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ANDROCUR, CLIMENE, DIANE et génériques : nouvelles recommandations européennes vis-à-vis du risque de méningiome (EDIT du 28 avril 2020)

Saisie par l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) suite à l'identification d'un risque de méningiome chez les patientes traitées par acétate de cyprotérone, l'Agence européenne du médicament (EMA) a initié une réévaluation du rapport bénéfice/risque de ces médicaments en juillet 2019.

Après plus de 7 mois de travail, le PRAC (comité de l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance) vient de finaliser ses recommandations relatives à l'utilisation de ce progestatif anti-androgène et anti-gonadotrope aux indications multiples :
  • restriction des indications des spécialités contenant 10 mg ou plus de cyprotérone, dans les indications autres que le cancer de la prostate : l'utilisation de ces spécialités doit être limitée au traitement de seconde intention, c'est-à-dire après échec des alternatives. En France, cela concerne les spécialités de cyprotérone à 50 mg (ANDROCUR et génériques), dans le traitement des hirsutismes sévères. Pour le traitement de réduction des pulsions sexuelles, le recours aux spécialités de cyprotérone (seul le dosage à 100 mg dispose de cette indication) ne doit être envisagé qu'en l'absence d'alternatives appropriées. L’indication de l’acétate de cyprotérone 50 mg et 100 mg dans le cancer de la prostate est inchangée ;
  • contre-indication, par mesure de précaution, des médicaments contenant des dosages faibles d’acétate de cyprotérone (moins de 10 mg) chez les patientes ayant ou ayant eu un méningiome : en France, cela concerne l'association éthinylestradiol/acétate de cyprotérone (DIANE 35 et ses génériques, qui contiennent 2 mg de cyprotérone) et l'association estradiol/acétate de cyprotérone (CLIMENE, qui contient 1 mg de cyprotérone dans les comprimés roses).
Ces recommandations doivent maintenant être approuvées par le Conseil européen. Une décision finale est attendue en mars 2020. 
EDIT du 28 avril 2020 : en accord avec l'ANSM, les laboratoires ont adressé fin avril 2020 une lettre aux professionnels de santé précisant les restrictions d'utilisation de l'acétate de cyprotérone liées au risque de méningiome /FIN EDIT. 

Les mesures mises en place en France pour encadrer le risque de méningiome et informer les patientes exposées restent en vigueur. 

 
David Paitraud 24 février 2020 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Radiographie du crâne montrant un méningiome (illustration @Hellerhoff sur Wikimedia).

Radiographie du crâne montrant un méningiome (illustration @Hellerhoff sur Wikimedia).


Initiée en juillet 2019, la réévaluation de l'acétate de cyprotérone et de son profil de sécurité par le PRAC (Comité de l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance) a été demandée par la France, suite à l'identification d'un risque de méningiome associé à ce progestatif anti-androgénique et anti-gonadotrope. 

Les conclusions européennes s'appuient notamment sur les données françaises à l'origine du signal de sécurité. En effet, l'étude pharmaco-épidémiologique réalisée par l'Assurance maladie et le Groupement d'intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE en coopération avec le service de neurochirurgie de l'hôpital Lariboisière (Étude de cohorte réalisée à partir des données du SNDS - système national des données de santé) a permis de préciser en vie réelle la relation entre la prise d'acétate de cyprotérone et la survenue de méningiome.

Selon cette étude, la survenue de méningiome est un effet indésirable rare, avec une fréquence de l'ordre de 1 à 10 cas pour 10 000 patients. Cependant, cette fréquence augmente avec la dose et la durée de traitement (notre article du 26 juin 2019) :
  • risque multiplié par 7 au-delà de 6 mois d'utilisation d'une dose moyenne supérieure ou égale à 25 mg par jour,
  • risque multiplié par 20 au-delà d'une dose cumulée de 60 g, soit environ 5 ans de traitement à 50 mg par jour ou 10 ans à 25 mg par jour.  

L'une des recommandations du PRAC est de mentionner les principaux résultats de l'étude épidémiologique française dans le résumé des caractéristiques du produit de tous les produits contenant de l'acétate de cyprotérone, quel que soit le dosage.

