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Atteinte multiviscérale et infection par le SARS-CoV-2 chez l’enfant : les différences avec la maladie de Kawasaki

Les premiers cas pédiatriques d'une maladie inflammatoire inhabituelle sont apparus dans les mois suivant le début de l'épidémie de COVID-19. Dans plusieurs pays, des cas de fièvre dans un contexte d'inflammation, parfois proches de la maladie de Kawasaki, ont en effet été rapportés.
Ces observations, en lien chronologique avec la COVID-19, ont fait l'objet de publications rapides.
Des différences cliniques, biologiques et ethniques ont été constatées entre ces syndromes d'atteinte multiviscérale liés à une infection par le SARS-CoV-2 et la maladie de Kawasaki.
Élisabeth LECA 09 juillet 2020 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Syndrome inflammatoire multisystémique de l'enfant : une entité particulière dans la COVID-19 (illustration).

Syndrome inflammatoire multisystémique de l'enfant : une entité particulière dans la COVID-19 (illustration).


Deux articles, l'un britannique (1) et l'autre américain (2), ont précisé les caractéristiques dans des séries d'enfants et d'adolescents, d'une atteinte multiviscérale, dénommée MIS-C (pour Multisystem Inflammatory Syndrome in Children) ou encore PIMS (pour Pediatric Inflammatory Multisystem Syndrome), associée à un syndrome d'infection respiratoire sévère liée au SARS-CoV-2. Il a ainsi pu être dégagé des différences entre le MIS-C et la maladie de Kawasaki (MK).

58 cas décrits dans une étude britannique
L'étude britannique (1) a décrit 58 cas de MIS-C, hospitalisés entre le 23 mars et le 16 mai 2020, qui ont été séparés, en fonction de l'évolution clinique, en 3 groupes :
  • le premier groupe était constitué de 23 enfants avec fièvre persistante et élévation des marqueurs d'inflammation sans défaillance d'organes ni atteinte cutanéo- muqueuse, suggérant une MK ou un choc toxique ;
  • le deuxième groupe, de 29 enfants, était caractérisé par un choc (dont 4 avec trouble du rythme cardiaque) associé à des marqueurs biochimiques en faveur d'une dysfonction myocardique - élévation de la troponine (66 %) et du NT-proBNP (100 %) - et une défaillance du cœur gauche à l'échographie (62 %) ;
  • le troisième groupe correspondait aux 7 enfants répondant à la définition de la MK.

Le diagnostic de MK a été retenu devant une fièvre persistante et la présence de 4 des 5 éléments suivants :
  1. érythème et fissures labiales, langue framboisée et/ou érythème oro-pharyngé ;
  2. conjonctivite bilatérale sans exsudat ;
  3. rash diffus ou maculo-papuleux ;
  4. érythème et œdème des mains et des pieds à la phase aiguë et/ou desquamation péri-unguéale à la phase subaiguë ;
  5. adénopathies cervicales > 1,5 cm de diamètre.

Ces jeunes patients ont été comparés à des enfants hospitalisés entre 2002 et 2019, au Royaume-Uni et en Europe, pour d'autres maladies inflammatoires pédiatriques. Ce groupe « témoin » comprenait 1 132 enfants, d'âge moyen 2,7 ans (1,4 - 4,7 ans), ayant eu une MK, de 45 patients ayant fait un choc associé à une MK (âge moyen 3,8 ans [0,2 -18 ans]) et de 37 enfants, d'âge moyen 7,4 ans [2,4 - 15,4 ans] ayant eu un Toxic Shock Syndrome.

Des enfants auparavant en bonne santé
Les 58 enfants ayant un MIS-C associé à un SARS-CoV-2 (âge médian : 9 ans ; sexe féminin : 34 % ; Noirs ou Asiatiques : 69 %) ont été hospitalisés pour une fièvre persistante et des marqueurs biologiques d'inflammation correspondant à la définition du MIS-C.
L'infection par SARS-CoV-2 a été documentée chez 45 patients (78 %), par un test RT-PCR (Reverse-Transcriptase Polymerase Chain Reaction) positif (26 %) et/ou des IgG contre le SARS-CoV-2 (87 %).
La plupart des enfants (n = 51) étaient auparavant en bonne santé, seulement 7 ayant des comorbidités.
Cliniquement, ils avaient de la fièvre (100 %) depuis 3 à 19 jours, plus ou moins associée à un mal de gorge (10 %), des céphalées (26 %), des douleurs abdominales (53 %), des vomissements (45 %), une diarrhée (52 %), un rash érythémateux (52 %), une atteinte conjonctivale (45 %), des adénopathies (16 %), des fissures labiales (29 %), et un gonflement des mains et des pieds (16 %).
Les marqueurs biologiques d'inflammation étaient très élevés comme la C-reactive protéine (CRP, médiane : 229 mg/L [156-338 mg/L]), les polynucléaires neutrophiles (13 X 109/L [10-19 /L]), et la ferritine (610 ?g/L [359 -1 280 ?g/L]). La troponine et le NT-proBNP étaient respectivement élevés chez 68 % et 83 % des patients.

