#Santé publique

Fin de vie : la justice et le Conseil d'Etat se prononcent sur deux affaires complexes

Un patient plongé depuis 6 ans dans un coma profond, doit-il toujours recevoir des soins alors qu’il a déclaré, avant son accident, ne pas vouloir être maintenu artificiellement en vie s’il se trouvait dans un état de grande dépendance ? "Non", selon ses médecins et le Conseil d’Etat, mais "oui", selon une partie de sa famille.

Un médecin urgentiste peut-il administrer un médicament mortel à un patient en fin de vie, souffrant de manière extrême, sans son consentement ni celui de ses proches ? "Non", selon le Conseil National de l’Ordre des Médecins saisi de cette affaire, mais "Oui", selon le tribunal qui vient de l'acquitter. 

Deux affaires délicates, très médiatisées et suscitant de multiples questions et réactions, alors qu'une éventuelle évolution de la loi sur la fin de vie, dite loi Leonetti, est toujours envisagée par le gouvernement.
25 juin 2014 22 août 2016 Image d'une montre5 minutes icon 8 commentaires
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L'"affaire Vincent Lambert" : arrêt des soins demandé par le Conseil d'Etat, mais l'Europe s'en mêle à la demande de la famille
Vincent Lambert, 37 ans, est tétraplégique et dans le coma depuis un accident de la circulation survenu en 2008. Malgré les stimulations diverses, rééducation, présence de l'entourage, etc., Vincent Lambert ne montre pas de réaction significative, "consciente" disons, face aux différents stimuli et lors des examens (électroencéphalogramme, IRM fonctionnelle, etc.). Comme d'autres patients dans cet état, il existe toujours un doute, même si le temps passant, ce doute s'amenuise : est-il conscient, même s'il est impossible de le détecter ? Son état est-il susceptible de s'améliorer un jour ?

Dans le doute, le corps médical s'adapte, en s'appuyant sur la loi Leonetti : si le patient a clairement refusé un "maintien en vie" conditionné par un "acharnement thérapeutique",  ce qui est le cas de Vincent Lambert (instructions orales et non écrites), il n'y aura pas d'efforts démesurés mis en œuvre pour le maintenir en vie à tout prix. A l'inverse, s'il n'a rien exprimé et que ses proches, entourage, personne de confiance veulent à tout prix un maintien en vie, le corps médical fera ce qu'il faudra pour y parvenir (maintien d'une alimentation et hydratation, soin des infections, prévention, pas d'emploi de substances à risques, etc.).  

Mais la situation de Vincent Lambert s'est compliquée en raison d'interprétations et d'avis familiaux divergents : pour ses soignants, son épouse et certains membres de la famille, Vincent Lambert, en sus de ses déclarations préalables, a manifesté des signes d'opposition aux soins, il faut donc arrêter de le maintenir en vie artificiellement. Mais pour d'autres membres de la famille, Vincent Lambert est handicapé mais conscient, il ne faut donc pas arrêter ses traitements, indépendamment de ses déclarations. D'où l'imbroglio. Malheureusement ce patient se retrouve, en quelque sorte, pris en otage entre ces différentes parties, malgré ses souhaits :  son alimentation a été arrêtée deux fois par l'hôpital de Reims, mais reprise à chaque fois sur décision de justice saisie par une partie de la famille.

Le 24 juin, le Conseil d'Etat, après de multiples auditions et expertises,"juge légale la décision médicale de mettre fin aux traitements de M. Vincent Lambert", mais ses parents saisissent aussitôt la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui ordonne son maintien en vie et son intransférabilité le temps d'étudier le dossier et de se prononcer :
 

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L'imbroglio va donc continuer malgré les vœux du patient, au nom duquel ses parents disent pourtant agir…

L'"affaire du Dr Bonnemaison" : radié de l'Ordre des médecins et... acquitté par la justice 
Autre affaire délicate qui se télescope avec l'Affaire Lambert : celle de ce médecin urgentiste de Bayonne, le Dr Nicolas Bonnemaison, mis en cause pour avoir administré du curare, en 2011, à 7 patients très âgés et très malades, "en fin de vie" et donc décédés suite à cette injection. Il lui est reproché d'avoir effectué cette administration de son propre chef et sans en avoir référé à la famille ni aux autres professionnels de santé de son établissement (et donc en dehors du cadre légal prévu par la loi Léonetti). 

Pour sa défense, le Dr Bonnemaison a expliqué à la cour d'assises de Pau que c'est pour protéger l'équipe soignante et les familles qu'il gérait seul certaines situations de fin de vie. Avant les délibérations du jury, il a ré-affirmé sa bonne foi : "J'ai agi en médecin comme je le conçois (...) jusqu'au bout du bout (...) J'estime que cela fait partie du devoir du médecin d'accompagner ses patients jusqu'au bout du bout".

Une affirmation entendue apparemment par les jurés, puisqu'il a été acquitté des faits incriminés, faits pour lesquels seule une des sept familles s'était portée partie civile.

Il reste cependant radié par l'Ordre national des médecins, qui a porté plainte contre lui en septembre 2011 (alors que le Conseil départemental n'avait pas voulu porter plainte…). Le Dr Bonnemaison a fait appel de cette radiation au Conseil d'Etat qui va donc devoir, à nouveau, s'immiscer dans le domaine médical et rendre un avis important…

Cette décision de justice doit-elle être interprétée à l'aune d'une situation très particulière, personnelle, ou est-elle un avant-goût d'une évolution de la loi sur la fin de vie qui pourrait permettre, dans certaines conditions bien définies, aux médecins d'administrer une substance potentiellement létale pour abréger, par exemple, des souffrances insupportables si le patient l'a souhaité clairement auparavant ?

En tout cas, ce verdict est perçu de manière contrastée, si l'on en croit en tout cas les premières réactions sur les réseaux sociaux, certains médecins en particulier s'étonnant, voire s'indignant, d'une sorte de "permis de tuer sans consentement" implicitement reconnu par cette décision.

 
Que pensez-vous de ces deux affaires  complexes et délicates ?
(commentaires ci-dessous ou sur notre forum, par exemple cette discussion sur la fin de vie)  


En savoir plus :
- Le Conseil d'État juge légale la décision médicale de mettre fin aux traitements de M. Vincent Lambert, Conseil d'Etat, 24 juin 2014
- La Cour européenne des droits de l'homme demande au gouvernement français de faire suspendre l'exécution de l'arrêt rendu par le Conseil d'État autorisant l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation de Vincent Lambert (fichier PDF), Cour Européenne des droits de l'homme, 25 juin 2014
- Procès: Bonnemaison dit avoir "agi en médecin (..) jusqu'au bout du bout", AFP, 25 juin 2014 *
- Fin de vie : l'urgentiste Nicolas Bonnemaison acquitté, Liberation.fr, 25 juin 2014
- Confirmation de la plainte à l'encontre du Dr. Bonnemaison, Ordre National des Médecins, septembre 2011 

Sur VIDAL.fr : 
Soins palliatifs et fin de vie : "Je suis plutôt contre une loi sur l'euthanasie", Interview du Dr Christophe Trivalle, gériatre (mai 2014)
Fin de vie, "assistance à mourir" : après l'avis du CCNE, un débat public, puis une loi (juillet 2013)


 
Sources

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licorne84 Il y a 9 ans 0 commentaire associé
En réponse à Nounours, l'ordre n'est pas au dessus d'une cour d'assise, mais à coté: ce sont deux juridictions différentes. L'Ordre s'occupe de déontologie qui est le "règlement intérieur" du corps médical, la cour s'occupe de la loi, applicable à tous.
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