recours devant le Conseil d'État, se sont indignées des conditions de publication de ce nouveau décret. En effet, le texte leur a été communiqué le 10 novembre, quelques heures avant sa publication au Journal officiel, rendant impossible toute concertation. Le 18 novembre, France Assos Santé (qui fédère des associations de patients) a publié une lettre ouverte au Premier Ministre listant des points d'alerte.
De plus, outre l'absence de l'insuffisance rénale de stade 4 et 5 parmi les critères médicaux, ces associations s'inquiètent, dans le contexte actuel de flambée de l'épidémie et de forte pression sur le système de santé (similaire à celui contemporain de la version du 5 mai de ce décret) :
  • de l'absence de mention des salariés partageant le domicile des patients ;
  • du fait que, selon le nouveau décret, le télétravail, bien que présenté comme l'alternative prioritaire par le HCSP, ne soit pas opposable à l'employeur. Si celui-ci réunit les mesures de sécurité renforcées, il peut exiger le retour en présentiel de son salarié même si le télétravail est possible ;
  • de l'absence de précision sur les modalités de recours des salariés vulnérables en cas de conflit avec leur employeur. De plus, en cas de conflit, la charge de la preuve de la mise en place des mesures de protection renforcées incombe au salarié vulnérable au lieu de l'employeur ;
  • de la nature incomplète des mesures de protection renforcées au vu des avancées de la science au sujet des modes de contamination et, en particulier, à la lumière des données épidémiologiques communiquées au Conseil d'État par le Gouvernement pour justifier la fermeture des petits commerces ;
  • de l'impossibilité pour les services de médecine du travail de s'assurer que tous les employeurs respectent les mesures de protection renforcées ;
  • de la nature discriminatoire de l'adaptation des horaires des travailleurs vulnérables pour qu'ils évitent les transports aux heures de pointe, ou de leur éviction des lieux collectifs (restaurants, lieux de pause) où les mesures de protection renforcées ne sont pas réunies pour les accueillir ;
  • du poids économique de l'hospitalisation des personnes vulnérables qui se seront contaminées sur leur lieu de travail ou dans les transports en commun pour s'y rendre, comparé au coût de les maintenir en télétravail ou en chômage partiel.

Les conditions financières du chômage partiel vont changer en 2021
De plus, les associations de patients rappellent que, à compter du 1er janvier 2021, les conditions financières du chômage partiel vont changer :
  • les salariés en chômage partiel ne toucheront plus que 60 % (70 % actuellement) de leur rémunération brute (100 % s'ils sont au Smic) ;
  • les employeurs pourront se faire rembourser 60 % de l'indemnité versée (contre 85 % actuellement). Soit un reste à charge de 40 % contre 15% actuellement.

L'employeur, avec à sa charge une part croissante du chômage partiel, sera donc fortement incité à encourager le retour en présentiel des salariés ne pouvant télétravailler. Les salariés pourront également être incités à travailler et se mettre en danger sanitaire pour ne pas se retrouver en danger financier.

En conséquence, certaines associations de patients, dont Renaloo (insuffisance rénale), la Ligue contre l'obésité et France Assos Santé ont fait part de leur intention de saisir le Conseil d'État en référé pour obtenir la suspension de ce nouveau décret, tant sur la liste des critères médicaux que sur les critères relatifs aux conditions de travail, considérant, par exemple, que le télétravail devrait être, comme recommandé par le HCSP, systématiquement envisagé pour les personnes à risque élevé de formes graves de COVID-19.

©vidal.fr

Pour aller plus loin

La loi du 25 avril 2020

Le décret du 5 mai 2020

Le décret du 29 août 2020

La décision du Conseil d'État du 15 octobre 2020

Le nouvel avis du Haut conseil de la santé publique, 29 octobre 2020

Sur la transmission par aérosol et l'importance de la ventilation des locaux
Scientific Brief: SARS-CoV-2 and Potential Airborne Transmission, Centers for Disease Control and Prevention, 5 octobre 2020

Heating, ventilation and air-conditioning systems in the context of COVID-19, European Center for Disease prevention and control, 10 novembre 2020

Sur la distance minimale à respecter dans le cadre des mesures barrières
Qureshi Z, Jones N, Temple R et al. What is the evidence to support the 2-metre social distancing rule to reduce COVID-19 transmission?, Centre for Evidence-Based Medicine, University of Oxford, 22 juin 2020

Le nouveau décret du 10 novembre 2020
Décret n° 2020-1365 du 10 novembre 2020 pris pour l'application de l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020

La lettre ouverte de France Assos Santé au Premier Ministre
Lettre ouverte au Premier ministre : France Assos Santé demande une protection juste et efficace de toutes les personnes à risque, France Assos Santé, 18 novembre 2020

Sur les modifications des conditions financières du chômage partiel en 2021
Décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 relatif à l'activité partielle et au dispositif d'activité partielle spécifique en cas de réduction d'activité durable

Nos articles sur le sujet
Risque de forme grave d'infection COVID-19 : quels salariés peuvent être placés en activité partielle ?, VIDAL News, 6 mai 2020
COVID-19 et activité partielle : restriction de la liste des critères de vulnérabilité, VIDAL News, 8 septembre 2020
Accès au chômage partiel des personnes vulnérables aux formes sévères de COVID-19 : le Conseil d'État suspend les critères du décret du 29 août 2020, VIDAL News, 20 octobre 2020
Sources

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