Utiliser l'acétate de cyprotérone lorsque les alternatives thérapeutiques ont échoué, excepté dans le cancer de la prostate
Dans toutes
les indications autres que le cancer de la prostate, le PRAC recommande de restreindre les indications des spécialités contenant 10 mg ou plus de cyprotérone. Plus précisément, l'utilisation de ces spécialités doit être limitée au traitement de seconde intention, c'est-à-dire après échec des alternatives.

En France, cette restriction d'indication s'applique :
  • aux spécialités de cyprotérone à 50 mg (ANDROCUR et génériques), dans le traitement des hirsutismes sévères après échec des alternatives ;
  • aux spécialités de cyprotérone à 100 mg, pour le traitement de réduction des pulsions sexuelles,  en l'absence d'alternatives appropriées.
En complément de cette restriction d'indication, le PRAC recommande de toujours rechercher les doses efficaces les plus faibles possibles.

L'indication de l'acétate de cyprotérone 50 mg et 100 mg dans le cancer de la prostate est inchangée (cf. VIDAL Reco "Cancer de la prostate"). 

Pour les dosages faibles, application du principe de précaution
La deuxième recommandation s'applique aux dosages les plus faibles d'acétate de cyprotérone (1 ou 2 mg par prise).
Comme pour les spécialités fortement dosées en acétate de cyprotérone, le PRAC recommande de contre-indiquer les médicaments contenant des dosages inférieurs à 10 mg d'acétate de cyprotérone chez les patientes ayant ou ayant eu un méningiome.

En France, cela concerne :
  • l'association éthinylestradiol/acétate de cyprotérone : DIANE 35 et ses génériques, qui contient 2 mg de cyprotérone ;
  • l'association estradiol/acétate de cyprotérone : CLIMENE, qui contient 1 mg de cyprotérone dans les comprimés roses.
Il s'agit d'une mesure de précaution ; on ne dispose pas de données indiquant un risque de méningiome associé aux spécialités contenant 1 ou 2 mg de cyprotérone. 

Une décision finale par la Commission européenne pour le mois de mars
Selon la procédure habituelle, les recommandations du PRAC doivent maintenant être approuvées par le groupe de coordination des procédures de reconnaissance mutuelle et décentralisée (CMDh), au niveau du Conseil de l'Europe. La décision finale est attendue pour le mois de mars 2020. 

À l'issue de la procédure européenne, l'ANSM prévoit d'adresser un courrier aux professionnels de santé afin qu'ils aient connaissance des recommandations et en informent leurs patients.

EDIT du 28 avril 2020 : un courrier précisant les restrictions d'utilisation de l'acétate de cyprotérone (ACP) liées au risque de méningiome a été adressé comme prévu aux professionnels de santé. Les éléments suivants sont décrits : 
  • contre-indication chez les patients présentant un méningiome ou un antécédent de méningiome ;
  • surveillance des patients sous ACP pour le suivi et la détection de méningiomes conformément à la pratique clinique ;
  • si un méningiome est diagnostiqué chez un patient traité avec de l'ACP, arrêt définitif du traitement ;
  • pour les hirsutismes féminins majeurs d'origine non tumorale (idiopathique, syndrome des ovaires polykystiques), lorsqu'ils retentissent gravement sur la vie psycho-affective et sociale, l'ACP à 50 mg est indiqué lorsque l'utilisation de médicaments à base d'ACP à plus faible dose ou d'autres options de traitement n'a pas permis d'obtenir des résultats satisfaisants ;
  • pour la réduction des pulsions sexuelles dans les paraphilies en association à une prise en charge psychothérapeutique, l'ACP à 100 mg peut être utilisé lorsque les autres traitements sont jugés inappropriés ;
  • l'utilisation de l'ACP pour l'indication suivante reste inchangée : traitement palliatif anti-androgénique du cancer de la prostate.
/FIN EDIT

Les mesures françaises restent en vigueur
Ces recommandations européennes s'ajoutent aux mesures de réduction du risque de méningiome mises en place en France, en juillet 2019, puis en janvier 2020 : 

La France demande également de réaliser une surveillance radiologique afin d'écarter ou d'identifier rapidement un risque de méningiome, pour tous les patients sous acétate de cyprotérone : 
  • imagerie cérébrale par IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) en début de traitement ;
  • en cas de poursuite de traitement, nouvelle IRM à 5 ans, puis tous les 2 ans si l'IRM à 5 ans est normale.

