
Représentation de la structure en 3D de deux "nouvelles statines", l'atorvastaine (à gauche) et la rosuvastatine (à droite).
VIDAL : Existe-t-ils des arguments pour prescrire préférentiellement les dernières statines ?
Jacques Blacher : Les nouveaux hypocholestérolémiants ont une efficacité hypocholestérolémiante plus forte que les anciens hypocholestérolémiants.
Cela veut dire que, si je prescris 20 mg de rosuvastatine à mon patient, je vais baisser son LDL-cholestérol de 55 à 60 % et, si je lui prescris 20 mg de simvastatine, je vais baisser son LDL-cholestérol de 30 % et, si je considère que le bénéfice est lié à la quantité de baisse du cholestérol, je vais considérer que j'ai plus intérêt à lui prescrire de fortes doses d'une nouvelle statine que de lui prescrire des faibles doses d'une « vieille » statine puisqu'il y aura quasiment deux fois plus d'efficacité sur la baisse du cholestérol.
Est-ce qu'il y aura deux fois plus d'efficacité sur la réduction des événements cardiaques ou cérébrovasculaires ? Encore une fois, ce n'est pas prouvé.
VIDAL : Qu'en est-il de la rosuvastatine ?
Jacques Blacher : Les médecins français ont été assez sensibles à l'argument de quantité d'effets puisqu'il y a aujourd'hui à peu près 30 % des prescritions de statine en France qui sont faites au bénéfice de la rosuvastatine.
Dans d'autres pays européens, la rosuvastatine, c'est 5, 10, 15 % des parts de marché.
Est-ce parce que les médecins français sont plus sensibles à la communication marketing des laboratoires industriels ? Je ne sais pas.
Est-ce parce qu'ils sont plus intéressés par la littérature médicale et qu'ils savent bien que le bénéfice cardiovasculaire est quantitativement lié à la baisse du cholestérol et donc qu'ils veulent rendre le meilleur bénéfice à leurs patients ? C'est possible aussi.
Il faut savoir qu'en France, on prescrit beaucoup de rosuvastatine mais je ne sais pas vraiment si c'est justifié et je ne sais pas non plus si tous les patients qui ont une nouvelle statine à forte dose justifient de cette prescription.
VIDAL : Que disent les recommandations américaines ?
Jacques Blacher : Il y a eu des recommandations nord-américaines qui ont vraiment jeté un pavé dans la mare pour la prescription des hypocholestérolémiants, parce qu'ils présentent les statines non plus comme des médicaments qui font baisser le cholestérol, mais comme des médicaments qui réduisent le risque cardio-vasculaire : pour justifier une prescription d'une nouvelle statine, on ne parle donc même plus de cholestérol.
Ils proposent donc deux types de prescription : la "statine faible dose" et la "statine forte dose". Et dans les "statines forte dose", il y a la rosuvastatine à 20 mg et l'atorvastatine à 80 mg.
Et ce qui justifie, encore une fois, la prescription "faible dose", donc "faible effet" versus "forte dose", donc "fort effet" sur le cholestérol, c'est le niveau de risque cardiovasculaire global.
Si ton niveau de risque cardiovasculaire est élevé, tu justifies la prescription d'atorvastatine à forte dose.
VIDAL : Quelle est la position de la France ?
Jacques Blacher : Les Français n'en sont pas là aujourd'hui et clairement, il n'y a pas de recommandation qui privilégie l'emploi d'une statine par rapport à une autre.
Et encore une fois, les recommandations médico-économiques de la Haute Autorité de Santé expliquaient que la rosuvastatine n'était pas plus coût/efficace que les autres, elle était même moins coût/efficace que les autres, et donc sa prescription était moins efficiente que celle de la simvastatine ou d'autres anciennes statines.
Propos recueillis le 3 octobre à l'hôpital Hôtel Dieu (Paris).
* Déclaration d'intérêts du Pr Jacques Blacher (octobre 2014)
* Les liens d'intérêt du Pr Jacques Blacher sont accessibles sur le site dédié du Conseil de l'Ordre des Médecins.
Pour aller plus loin :
Efficacité et efficience des hypolipémiants. Une analyse centrée sur les statines. HAS, Juillet 2010. Mise à jour Septembre 2010
Sources
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