#Santé publique

Fin de vie, "assistance à mourir" : après l’avis du CCNE, un débat public, puis une loi

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a été saisi par le Président de la République sur les questions concernant la fin de vie. Dans son avis n°121, le CCNE ne recommande pas l'ouverture du droit au suicide assisté ou à l’euthanasie, mais émet plusieurs remarques et préconisations. Cet avis sera suivi d’un débat national puis d’un projet de loi, a priori fin 2013.
01 juillet 2013 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Le CCNE préconise avant tout d'améliorer les conditions actuelles de la fin de vie des patients.

Le CCNE préconise avant tout d'améliorer les conditions actuelles de la fin de vie des patients.


Le Président a posé 3 questions au CCNE
Dans son programme présidentiel, François Hollande a proposé une "assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité" en cas de "souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée" (proposition 21).

Fin 2012, le Président de la République a saisi le CCNE en lui posant trois questions :
  1. Comment et dans quelles conditions recueillir et appliquer des directives anticipées émises par une personne en pleine santé ou à l'annonce d'une maladie grave, concernant la fin de sa vie ?
  2. Comment rendre plus dignes les derniers moments d'un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d'une décision prise à la demande de la personne ou de sa famille ou par les soignants ?
  3. Selon quelles modalités et conditions strictes permettre à un malade conscient et autonome, atteint d'une maladie grave et incurable, d'être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie ?
Le 1er juillet, l'avis n°121 du CCNE lui a été remis et a été rendu public (téléchargeable sur le site du CCNE).

Un groupe de travail composé de médecins, spécialistes des religions, philosophes, etc.
Les travaux sur ces délicates questions ont été menés par 16 des 39 membres du CCNE : des médecins (François Beaufils, Claude Matuchansky, Francis Puech, Jean-Louis Vildé, Bertrand Weil) et des spécialistes des questions religieuses (Michaël Azoulay, Xavier Lacroix, Louis Schweitzer), mais aussi deux philosophes (Ali Benmakhlouf, André Comte-Sponville), une psychologue (Anne-Marie Dickelé), un mathématicien (Jean-Pierre Kahane), une juriste (Frédérique Dreifuss-Netter) et un homme politique (Alain Claeys).

Régis Aubry et Claire Legras étaient les deux rapporteurs de ce groupe de travail, qui a également auditionné Jean Leonetti (auteur de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie de 2005, en vigueur actuellement), Didier Sicard (Président de la Commission de réflexion sur la fin de vie en France, qui a remis son rapport fin 2012) et Yves Kagan (Fondation gériatrique de Rothschild, Paris).

Une loi Léonetti qui représente un progrès, mais n'est pas suffisante aujourd'hui
Les auteurs de l'avis du CCNE remarquent que depuis une quinzaine d'années en France, la question de la fin de vie est davantage prise en compte, avec en particulier le vote de la loi Leonetti. Cette loi prônait une lutte contre l'acharnement thérapeutique, une prise en compte des éventuelles volontés du patient d'arrêter des traitements trop lourds (directives anticipées) et, en parallèle, un développement des soins palliatifs.

Mais "ce changement de perspective n'est toutefois pas perçu pour ce qu'il est par nos concitoyens et est encore loin d'avoir produit tous ses effets dans le monde médical", constatent les auteurs.

Faut-il pour autant autoriser le suicide assisté, voire l'euthanasie ?
Le suicide assisté, qui implique que le patient prenne lui-même des médicaments létaux prescrits par un médecin, était proposé par le rapport Sicard de fin 2012. Mais le CCNE souligne les difficultés éthiques posées aux médecins par cette autorisation : "donner à une personne en fin de vie la possibilité de se donner la mort pour respecter sa volonté reste et demeurera toujours un acte d'une extrême gravité et la société, lorsqu'elle s'en remet aux médecins de le faire, leur confie la tâche la plus lourde que l'on puisse  concevoir ".