Bon usage de l'acétate de cyprotérone
D'une manière générale, l'ANSM rappelle les recommandations de bon usage de l'acétate de cyprotérone (cf. Encadré 1) :
  • Proscrire les indications hors AMM telles que l'acné, la séborrhée et l'hirsutisme modéré (seul l'hirsutisme sévère entre dans le périmètre de l'indication).
  • Éviter l'utilisation de l'acétate de cyprotérone chez l'enfant et la femme ménopausée.
  • Réévaluer annuellement la prescription (indication et posologie) en tenant compte du rapport bénéfice / risque individuel et de l'évolution des symptômes.
  • Rechercher la posologie minimale efficace permettant de contrôler les symptômes.
  • Proscrire les utilisations prolongées et à fortes doses (effet dose cumulée avec risque multiplié par 7 pour l'ensemble des patientes traitées pour une durée de plus de 6 mois et risque multiplié par 20 au-delà de 5 ans de traitement à posologie de 50 mg/j sur un cycle).

Encadré 1 - Indications thérapeutiques de l'acétate de cyprotérone en France
ANDROCUR 50 mg et génériques
  • Hirsutismes féminins majeurs d'origine non tumorale (idiopathique, syndrome des ovaires polykystiques) lorsqu'ils retentissent gravement sur la vie psycho-affective et sociale.
  • Traitement palliatif antiandrogénique du cancer de la prostate (cf. VIDAL Reco "Cancer de la prostate").

ANDROCUR 100 mg (non commercialisé) et génériques
  • Traitement palliatif anti-androgénique du cancer de la prostate.
  • Réduction des pulsions sexuelles dans les paraphilies en association à une prise en charge psychothérapeutique.

DIANE 35 µg et génériques
  • Traitement de l'acné modérée à sévère liée à une sensibilité aux androgènes (associée ou non à une séborrhée) et/ou de l'hirsutisme, chez les femmes en âge de procréer (cf. VIDAL Reco "Acné").
  • Pour le traitement de l'acné, Diane 35 µg, comprimé enrobé doit être utilisé uniquement après échec d'un traitement topique ou de traitements antibiotiques systémiques.

CLIMENE
  • Traitement hormonal substitutif (THS) des symptômes de déficit en estrogènes chez les femmes ménopausées (cf. VIDAL Reco "Ménopause : traitement hormonal").
  • Prévention de l'ostéoporose post-ménopausique chez les femmes ayant un risque accru de fracture ostéoporotique et présentant une intolérance ou une contre-indication aux autres traitements indiqués dans la prévention de l'ostéoporose (cf. VIDAL Reco "Ostéoporose").

Pour aller plus loin
Acétate de cyprotérone : l'Agence européenne des médicaments finalise l'évaluation sur le risque de méningiomes initiée par la France - Point d'Information (ANSM, 14 février 2020)
Restrictions in use of cyproterone due to meningioma risk  (EMA, 14 février 2020)
ANDROCUR et génériques (cyprotérone) : recommandations de l'ANSM concernant le risque de méningiome (9 octobre 2018)
ANDROCUR et génériques (cyprotérone) : point d'information de l'ANSM sur le risque de méningiome (4 septembre 2018)

EDIT du 28 avril 2020
Restrictions de l'utilisation de l'acétate de cyprotérone liées au risque de méningiome (ANSM, 27 avril 2020)
Lettre relative aux restrictions de l'utilisation de l'acétate de cyprotérone, adressée aux professionnels de santé (sur le site de l'ANSM, 16 avril 2020)
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Sur VIDAL.fr
ANDROCUR et génériques : les résultats d'une seconde enquête sur le risque de méningiome (26 juin 2019)
ANDROCUR et génériques (acétate de cyprotérone) : dispositif renforcé pour prévenir le risque de méningiome (13 juin 2019)

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