Des dilatations ou anévrismes des coronaires ont été observés chez 8 enfants (14 %). Une hospitalisation en réanimation a été nécessaire chez 50 % des patients et 22 % ont eu une insuffisance rénale aiguë.
Les traitements administrés étaient des médicaments inotropes (47 %), des immunoglobulines (71 %), des corticostéroïdes (64 %). Par ailleurs, 3 enfants ont reçu de l'anakinra, 8 de l'infliximab et 22 % ont guéri avec seulement des soins de support. Une assistance ventilatoire a été nécessaire dans 43 % des cas.
Il n'a pas été mis en évidence de différence entre les caractéristiques cliniques et biologiques des enfants testés positifs et négatifs (PCR ou sérologie), ni entre ceux ayant été exposés ou non au SARS-CoV-2. La présence d'un choc était corrélée avec une élévation des marqueurs d'inflammation (CRP, neutrophiles, etc.) et des marqueurs cardiaques (troponine et NT-proBNP). Les données biologiques n'étaient pas différentes, ni entre les enfants ayant ou n'ayant pas eu une dilatation coronaire (ou un anévrysme), ni entre ceux ayant eu ou non un diagnostic clinique de MK.

Une comparaison avec d'autres maladies inflammatoires pédiatriques
La comparaison de ces MIS-C liés au SARS-CoV-2 avec d'autres maladies inflammatoires pédiatriques montre que les enfants présentant un MIS-C associé à un SARS-CoV-2 sont plus âgés (moyenne : 5,7 ans [3 mois -17 ans]) que ceux atteints de MK (moyenne : 2,7 ans [1,4 - 4,7 ans]) ou que les 45 cas de chocs associés à une MK (moyenne : 3,8 ans [0,2 - 18 ans]).
Ils avaient un taux de polynucléaires neutrophiles et de CRP plus élevés ; une lymphopénie et une anémie plus profondes ; leur taux de plaquettes était plus bas tandis que leur taux de fibrinogène et de troponine ont eu tendance à être plus élevés.
En revanche, les ALAT (alanine aminotransférases) et les D-dimères étaient similaires dans les MIS-C associés à un SARS-CoV-2 et les MK ou les chocs associés à une MK.

Des conséquences en termes de prise en charge
Par rapport aux cas de MK avec anévrysmes coronariens, ceux ayant eu un MIS-C et développé des anévrismes coronariens étaient plus âgés, avaient des manifestations inflammatoires plus intenses et des taux plus élevés de marqueurs d'atteinte cardiaque, suggérant deux entités différentes et peut-être des traitements différents. De plus, certains biomarqueurs (CRP, ferritine, troponine, NT-proBNP) pourraient être prédictifs de la progression de la maladie.
En revanche, la survenue d'anévrismes coronariens, n'apparaît pas associée à des particularités cliniques ou biologiques, ce qui suggère que l'atteinte coronarienne n'est pas seulement liée à un mécanisme inflammatoire : des anévrysmes coronariens ont notamment été observés dans les 3 tableaux de MIS-C associé au SARS-CoV-2.

Une étude américaine portant sur 186 enfants
L'étude américaine (2) de surveillance épidémiologique ciblée, financée par le Center of Disease Control (CDC) a inclus les PIMS observés aux États-Unis entre le 25 mars et le 20 mai 2020. Les cas ont été définis par 6 critères :
  1. maladie grave conduisant à l'hospitalisation ;
  2. âge < 21 ans ;
  3. fièvre depuis plus de 24 heures ;
  4. marqueurs biologiques d'inflammation ;
  5. atteinte multiviscérale ;
  6. syndrome d'infection respiratoire sévère liée au coronavirus 2 (SARS-CoV-2) dont témoignait, soit une RT-PCR positive, soit des anticorps ou un contact dans le mois précédent avec des personnes atteints du COVID-19.

Au total, 186 patients diagnostiqués MIS-C, issus de 26 états américains, ont été inclus, parmi lesquels 88 % ont été hospitalisés après le 16 avril 2020. L'âge médian des patients était de 8,3 ans, 38 % étaient des filles et 73 % étaient préalablement en bonne santé ; 70 % de ces enfants ont été testés positifs au SARS-CoV-2 en RT-PCR ou d'après le taux d'anticorps.

