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Cannabis thérapeutique : publication du décret autorisant l’expérimentation sur la mise à disposition dans 5 indications

Le 7 octobre 2020, un décret a autorisé, selon les recommandations de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) du 11 juillet 2019, une expérimentation sur la mise à disposition de cannabis thérapeutique dans 5 indications : douleurs réfractaires aux thérapies, épilepsies sévères et pharmacorésistantes, soins de support en oncologie, spasticité douloureuse liée à la sclérose en plaques, et situations palliatives.

Cette expérimentation, qui doit commencer au plus tard le 31 mars 2021, concernera 3 000 patients et durera deux ans à compter de la prescription au premier patient. Le nombre de patients par indication sera défini par l’ANSM.

Les médecins et pharmaciens de ville pourront être impliqués dans cette expérimentation, en relais des médecins de référence dans ces pathologies, à condition d’avoir suivi une formation spécifique en ligne. Un registre de suivi devra obligatoirement être renseigné pour que la dispensation des produits soit faite en pharmacie.
Stéphane Korsia-Meffre 13 octobre 2020 Image d'une montre7 minutes icon 2 commentaires
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Le 7 octobre 2020, un décret a autorisé une expérimentation sur la mise à disposition de cannabis thérapeutique dans 5 indications.

Le 7 octobre 2020, un décret a autorisé une expérimentation sur la mise à disposition de cannabis thérapeutique dans 5 indications.


En France, le cannabis est considéré comme un stupéfiant dont la détention et l'usage sont interdits (loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970). Néanmoins, en 2013, un décret a modifié le Code de la santé publique pour permettre à des médicaments à base de cannabis et de ses dérivés d'être mis sur le marché (décret n° 2013-473 du 5 juin 2013 modifiant les dispositions de l'article R. 5132-86 du Code de la santé publique relatives à l'interdiction d'opérations portant sur le cannabis ou ses dérivés).

Aujourd'hui, deux spécialités à base de cannabis existent, mais peu ou pas utilisées
En France, deux spécialités à base de cannabis disposent aujourd'hui d'une AMM (autorisation de mise sur le marché) :
  • SATIVEX, qui mélange deux extraits de cannabis, a obtenu son AMM en janvier 2014 pour le traitement des symptômes liés à une spasticité modérée à sévère liée à la sclérose en plaques, en deuxième intention chez des patients adultes. Faute d'accord sur le prix entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et le laboratoire détenteur de ce produit, cette spécialité n'est actuellement pas commercialisée en France ;
  • le dronabinol (MARINOL) est accessible depuis 2003 dans le cadre d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) nominative pour trois indications : douleurs neuropathiques après échec de tous les traitements, nausées et vomissements dans le cadre de chimiothérapie anticancéreuse, et anorexie chez le patient VIH. Cet analogue synthétique d'un extrait du cannabis est peu utilisé (sur la période 2006-2013, 508 ATU nominatives ont été octroyées, dont 70 % contre des douleurs neuropathiques).

La création d'un Comité d'évaluation ad hoc au sein de l'ANSM
Parce que la question de l'usage du cannabis à des fins thérapeutiques se pose aux autorités de santé (22 pays de l'Union européenne l'autorisent à ce jour), l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a créé, en septembre 2018, un Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) dénommé « Évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France ». Dans ce contexte, par « cannabis thérapeutique », l'ANSM entend « la plante de cannabis à l'exclusion des spécialités pharmaceutiques disposant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) ». SATIVEX et MARINOL ne sont donc pas concernés.
Dans un premier temps, ce comité a évalué l'intérêt thérapeutique du cannabis dans le traitement de certaines pathologies ou certains symptômes de pathologies, analysé les expériences d'autres pays l'ayant déjà mis en place et fait un état des lieux de la réglementation nationale et internationale sur le sujet.

Les conclusions du comité ad hoc de l'ANSM
En décembre 2018, le CSST a rendu ses conclusions où il estime, « qu'il est pertinent d'autoriser l'usage du cannabis à visée thérapeutique pour les patients dans certaines situations cliniques et en cas de soulagement insuffisant ou d'une mauvaise tolérance des thérapeutiques, médicamenteuses ou non, accessibles (et notamment des spécialités à base de cannabis ou de cannabinoïdes disponibles) ».
Les indications thérapeutiques retenues par les experts pour l'usage de cannabis à des fins médicales sont les suivantes :
  • dans les douleurs réfractaires aux thérapies (médicamenteuses ou non) accessibles ;
  • dans certaines formes d'épilepsie sévères et pharmacorésistantes ;
  • dans le cadre des soins de support en oncologie ;
  • dans les situations palliatives ;
  • dans la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques.

Considérant les risques pour la santé, le CSST a exclu la voie d'administration fumée pour le cannabis à visée thérapeutique. Le comité a également souhaité qu'un suivi des patients traités soit mis en place sous forme d'un registre national pour assurer une évaluation de son bénéfice/risque, et qu'une évaluation des effets indésirables soit régulièrement faite par les réseaux de pharmacovigilance et d'addictovigilance.

Des conclusions acceptées par l'ANSM qui souhaite une expérimentation préalable
Fin décembre 2018, l'ANSM a souscrit aux premières conclusions du CSST et s'est donc prononcée favorablement sur l'utilisation du cannabis à visée thérapeutique dans certaines indications. De plus, dans un premier temps, elle a proposé que l'accès à cet usage fasse l'objet d'une expérimentation. Le CSST s'est donc réuni de nouveau pour étudier les modalités de l'expérimentation et auditionner les parties prenantes (représentants de professionnels de santé et des patients). Le 11 juillet 2019, l'ANSM a accepté les recommandations du CSST sur la phase expérimentale de mise à disposition du cannabis thérapeutique.
 
