
Les régimes trop restrictifs ne sont ni agréables, ni efficaces à moyen et long terme (illustration).
VIDAL : Avez-vous analysé l'impact des régimes alimentaires populaires, "à la mode" ?
Serge Hercberg : Nous nous sommes beaucoup intéressés dans NutriNet aux régimes alimentaires en raison de la forte demande sociale. Les professionnels de santé sont d'ailleurs souvent interpellés par des patients qui veulent maigrir, qui veulent suivre des régimes mais qui sont souvent victimes d'un environnement extrêmement fort qui les pousse à suivre le régime miracle du docteur untel, du professeur Tartenpion, de tel coach ou de telle méthode. Ces méthodes passent par la soupe aux choux, le détox, le citron, ananas, etc. Il y a un bruit ambiant extrêmement fort et beaucoup de personnes dont victimes de cette poussée marketing très forte. Nous nous sommes donc intéressés à ces régimes en utilisant l'étude de cohorte NutriNet Santé (voir cette vidéo) qui portent sur plusieurs dizaines de milliers de personnes. Nous avons recherché quelle était l'efficacité à court, moyen et à long terme de ces régimes en posant des questions sur le type de régime, le suivi et l'évolution du poids.
Tous ces régimes "markétés" du docteur ou du professeur untel, ou méthodes très spécifiques, très restrictives, ont toutes montré qu'en effet, il y avait une perte de poids immédiate, extrêmement spectaculaire mais la pratique de ces régimes ou méthodes s'accompagne également, à plus long terme, d'une reprise de poids bien plus importante que le poids perdu.
VIDAL : D'autres régimes ont-ils été plus efficaces pour les participants à NutriNet ?
Serge Hercberg : Nous avons bien montré l'échec de toutes ces méthodes, tous ces régimes restrictifs quels qu'ils soient. Par contre, nous avons observé que lorsque les sujets suivaient les conseils de bon sens que pouvaient leur donner des professionnels de santé, comme les recommandations du PNNS (manger cinq fruits et légumes par jour, des féculents à chaque repas, faire de l'activité physique), la perte de poids avait certes été plus faible au départ, mais elle s'était stabilisée et ces conseils s'avèrent donc beaucoup plus efficace. Donc nous voyons très clairement, et nous avons publié ces résultats, qu'en ayant des conseils de bon sens, ce que font les professionnels de santé, en adaptant à chaque individu, il y avait la possibilité de répondre à la demande des patients et d'éviter qu'ils ne se précipitent dans les bras de ces régimes miracles, qui sont non seulement inefficaces mais, en fait, dangereux à terme.
VIDAL : Comment diminuer ce recours à des méthodes, des régimes "miracles" délétères ?
Serge Hercberg : Notre société, qui défend un idéal de la minceur au travers des médias, du monde de la mode et du cinéma, a un effet extrêmement délétère, puisque cela va inciter un certain nombre de personnes à se tourner vers des régimes "miracles" pour tendre vers cette image qui est de toute façon inatteignable. Pour contrer cet effet sociétal, il faut d'abord influer au niveau individuel, en évitant que les personnes se précipitent sur des produits de marketing qui vont être extrêmement malheureux, livres, régimes, systèmes etc. Et d'un autre côté, il faut que l'on ait une réflexion sur l'image du corps dans notre société et c'est pour cela qu'il faut aujourd'hui proposer des mesures qui posent le débat sociétal, comme l'interdiction des mannequins ayant un indice de masse corporelle trop faible dans les défilés de prêt-à-porter ou de haute couture.
Il faut peut-être également poser le problème de l'interdiction des retouches photos dans les magazines : plus de 30 % des photos des mannequins, qui sont déjà extrêmement minces, sont retouchées pour donner une sensation de maigreur encore plus importante. Il faut également que l'on réfléchisse à la stigmatisation des obèses dans notre société et disposer des moyens judiciaires, juridiques et administratifs pour la contrer.
En savoir plus :
Régimes amaigrissants : Acceptabilité et perception de l'efficacité (fichier PDF), NutriNet Santé, mai 2012
Propositions pour un nouvel élan de la politique nutritionnelle française de santé publique dans le cadre de la Stratégie nationale de santé - 1ère partie : mesures concernant la prévention nutritionnelle, Serge Hercberg, janvier 2014
Sur VIDAL.fr :
Etude (Inserm NutriNet Santé) : le suivi étroit des recommandations nutritionnelles du PNNS diminuerait le risque cardiovasculaire (novembre 2013)
Sources
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