Une atteinte souvent multiviscérale
Les atteintes étaient digestives (92 %), cardiovasculaires (80 %), hématologiques (76 %), cutanéo-muqueuses (74 %) et respiratoires (70 %), et elles étaient souvent associées (? 4 systèmes ou organes : 71 %). Une atteinte cardiaque était présente chez 149 patients (80 %) avec nécessité de médicaments vaso-actifs chez 90 d'entre eux (48 %).
Chez la plupart des enfants (171 [92 %]), il y avait une augmentation d'au moins 4 des marqueurs biologiques d'inflammation. Les marqueurs d'atteinte myocardique étaient élevés, qu'il s'agisse du peptide natriurétique de type B (BNP) chez 94 (73 %) ou de la troponine chez 77 (50 %) de ces patients. Des anévrismes des artères coronaires (Z scores > ou = à 2,5) ont été observés à l'échographie chez 8 % des enfants dans l'artère gauche, et chez 9 % dans l'artère droite. Une insuffisance respiratoire était présente chez 109 (59 %) des patients, parmi lesquels 78 % n'avaient aucune pathologie respiratoire sous-jacente.
Des soins intensifs ont été nécessaires chez 148 patients (80 %), en particulier une ventilation mécanique (20 %), des médicaments vaso-actifs (48 %). Le traitement par immunoglobulines IV a été plus souvent prescrit (77 %) que les glucocorticoïdes (49 %), les inhibiteurs de l'IL-6 (tocilizumab, 8 %) et de l'IL-1 (anakinra, 3 %). La durée médiane d'hospitalisation a été de 7 jours. Le 20 mai 2020, 130 patients (70 %) étaient guéris, 52 (28 %) étaient toujours hospitalisés et 4 patients (2 %) étaient décédés.
Parmi les 186 cas de PIMS, 74 patients (40 %) ont eu un tableau compatible avec une MK : 38 avec 4 ou 5 signes compatibles et 36 avec 2 ou 3 de ces signes, plus des marqueurs biologiques et échographiques. Ces formes se distinguaient des autres types de MIS-C par leur âge plus jeune (similaire à celui de la MK hors COVID-19), des marqueurs d'inflammation plus élevés, des lésions du myocarde plus fréquentes et la nécessité d'un traitement par immunoglobulines IV (100 % versus 63 %).

Des différences cliniques et biologiques
Les limites de ces deux études sont nombreuses : caractère rétrospectif, variabilité des données de séroprévalence selon les pays, évolution de la prise en charge au cours de l'épidémie, prise en charge non standardisée, ni entre les pays ni entre les hôpitaux, difficulté de comparer les MIS-C associées à un SARS-CoV-2 aux MK d'avant la COVID-19 en l'absence de test diagnostique de MK.
Néanmoins, dans ces deux études, la comparaison MK et MIS-C associée à un SARS-CoV-2, avec ou sans choc, évoque une différence entre ces entités. Ainsi, dans le MIS-C, l'âge et les marqueurs de l'inflammation sont plus élevés et le spectre d'expression plus large, tant dans la symptomatologie que dans sa sévérité, pouvant aller d'une fièvre avec syndrome inflammatoire à une atteinte myocardique et des dilatations/anévrismes des coronaires.
De plus, l'identification de 3 tableaux, proposés en particulier dans l'étude britannique, concernant les enfants hospitalisés pour MIS-C associé à un SARS-CoV-2 (fièvre persistante + marqueurs d'inflammation n'évoquant ni une MK ni un choc toxique ; choc avec atteinte myocardique ; MK) est intéressante.
Dans ces 3 tableaux, la présence d'anévrysmes coronariens sans marqueurs prédictifs de survenue a des implications, en termes de prise en charge et d'investigations cardiaques. Ainsi, comme dans la MK, les enfants ayant un MIS-C associé à un SARS-CoV-2 devraient bénéficier d'échographies coronaires pour dépister et suivre l'évolution d'éventuels anévrismes et de mesures de NT-proBNP et troponine pour dépister et suivre une éventuelle atteinte myocardique par échographie, y compris pendant la convalescence .
Il faut aussi souligner que le MIS-C se distingue de la maladie de Kawasaki, par l'âge plus avancé des enfants, une inflammation plus marquée et des lésions du myocarde, mais aussi par une prédominance ethnique différente des enfants (plus grande fréquence chez les sujets noirs).
Aucune de ces études n'a cependant permis d'évaluer l'intérêt de traitements utilisés, soit en curatif, soit en prévention des anévrismes coronariens ou de progression vers une forme sévère. Cependant, compte tenu des taux très élevés d'IL-6 impliqués dans la dépression myocardique, les résultats d'évaluation (en termes d'inflammation et d'apparition d'anévrysmes des coronaires) des médicaments ciblant l'inflammation, dont les anti-IL-6, sont attendus avec intérêt.

©vidal.fr

Pour en savoir plus
  1. Whittaker E et al. for the PIMS-TS Study Group and EUCLIDS and PERFORM Consortia. Clinical Characteristics of 58 Children With a Pediatric Inflammatory Multisystem Syndrome Temporally Associated With SARS-CoV-2. JAMA 2020 Jun 8 ; e2010369. 
  2. Feldstein LR et al. for the Overcoming COVID-19 Investigators and the CDC COVID-19 Response Team. Multisystem Inflammatory Syndrome in U.S. Children and Adolescents. New Engl J Med 2020 Jun 29 and updated on July 2, 2020. 

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