Le décret du 7 octobre 2020 autorise cette expérimentation
Selon le décret qui vient d'être publié au Journal officiel du 9 octobre 2020, cette expérimentation devra commencer au plus tard le 31 mars 2021. Elle concernera 3 000 patients et durera deux ans à compter de la prescription au premier patient. Le nombre de patients par indication sera défini par l'ANSM.
L'objectif principal de cette phase expérimentale est d'évaluer, en situation réelle, les recommandations du CSST en matière de conditions de prescription et de délivrance, et l'adhésion des professionnels de santé et des patients à ces conditions.
Pour ce faire, le CSST a recommandé de mettre à disposition :
  • des médicaments à base de fleurs séchées de cannabis et d'extraits à spectre complet ;
  • des formes à effet immédiat (sublinguales et inhalées à base d'huile et de fleurs séchées pour vaporisation) et des formes à effet prolongé (formes orales de type solution buvable ou capsules d'huile).
De plus, le CSST a recommandé la mise à disposition de 5 ratios Tétrahydrocannabinol (THC)/Cannabidiol (CBD) différents. De plus, l'adaptation posologique devra être faite par titration par le médecin jusqu'à obtention de la dose minimale efficace et/ou d'effets indésirables tolérables par le patient.

Qui pourra participer à cette expérimentation ?
Les médicaments utilisés pendant l'expérimentation feront l'objet d'une prescription initiale par des médecins volontaires et formés exerçant dans des structures de référence prenant en charge les 5 indications thérapeutiques ou situations cliniques réfractaires aux traitements accessibles et retenues pour l'expérimentation, jusqu'à stabilisation du patient.
Une fois le traitement stabilisé, le renouvellement de cette prescription pourra être effectué par tout médecin préalablement formé (cette formation, à définir, devrait se faire sur une plateforme d'e-learning). La déclinaison des objectifs pédagogiques et les modalités pratiques de la formation, ainsi que les conditions techniques à respecter pour l'organisme chargé d'élaborer et de dispenser cette formation, seront définies par arrêté du Ministre chargé de la santé pris après avis de l'ANSM.
Les médicaments utilisés dans le cadre de l'expérimentation seront dispensés par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé et les pharmacies d'officine volontaires pour participer à l'expérimentation (qui devront également être formées). Les médicaments utilisés par les patients inclus dans l'expérimentation sont fournis à titre gratuit par les entreprises participant à l'expérimentation.
Les patients inclus dans l'expérimentation sont informés sur les précautions particulières d'utilisation des médicaments à base de cannabis, les effets indésirables éventuels, les contre-indications et les effets sur la conduite de véhicules ou l'utilisation de certaines machines au moment de la prescription. Un document écrit rappelant ces informations, produit par l'ANSM, leur sera remis au moment de la prescription. Le suivi des patients sera obligatoirement renseigné dans un Registre national électronique de suivi mis en place par l'ANSM (effets indésirables et efficacité).
Pour les patients ayant un bénéfice/risque favorable, le maintien de l'accès aux médicaments utilisés sera assuré durant toute la phase expérimentale.

Un protocole mené sur deux années et évalué par un comité pluridisciplinaire
Le calendrier de mise en œuvre de la phase expérimentale comprendra 6 mois de mise en place, 6 mois d'inclusion des patients, 6 mois de suivi des patients avec remise d'un rapport intermédiaire et 6 mois d'analyse des données.
Cette évaluation sera menée par un comité scientifique pluridisciplinaire composé notamment de représentants des patients. Ce comité sera chargé de l'analyse des données du registre, du suivi régulier des données de sécurité et de la rédaction des rapports d'étude.
De plus, il travaillera à l'élaboration d'un cahier des charges pour les fournisseurs des médicaments utilisés pour l'expérimentation, l'élaboration des formations (modules prescripteurs, dispensateurs et patients), la définition du contenu du registre et la rédaction d'un guide de recommandations à destination des prescripteurs.

L'ANSM est désormais autorisée à finaliser les modalités techniques de mise en œuvre de l'expérimentation, avec les différents services de l'État concernés.

Edit du 19 octobre 2020 : Le 16 octobre, un arrêté a été publié qui fixe les spécifications des médicaments qui seront utilisés, ainsi qu'un copieux cahier des charges pour ces médicaments.
Edit du 28 octobre 2020 : Le 28 octobre, l'ANSM a publié la répartition du nombre de patients selon les indications retenues : 750 patients pour les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies, 750 pour la spasticité douloureuse liée à la SEP, 500 pour chacune des autres indications.

Pour aller plus loin

Le décret n° 2020-1230 du 7 octobre 2020 relatif à l'expérimentation de l'usage médical du cannabis

Les premières conclusions du CSST sur l'intérêt du cannabis thérapeutique, décembre 2018

Le projet d'expérimentation proposé par le CSST, juin 2019

L'annonce de l'ANSM s'engageant à mettre en place cette expérimentation, juillet 2019

Le calendrier de toutes les réunions du CSST (avec les captures en vidéo)

La synthèse des connaissances sur le cannabis thérapeutique, par le CSST, octobre 2018
Sources

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paty Il y a 3 ans 0 commentaire associé
Je prends de mon propre chef du CBD depuis Avril 2017 pour une maladie orpheline me créant des énormes douleurs mais surtout resistante à tous les traitements y compris les plus fort (morphine que j'ai pris sans aucun resultat) Merci le gouvernement de ne pas se préoccuper de la santé de son peuple mais de ne penser qu'au tiroir caisse (c'est vrai notre président est un banquier ceci explique cela) A bon entendeur : SALUT
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