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Répercussions psychologiques des fausses-couches : un mal silencieux

S’il apparaît évident que les fausses-couches peuvent avoir des conséquences psychologiques, ces répercussions sont encore mal connues : quels types de symptômes sont constatés ? quelle est leur fréquence ? combien de temps durent-ils ? Existe-t-il des facteurs favorisants ? Autant de questions auxquelles répond une étude prospective publiée récemment.   
Patricia Thelliez 29 janvier 2020 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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Une détresse qui dure (illustration).

Une détresse qui dure (illustration).


Les fausses-couches concernent environ 12 % des femmes enceintes, et ce pourcentage augmente avec l'âge : leur prévalence atteint 25 % à l'âge de 39 ans.
Si fréquents soient ces avortements spontanés, leurs répercussions psychiques sont encore mal appréhendées. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à cela : les patientes les cachent souvent à leur entourage pour protéger leur vie privée, les manifestations cliniques ne sont pas visibles, l'importance du traumatisme est souvent minimisée, etc.
Certaines publications ont cependant rapporté l'impact psychologique immédiat des fausses-couches avec un taux élevé d'anxiété et dépression ; pour beaucoup de femmes, une perte fœtale précoce est l'événement le plus traumatisant de leur vie.

La plus grande étude publiée sur ce thème
Après une étude pilote publiée en 2016, J. Farren et coll. viennent de rapporter dans l'American Journal of Obstetrics and Gynecology les résultats d'une étude de cohorte, multicentrique et prospective. Un premier objectif a été de comparer, à un mois, la prévalence de ces troubles avec celle d'un groupe témoin de femmes ayant accouché d'un enfant viable.
Les auteurs ont aussi voulu estimer la proportion de patientes ayant réuni les critères de syndrome de stress post-traumatique (PTSD pour Post-Traumatic Stress Disorder), d'anxiété ou de dépression, un, trois et neuf mois après une fausse-couche ou une grossesse ectopique précoce.
Le troisième objectif a été de comparer les résultats obtenus après fausse-couche à ceux succédant à une grossesse ectopique.
Les participantes ont été contactées par mail et devaient remplir des questionnaires dédiés : la Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) et la Posttraumatic Stress Diagnostic Scale (PDS).
Au total, 737 patientes ayant fait un avortement spontané précoce (537 fausses-couches et 116 grossesses ectopiques) et 171 femmes ayant conduit leur grossesse à son terme (groupe témoin) ont participé à l'enquête. Du fait de sorties d'études, ces chiffres ont cependant varié au fil du temps.     
 
Une fréquence élevée de syndrome de stress post-traumatique, d'anxiété et de dépression
À un mois, les critères de stress post-traumatique ont été réunis pour 29 % des patientes (139/487) ayant eu une grossesse écourtée précocement ; 24 % (119/492) ont rapporté une anxiété modérée à sévère et 11 % (53 sur 492) une dépression modérée à sévère.
Par contraste, chez les femmes ayant poursuivi normalement leur grossesse, le taux d'anxiété modérée à sévère était de 13 % (11/87) et de dépression modérée à sévère de 2 % (2/87).
Les odds ratios ajustés sur diverses variables (âge maternel, fécondation in vitro, naissances précédentes, antécédents de fausse-couche précoce) étaient, chez les patientes ayant eu une perte fœtale, de 2,14 pour l'anxiété et de 3,88 pour la dépression.

Une souffrance toujours présente après 9 mois
Au fil du temps, les trois types de symptômes ont persisté tout en diminuant chez les patientes ayant eu une perte fœtale précoce. Ainsi, à trois mois, 21 % (86/418) avaient un PTSD, 23 % (96/426) une anxiété modérée à sévère et 8 % (32/426) une dépression modérée à sévère. À neuf mois, 18 % (59/336) réunissaient les critères de PTSD, 17 % (58/338) ceux d'anxiété modérée à sévère et 6 % (21/338) de dépression modérée à sévère.
Quant aux différences entre les conséquences d'une fausse-couche et d'une grossesse ectopique, elles ont été plus difficiles à mettre en évidence. En ce qui concerne plus spécifiquement les fausses-couches, les pourcentages, à neuf mois, étaient de 16 % pour le PTSD, de 17 % pour l'anxiété et de 5 % pour la dépression.

Un repérage précoce et une prise en charge adaptée
Cette étude confirme donc la fréquence élevée des troubles psychiques survenant après un avortement spontané, qu'il s'agisse d'anxiété, de symptômes dépressifs et, tout particulièrement, de stress post-traumatique. De plus, si les chiffres diminuent avec le temps, ils restent toujours élevés neuf mois après.
Pour les auteurs, ce constat doit conduire à envisager systématiquement la survenue possible de troubles psychiques après une fausse-couche. Leur repérage permettrait alors de mettre en place un traitement adapté. La fréquence particulière du PTSD est aussi à souligner, en raison de ses multiples conséquences : impact sur la qualité de vie, les relations sociales, la capacité au travail, le risque suicidaire, les grossesses ultérieures. En outre, ce syndrome nécessite une approche thérapeutique très spécifique.  

Pour en savoir plus
- Delabaere A et coll. Epidemiology of loss pregnancy. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2014 ; 43 : 764-775.
- Farren J et coll. Post-traumatic stress, anxiety and depression following miscarriage or ectopic pregnancy : a prospective cohort study. BMJ Open 2016 ; 6 : e011864.
- Farren J et coll. Post-traumatic stress, anxiety and depression following miscarriage and ectopic pregnancy: a multicenter, prospective cohort study. Am J Obstet Gynecol 2019. Publication avancée en ligne le 13 décembre 2019. doi: 10.1016/j.ajog.2019.10.102
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2014-11/outil__echelle_had.pdf  
Sources

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