De plus, les "cas-limites" le seraient peut-être moins si les soins palliatifs étaient mieux et plus uniformément appliqués. Enfin, il existe des risques de dérive qui inquiètent le CCNE. Par exemple, cette option de suicide assistée pourrait être détournée, comme en Suisse, où une étude de l'association Exit Deutsche Schweiz a montré que 21,1% des personnes qu'elle avait assistée ne souffraient d'aucune maladie mortelle (cette association a assisté 748 suicides entre 1990 et 2000).

Quant à l'euthanasie (geste létal administré directement par le corps médical), le CCNE remarque qu'elle se "banalise" aux Pays-Bas et en Belgique, où l'on dénombre aujourd'hui 1200 euthanasies par an. Outre ce risque de banalisation, le CCNE souligne les volontés d'élargissement des indications et modalités de mise en œuvre, ainsi que la persistance d'euthanasies illégales : "on compterait en Belgique trois fois plus d'euthanasies pratiquées dans des conditions suspectes qu'avant l'adoption de la loi".

Six préconisations du CCNE
Les membres du groupe de travail du CCNE n'étaient pas tous d'accord sur ces questions complexes et délicates de suicide assisté et euthanasie, même s'ils étaient majoritairement contre. Néanmoins, au terme de sa réflexion, le Comité a formulé 6 séries de remarques et recommandations :
  1. Améliorer la loi existante pour  "garantir la prise en compte de l'avis des personnes qui sont en fin de vie" : "élargir les délibérations collectives" à tous les professionnels du soin (et non uniquement un collège d'experts), repenser le recueil des directives anticipées et "définir un droit des individus à obtenir une sédation jusqu'au décès dans les derniers jours de leur existence" ;
  2. Diminuer les inégalités pouvant conduire à des situations encore plus inacceptables (prise en charge de la douleur, prise en charge financière, accompagnement, accès équitable aux soins palliatifs, vigilance sur les droits des personnes âgées, etc.) ;
  3. Mieux connaître les "situations limites" : situations dans lesquelles les soins actuels ne suffisent pas "à rendre acceptables les derniers instants de la vie d'une personne" ;
  4. Ne pas autoriser le suicide assisté aux personnes qui ne sont pas en phase avancée ou terminale d'une maladie ;
  5. En ce qui concerne sur l'autorisation ou l'interdiction du suicide assisté en phase terminale, le CCNE ne s'est pas mis d'accord unanimement , mais estime en majorité qu'il faut l'interdire, à l'inverse du rapport Sicard ou encore de l'avis du Conseil de l'Ordre national des médecins ;
  6. Nécessité d'un débat public "pour associer la société civile à la décision publique", avant une éventuelle évolution législative.

François Hollande : "un projet de loi sans doute à la fin de l'année"
Le président de la République a donc reçu de nombreux avis des instances éthiques et médicales suite à sa proposition d'évolution de la loi Léonetti. Suite à la remise de l'avis du CCNE, le Président a salué la volonté d'ouverture d'un débat public national.

François Hollande a également à nouveau annoncé une évolution législative sur ces questions complexes : "au terme de ce débat il y aura, sans doute à la fin de l'année, un projet de loi qui en sortira fort de tout ce qui aura été dit et précisé à l'occasion de cette réflexion nationale".

Sources et ressources complémentaires :
- "avis N° 121 : Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir", Comité consultatif national d'éthique, 1er juillet 2013
- "Proposition 21 du Projet présidentiel de François Hollande", programme uploadé sur Scribd.com par lemonde.fr, janvier 2012
- "LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie" dite "loi Leonetti", avril 2005
- "Fin de vie : remise du rapport Sicard", Elysee.fr, 18 décembre 2012
- "748 cases of suicide assisted by a Swiss right-to-die organization", Bosshard G, Ulrich E, Bär W.,  Swiss Medical Weekly 2003. 133.:310–317
- "Fin de vie, assistance à mourir",  Conseil National de l'Ordre des Médecins, 14 février 2013
- "Fin de vie: un projet de loi «sans doute à la fin de l'année»", liberation.fr, 1er juillet 2013
Sources

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